La confrérie des chats de gouttière : de beaux portraits de voyous à l’ancienne
Par Eric Yung – « La confrérie des chats de gouttière » est, convenons-en, un joli titre de roman qui recèle, en un peu plus de 120 pages, de beaux portraits de voyous à l’ancienne, quelques aventures en principe inavouables
et des vieux souvenirs qui ont marqué l’auteur puisque, pour que les choses soient claires, Alexandre Dumal (heureux pseudonyme !) nous confie que « depuis quinze ans et même plus que ça, il a raccroché sa panoplie de bandit à la patère de la légalité. Plus le moindre crime, aucun délit ! Depuis que je suis père, » dit-il. Mais –même si l’auteur ne dit pas que l’action lui manque- on sent bien à travers les mots qu’il regrette un peu, parfois, le temps de la cambriole et des braquages pour lequel il « avait déjà passé dix piges au placard ». Ce n’est pas par goût de l’exploit ni pour la facilité immédiate d’obtenir de l’argent que le héros du livre est devenu gangster. Ce qui a toujours trottiné dans sa tête, ce qui y trottine encore c’est de savoir, à n’importe quel prix, si le « voyou-libertaire » qu’il est, est ou pas, un homme libre.
Alors, sachant « que le rôle d’un chien errant est de errer, il n’avait donc rien à faire d’autre que de partir » (..)« Je ne fuyais rien confie-t-il. Je savais simplement qu’en changeant de rue, de quartier, peut-être de ville, c’était aussi moi-même que je changeais. »
Et à l’auteur de nous raconter ce voyage vers nul part qu’il entreprend. Ainsi, « A 6 H 40’ exactement, nu comme un ver, clope au bec, je suis sorti (…) J’avais décidé de repartir complètement à zéro. Comme si je venais d’être enfanté. A loilpé. » Dès lors, le héros du roman remonte plusieurs rues de Montreuil et quitte la banlieue « sa main gauche sur son sexe » car « il ne voulait pas être taxé d’exhibitionnisme. (…) J’ai souri. Je me sentais libre. Immensément libre ». Le périple continue par la rue de Paris. Il continue à marcher… Il passe devant quelques cités de Bagnolet avant d’atteindre le périf et les Puces. La nudité n’était plus possible.
« La confrérie des chats de gouttière » nous propose une réflexion sans chichi sur une certaine façon de vivre le quotidien. C’est ainsi, comme il est dit en quatrième de couverture, que l’auteur, « cet éternel outsider, peut enfoncer un peu plus le clou en nous livrant des tranches de vies tantôt truculentes, tantôt poignantes pour composer », in fine, un « hymne plébéien à la liberté ».
« La confrérie des chats de gouttière » de Alexandre Dumal, éditions l’Insomniaque.
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