Robert Redeker : « Le football est devenu une machine à déraciner autant qu’à légitimer le libéralisme le plus ravageur »
Le philosophe Robert Redeker vient de faire paraître un livre passionnant sur le football mais pas seulement. Comme il le dit lui-même, « ce livre n’est qu’en apparence un livre sur le football. Il est plutôt un traité de philosophie qui prend le football pour point de départ ». Alors que la Coupe du monde sera lancée dans quelques heures et que les éditorialistes pinaillent sur les compositions d’équipes, les formes des joueurs et les conditions d’entrainement des sélections, Robert Redeker nous livre une analyse sans concession du rôle politique du football qui tente de « substituer le consommateur au citoyen et jouer le rôle de pouvoir spirituel contemporain. » Une interview Putsch sur le football Wall Street.
Une première question : pourquoi avoir écrit ce livre ? Quelle est sa genèse ? Êtes-vous vous même (ou avez-vous été dans le temps) un amateur de football ?
Il y a très longtemps que je réfléchis sur le rôle du sport dans la fabrique de l’humain occidental. Cette question de la fabrique de l’humain remonte à Rousseau – elle articule toute son œuvre. Je l’ai approchée en m’interrogeant sur le rôle de l’informatique (dans Le Déshumain et Egobody), sur les institutions politiques (dans Nouvelles Figures de l’Homme), et, bien entendu sur le sport, ce royaume de la manipulation de l’imaginaire. Ce livre n’est qu’en apparence un livre sur le football. Il est plutôt un traité de philosophie qui prend le football pour point de départ.
En vous lisant Robert Redeker, votre propos laisse à penser que le football serait apte à abrutir les masses ? Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
Je vous répondrai en deux volets. D’une part le football est développé avant tout par les industries planétaires du divertissement pour créer et exploiter des marchés, ce qui revient un peu à cet « abrutissement » dont vous parlez. Des consommateurs euphoriques – avec un cynisme qui prend acte de la bêtise générale de la population, nos Maitres ne manquent pas de proclamer que le football engendre de la bonne humeur favorable à la croissance économique – ne sont rien que des ilotes. D’autre part sa fonction politique est évidente : substituer le consommateur (y compris du spectacle de la politique) au citoyen et jouer le rôle de pouvoir spirituel contemporain.
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