Marianne Maury Kaufmann : Dédé, enfant phare
Par Marc Emile Baronheid – bscnews.fr/ Commencer l’année par une pépite est un bonheur rare. L’important : savourer. Tant pis pour les onze mois à venir, leur cortège de baudruches, la valse à mille temps des renvois d’ascenseur et la ronde elliptique des courtisans.
« Dédé était un optimiste, à ce propos, tout le monde s’accordait. Ce don pour le bonheur, sa grand-mère disait qu’on l’avait ou qu’on l’avait pas »
. Pourtant, à découvrir sa vie, on serait tenté d’ ajouter que, parfois, l’optimisme frise la débilité. Le jour où Dédé est né, les fées devaient être en grève, ou à une manifestation des bonnets rouges. N’était Aimée, cette grand-mère providentielle, figure tendre, généreuse et rassurante, le garçon n’aurait rien ni personne, sinon la chance d’être la tête de turc d’une enseignante bornée. Grâce à elle, il brigue le plus fastueux des diplômes, celui de l’école buissonnière. On ne louera jamais assez la bêtise de ces professeurs, figures imbéciles d’une France qui fabrique des charretées de tristes comiques télévisuels – leurs portraits en creux – et nous précipitent dans les merveilles bancales d’une vie débraillée. Dédé bat la campagne ; il braconne mais c’est lui qui est pris au lacet. Par madame Maffre, une « vieille » en chemise de nuit très sexy « certainement achetée à La Redoute ». Placé dans un pensionnat qui tient beaucoup de la maison de redressement, il reçoit des trésors de tendresse d’Annette, l’infirmière de l’institution. Mais les Parques n’aiment pas qu’on les nargue…
Marianne Mary Kaufmann avait publié un recueil de nouvelles, genre souvent bâillonné par une sobriété narrative que menace la nécrose des terminaisons nerveuses. La romancière s’en libère avec brio. Sa prose a l’odeur de la terre fraîchement labourée, un petit goût de Jaccottet et de Trassard, un pouvoir suggestif qui donne envie de la suivre pour une chevauchée allègre, de battre la campagne en une ronde ininterrompue, malgré sa harde d’invalides du bonheur. C’est Chabrol et Godard revus par Maurice Genevoix. C’est une voix, un regard, une plume dont on attend déjà monts et merveilles.
« Dédé, enfant de salaud »
Marianne Maury Kaufmann
Fayard, 18 euros
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