Dora Maar : le livre éblouissant de Stephan Lévy-Kuentz

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Par Laurence Biava – Le dernier livre de Stephan Lévy Kuentz est un grand livre d’art où se retrouvent mêlées écriture, photographie, mémoire, et réflexion sur la vie d’artiste autour de la personne de Dora Maar.

En évoquant ce personnage iconoclaste et extraordinaire, maîtresse de Georges Bataille, puis présentée au peintre par Paul Eluard aux Deux Magots en 1936, il permet de nous interpeller sur la quintessence de ces trajectoires célestes, allégoriques et pourtant, non exemptes de souffrance car passionnelles. Il est bien peu de dire que Dora Maar en a bavé.
Il y a d’abord les excellentes photographies de Jérôme de Staël qui expriment la marginalité et le dénuement de la recluse. Elles accompagnent le texte et appuient le propos de l’auteur qui narre avec talent et de relief le culte amoureux que Dora Maar voua toute sa vie, et au-delà de leur rupture, à Pablo Picasso. Lévy-Kuentz conte sa solitude, et les réminiscences que lui laissa l’homme aimé.
Exilée dans la maison de Ménerbes, meurtrie inconsolable sur un si long pan de vie, là où le diable l’a laissé, Dora mène une existence quasi monacale : elle peint dans son atelier, voit des amis mais surtout, incapable de renoncement, se complaît dans le souvenir mimétique de cette relation sado-masochiste. Difficile pour elle de conserver son souffle. A croire que le souvenir autre de quelques surréalistes du temps d’avant ne suffit pas à l’arracher au désespoir, que l’esprit d’antan l’a, en effet, aussi déserté. L’essentiel n’est finalement pas là mais les plaies sont toujours ouvertes, semble t-il, dans l’attente irréelle et consumée de son bourreau évanoui.
Stéphan Lévy-Kuentz raconte cette passion tumultueuse, en s’interrogeant sur le lien qui unit les artistes à leurs muses, jusqu’à la dévoration, jusqu’à une forme d’esclavage librement consenti. L’auteur excelle à trouver les mots justes pour exprimer les conséquences et le retentissement d’une telle débâcle sur l’âme humaine. L’écriture est belle et délicate, elle est sensuelle, et curieuse. Elle montre et dépeint tout, observe, tâtonne, suppose. Elle signale aussi, s’attarde sur des détails, relève les résidus, subodore les gestes et les attentes qui furent, imagine symboliquement les regards qui furent donnés et détournés. C’est un travail littéraire qui nous est offert à part entière.
Le livre s’achève sur la postface impeccable et lumineuse d’Anna de Staël. Très bel hommage.

Stéphan Lévy-Kuentz, Sans Picasso, photographies de Jérôme de Staël, postface de Anne de Staël, éditions Manucius, 2017, 84 pages

 

 

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