Théâtre: Madame de Sade

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Par Julie Cadilhac – PUTSCH.MEDIA / Crédit-photo: Anne Gayan / Marie Clauzade.

Une pièce étonnante aux rebondissements sulfureux qui mériterait de se dévêtir d’une bonne demi-heure de scène…

Oui, c’est bien dommage que les metteurs en scène n’osent se permettre quelques licences horaires et ne coupent de peur de dénaturer: le résultat est contraire à celui espéré: le spectateur, qui appréciait grandement le spectacle, s’essouffle sur la fin et finit par ne plus regarder que…sa montre.

Madame de Sade, écrite par Yukio Mishima, a été jouée le 25 et 26 juin 2010 dans son adaptation française d’André Pieyre de Mandiargues pour le Printemps des Comédiens. L’histoire est accrocheuse : Entre 1772 et 1790, les valeurs s’écroulent et une révolution gronde. Dans ce contexte déstabilisant, six femmes sont réunies par trois fois en dix-huit ans pour évoquer un absent aux débauches monstrueuses: Donatien Alphonse François, marquis de Sade. Chacune a lié son destin d’une façon ou d’une autre avec l’abominable libertin. Au travers d’un texte aussi poétique que cru ,l’on découvre au gré des rencontres de ces femmes de tête les actes aussi sanglants que sexuels auquel le marquis s’est livré. La Marquise fait montre à son égard d’une dévotion irraisonnée  » Si mon mari est un monstre de vice, il faudra que je devienne pour lui un monstre de fidélité. »

Evidemment, les costumes ( Claire Risterucci) sont à louer …la récompense d’un Molière en 2009 est largement méritée. Véritables armes de guerre, « corsets et crinoline sont les carapaces précieuses dans lesquelles (les comédiennes) se juchent pour affronter l’adversité. Comme des bernard -l’hermite, elles investissent des coquillages fabuleux qui les protègent et leur donnent forme et consistance.(…) Elles sont les pièces maîtresses d’un échiquier imaginaire » ( Jacques Vincey). Ces femmes couronnées de perruques piquées de fleurs et de plumes magnifiques ( Cécile Kretschmar), ceintes de jupons à la structure métallique fascinent l’oeil du spectateur… un bémol cependant : l’incommodité de leurs tenues savantes semble nuire parfois à la scénographie….même si Jacques Vincey réussit à former quelques tableaux d’une esthétique superbe et a su déployer son imagination pour utiliser les costumes comme décor mouvant.

Autre bémol: l’exposition mammaire d’une des actrices n’apporte rien et ne s’explique que par cette insupportable mode théâtrale où le corps s’expose pour provoquer le spectateur. Pourtant, le récit qu’entreprend Madame de Montreuil de la nuit de noël décadente à laquelle s’est livrée sa fille avec son gendre – dont elle a eu connaissance par un espion qu’elle avait engagé – et qu’elle narre à cette propre fille sans pudeur est d’une provocation bien plus extrême et insinue une gêne ténue dans le public entier. Pas besoin donc de seins exhibés pour choquer, Sade et ses agissements en sont l’acmé indétrônable.

Ce marquis, qui ne paraîtra jamais, est une présence invisible qui aliène des poupées tantôt meurtries, tantôt provocatrices mais toujours fascinées par le Crédit -Photo: Anne GayanMonstre de Sade.

Madame de Sade est une pièce ambitieuse menée par 6 actrices généreuses – hormis Charlotte, la femme de chambre interprétée par un homme – allez savoir pourquoi! Hélène alexandridis ( Renée, marquise de Sade) et Marilù Marini ( Madame de Montreuil, mère de Renée) y sont particulièrement émouvantes et justes. Les autres, dans leurs excès et bizarreries, perdent leur charme sur la longueur – mais il semble que c’est davantage les rôles que le jeu des comédiennes qu’il faut ici blâmer…

Si la pièce ne distille pas tout le charme espéré, elle a le grand mérite tout de même de remettre d’actualité un personnage littéraire aussi controversé qu’inquiétant et d’insuffler un vent de liberté Crédit -Photo: Marie Clauzadecoquine lorsque le dernier talon haut sur scène a pris congé.

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