Sur un air de désir, l’essentiel est le plaisir
Cette phrase ne résume qu’une partie de cette notion très vaste.
Desiderium
Il faut rappeler quelques notions avant d’engager un questionnement. Le mot désir vient du latin desiderium qui a une double signification. Dans un premier temps, c’est le fait de désirer quelque chose sans intervention extérieur (soudain je désire un passant, une passante que je ne connais pas), ce désir vient de « nulle part », il n’est sollicité par rien d’extérieur qui m’inciterait, m’obligerait à désirer.
Dans un deuxième temps, ce terme latin désigne le besoin. De nos jours, cette notion d’« Avoir besoin » n’est pas évidente à déterminer car en général, c’est l’extérieur qui nous dit ce dont on a besoin ou pas. Alors, il nous arrive de ne plus savoir ce que nous désirons, ce dont nous avons réellement besoin. Il faut éclairer notre lanterne.
Malebranche explique notamment que « l’idée de désir est l’idée d’un bien que l’on ne possède pas mais que l’on espère posséder ». Tout se tient dans cette espérance et non pas dans l’objet du désir lui-même.
Freud l’avait compris puisqu’il expliquait que le désir ne vise pas un objet réellement existant et que, pour cette raison, il ne peut se satisfaire totalement. Il est souvenir d’une sensation, d’un souvenir gravé dans la mémoire, d’une expérience de plaisir et de satisfaction. Ce désir est alors imaginé, fantasmé. C’est pour cela qu’il est fortement déconseillé de réaliser un fantasme puisque « l’objet fantasmé » n’a rien de commun avec une réalité. Le désir peut, dans la réalité, ne pas vous plaire ou même devenir cauchemardesque. D’où une certaine méfiance vis à vis de ce que l’on désire.
Nature et culture
Et le besoin dans tout ça ?
Le désir et le besoin sont considérés comme différents car dans la notion de besoin il y a celle de l’indispensable à l’existence, c’est par exemple le « besoin vital », ou encore une notion d’épanouissement individuel (pour écrire, j’ai besoin d’écouter du jazz).
Il y a donc au sein de cette notion de besoin, un caractère absolu de nécessité et une forme de légitimité.
Certains mouvements dits de « décroissance » veulent, tel Épicure, limiter les besoins aux seules exigences physiologiques. La question qui se pose alors est de savoir si nos besoins, et au-delà, nos désirs doivent se limiter à notre animalité, à nos simples réalités et besoins physiques ?
La philosophie, la Raison ne sont en rien vraiment drôles à ce sujet. Car contrairement à l’adjectif « épicurien » qui désigne de nos jours un « bon vivant », la philosophie d’Epicure était de profiter certes, mais pas forcément dans la quantité. C’était se contenter de peu et même de rien, si le « rien » était satisfaisant.
Si on ne s’en tient qu’à de seules exigences physiologiques, à notre nature, que deviennent la culture, le progrès, les nouvelles technologies, les collections de disques, les Dvds ? Ces petits désirs qui ne se mangent pas, mais qui font tellement de bien. Ces petits cadeaux, ces petits désirs satisfaits. Epicure se satisferait sans doute d’un petit Dvd et dirait simplement qu’il ne faut pas acheter le coffret entier. Enfin…je pense. Je tente de me rassurer sur mes propres désirs. Mais pourquoi ?
Sans doute s’agit-il de cette partie métaphysique du désir. Nous ne cessons pas de désirer. Dès qu’un désir est satisfait il est remplacé par un autre qui lui succède. Les nouvelles technologies développent cela en transformant des désirs en besoins. Cela se traduit par l’expression de certains : « il me faut le dernier… » Il y a une injonction, une obligation dans cette petite phrase qui veut tout dire.
On anticipe vos désirs, on vous informe qu’ils deviennent presque vitaux ; ils deviennent presque « indispensables à l’existence » disions-nous plus haut. La culture du progrès changerait-elle notre nature ? Disons que tant que nous ne remplaçons pas les produits de premières nécessités par des écrans plats, tout va bien !… (sic)
Le côté obscur de la force
C’est bien tout ça ! Mais à quel moment parlons-nous des éléments croustillants du désir ?
Éros est le Dieu de l’Amour mais aussi du Désir nous rappelle Platon dans le sulfureux Banquet, dialogue célèbre pour son « dérapage » contrôlé vers une véritable orgie. Ce cher Éros est le fils de Pénia, symbole de la misère.
En terme de sexualité, la « misère sexuelle » n’est pas forcément le fait de ne pas avoir de rapports. Il s’agit plutôt de la notion de ce qui est « contenu » dans ces rapports. L’Antiquité et sa mythologie nous invitent à en savoir plus sur ce sujet.
Le problème de Éros c’est qu’aucun objet sensible ne peut satisfaire l’Amour dont la vraie voie est de passer de l’Amour des beaux corps à celui des Belles Âmes afin de s’élever à la contemplation du Beau en soi qui est l’éclat du Bien, du Vrai.
Le Vrai étant chez les Grecs l’alliance entre la Perfection et l’Harmonie.
Ainsi, logiquement, le « mauvais désir » serait celui qui nous ferait passer du côté obscur : celui de « l’éternelle insatisfaction ». Pour passer de l’Amour des beaux corps à celui des belles âmes, il faut du temps. Certains cherchent encore et encore. Ils mettent du « cœur » à l’ouvrage, s’acharnent et remettent sans cesse, maintes fois, cette « quête » en question… A chacun de savoir de quel côté il se trouve.
S’il fallait conclure
Ce que nous pouvons observer de nos jours c’est que le désir est remplacé par une notion connexe celle du besoin. Ce terme est source d’erreurs et de faussetés dirait Descartes. En effet, en croyant se faire plaisir et en pensant que leurs désirs serviront, auront un intérêt, les Hommes croient désirer utilement. Ils ne se rendent pas compte que le plus souvent ce qu’ils désirent va nuire à l’essentiel, le Plaisir.
Sophie Sendra