« Le Monde est à toi » : une comédie inclassable qui bouscule les codes du polar
« Le Monde est à toi », comédie inclassable qui bouscule les codes du polar suit la course de petites frappes déjantées qui jouent au chat et à la souris avec le Milieu. Isabelle Adjani, plus belle et drôle que jamais, tient le haut de l’affiche aux côtés de Vincent Cassel, lunaire et habité. Un pur bijou acide et jouissif. En salles le 15 août.
Privilégiant les gueules, les loosers qui s’accrochent à leur rêve évanoui de gangster jamais élevé au rang de légende, « Le Monde est à toi » s’ouvre sur une scène anodine, entre un type qui parle dans un flot ininterrompu, Vincent Cassel, (captivant) et un autre taiseux, qui observe patiemment, Farès (Karim Leklou, excellent). En planque dans une voiture, frustré parce que le deal ne se présente pas avec le packaging qu’il avait préparé avec soin, Farès, est las de devoir rendre des comptes au caïd névrotique du quartier, Poutine, (Sofian Khammes, surprenant) plus enclin à faire des câlins à son mastodonte de chien qu’à dynamiser la vente de barrettes. Poète, doux rêveur, Farès, veut conquérir le marché de Mr Freeze en devenant le distributeur au Maghreb. Déterminé à se ranger, à se tailler sa place sous le soleil de Tunisie, son business plan ficelé, il se tourne naturellement vers la femme de sa vie : sa mère, (Isabelle Adjani, exceptionnelle), dévoratrice et intrusive à l’extrême, dame de fer qui tient avec une main de maître un gang de voleuses professionnelles et refuse de lui donner la somme déjà dilapidée dont il a besoin pour son honnête projet.
Jeu de famille
Romain Gavras a donné le ton, « Le Monde est à toi » dépeint une galerie de personnages déjantés, méandreux, façon Tarentino, loin de l’ascension d’hommes et de femmes transformés en tueurs sanguinaires mais multipliant les coups foireux. Vincent Cassel, beau-père de Farès, fou amoureux de Mama Adjani, est incapable d’assurer le braquage d’un cercle de jeu clandestin tenu par des Chinois, alors que la belle aux yeux revolvers est au plus fort d’une partie de poker avec ses fidèles amazones, sans un regard pour, Cassel, dans un rôle à contre-emploi de parfait bras cassé.
A contre-courant des machos tout en muscles, Farès, perd ses moyens face à la troublante Lamia, (Oulaya Amamra, irrésistible), véritable bloc d’énergie rêche et rebelle.
Tenace, Farès, qui rêve toujours de nouveaux horizons hors de l’Hexagone, accepte un dernier go fast en Espagne alors qu’il ne s’y est jamais frotté. Parviendra-t-il à atteindre son but ? Et échapper au clan et à un autre personnage aux codes d’honneurs implacables, Mama Gangsta…
Le cinéaste a opté pour la comédie décalée à coups de sketchs totalement fous. Le récit syncopé, maintient une certaine tension, bouscule les genres avec audace, inventivité et liberté : on palpite, on vibre au rythme de la cité et de la côte ibérique, qui servent de décor rock à l’intrigue fiévreuse et se dessinent sous une esthétique hors-pair inspirée de clips pop. Le génie du titre renvoie à « Scarface » de Brian De Palma, les lignes et les courbes des barres H.L.M à « La Haine ». Sexe, flingue, trahison, rythment ce film acide et jouissif qui s’ouvre sur le ton solennel de Sardou, nous embarque sur les beats endiablés des PNL, Petit Biscuit et se clôt sur la voix limpide de Balavoine.
LE MONDE EST A TOI
Au cinéma le 15 août 2018
Un film de : Romain Gavras
Avec : Karim Leklou, Isabelle Adjani, Vincent Cassel, Oulaya Amamra, François Damiens, Philippe Katerine
( Crédit Photo D.R / Studio Canal)