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Par Tristane Banon – bscnews.fr / Je me souviens d’une émission de Laurent Ruquier,« On a tout essayé ! ». C’était à la fin 2006 et je faisais la promotion de «Trapéziste », mon deuxième roman.
L’animateur, très enthousiaste sur mon livre et plutôt enclin à le défendre contre les pourfendeurs de jeunesse littéraire, voulait me faire réagir à un article paru dans l’hebdomadaire Marianne qui disait, en substance : Ils sont jeunes, beaux, et se croient Goncourables ! Voilà la Star Academy Littéraire et son lot de mauvaises surprises ! L’idée, on l’aura comprise, était assez simple : expliquer à qui voulait l’entendre que les jeunes auteurs épinglés étaient mauvais, tout juste bons à faire joli sur les plateaux télévisés. Sur moi, le constat était sévère, comme sur les femmes en règle générale : Les éditeurs ne nous avaient signé nos contrats que pour avoir, dans leur cheptel, vulgairement dit et en substance : Des beaux petits culs bien faits! Qu’importait donc la langue, nos écrits, le talent que nous avions, ou pas ; et nos histoires plus ou moins bien ficelées ! L’animateur me regarde et me dit : Vous n’êtes évidemment, comme nous tous ici, pas d’accord avec ça ?!

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Et… Si, je suis d’accord, en partie. Oui, je pense qu’une femme, jeune qui plus est, est souvent accueillie dans les maisons d’édition, pour peu qu’elle sache aligner trois lignes sur un bout de papier, pour de mauvaises raisons. On devine que son physique passera bien à l’écran, on y voit la bonne cliente des plateaux de Talk- Show, on espère la séduction sur les lecteurs…D’accord. Tout cela est sans doute vrai. Moi-même, quand je suis arrivée dans ce milieu de la littérature, j’ai sans doute bénéficié de cet aspect des choses. Ce serait mentir que de le nier. Mais sur le long terme, sur une carrière (si la bonne fortune veut bien nous en prêter une), au bout de deux, trois, quatre livres…C’est prendre le lecteur, les journalistes et les éditeurs, pour les derniers des imbéciles que de penser qu’ils continueront de jouer le jeu si la qualité littéraire ne suit pas ! Le pouvoir d’achat est au plus bas et le prix des livres presque au plus haut… Il faut œuvrer de beaucoup de candeur pour penser que les lecteurs dont, déjà, le nombre s’amenuise comme peau de chagrin, vont se ruer sur des livres mal écrits et sans intérêt pour le seul bonheur d’observer, en quatrième de couverture, un joli minois format timbre poste. Tout ça parce qu’il l’ont vu sur le petit écran? Le label « Vu à la télévision» n’a pas tant de pouvoir, je crois.

Alors, cette petite histoire pourquoi ? Pour dire que oui, être une femme en littérature c’est difficile, très difficile…Mais surtout au début ! Tout ça ressemble à un vaste bizutage des anciens, des hommes surtout ; une sorte de passage obligé qui se résumerait en un avertissement simple : « Tu veux écrire petite ? Tu prétends savoir faire cette chose-là ? Alors prouve que tu n’es pas qu’une naïade en mal de notoriété et de célébrité vite acquise ! Tant que nous ne serons pas convaincus, nous te traiterons comme telle, et cette période de doute peut-être longue, sache-le! Le temps permettra de reconnaître les siennes ».

J’ai beaucoup pleuré à mes débuts. « Erreurs avouées…(au masculin) », mon premier livre, se rappelle à moi comme de longues heures de questionnement : Est- ce que tout ça vaut vraiment la peine d’être regardée comme une putain ? Pourquoi cette mesquinerie ? Cet à priori négatif ? Ce délit de belle gueule (en tout cas pas trop moche) ?
Plus tard, mon premier roman, « J’ai oublié de la tuer », correspond à des sanglots réguliers, une fois seule chez moi. Pas question de fondre en larmes devant ceux qui vous répètent que vous ne serez jamais la femme que d’un seul livre, comme tant d’autres midinettes avant vous.

Reste qu’aujourd’hui, à la veille de la sortie de mon troisième roman et quatrième livre, « Daddy Frénésie » (chez PLON, sortie prévue le 21 août 2008), je savoure le chemin parcouru et apprécie d’avoir tant lutté pour continuer. Pas que j’aime la souffrance, loin s’en faut ! Mon côté « artiste torturé » a ses limites. Mais avoir à prouver, perpétuellement, ce que l’on vaut ; à se remettre en question, vérifier que l’on est bien dans la voie qui nous plaît et ce, pour de bonnes raisons ; ça pousse à la sincérité dans l’écriture. Et au vrai travail !
Difficile de bâcler quand on a tout à prouver.
Certes, la partie n’est pas gagnée pour moi, et être une femme dans un milieu résolument dominé par la gent masculine reste quelque chose de compliqué à gérer. Mais je remercie ces « hommes de lettres » de m’avoir forcée à ne jamais me reposer.
On aimera mon prochain roman, ou pas ; on pensera que j’ai du talent, ou pas ; on y verra un style, ou pas… Mais on ne pourra pas nier une vraie progression en regard des précédents.

Messieurs… Merci !

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