Nathalie Côte : la 25ème côte d’Adam
Par Marc Emile Baronheid – La première phrase d’un premier roman infléchit-elle durablement le parcours d’une écrivaine ? On en jugera dans quelques années, pour ce qui concerne Nathalie Côte : « L’amour a ceci de commun avec les chambres à air qu’il éclate sans prévenir quand il ne fuit pas sournoisement ».
La forme des côtes et leur position relative joueraient un rôle important dans le mécanisme de l’inspiration. L’inspiration selon Nathalie Côte paraît émaner d’une région si particulière du squelette que l’on tend à remettre en cause les plus anciennes légendes de la création de l’univers.
Ainsi, Ève n’aurait pas été façonnée à partir d’une côte d’Adam, mais grâce au baculum, os pénien dont sont dotés certains mammifères et qui facilite l’érection. L’homme en est dépourvu depuis la nuit des temps. On en a la preuve, par la découverte des ossements de l’ homo siffredicus.
L ’évocation du mot « côte » dans certains récits religieux serait une bourde de traduction. C’est ce que l’on appelle un péché de Genèse…
Mme Côte raconte les congés payés de deux familles dont les gamines incarnent ces petites filles de français moyens, chères à Annie Chancel. On dirait le Sud, eu égard à la température caniculaire qui règne chez les Laforêt. Aux bondieuseries rances, Claire préfère les sollicitations machistes du démon de midi, tandis qu’Arnaud se console à la sauvette sur un site de films que l’on regarde de cette main gauche chère à Frédéric Louis Sauser. Chez les Bourdon, Vincent prépare un coup fourré pendant que Virginie, banquise gélatineuse, le soupçonne de turpitudes concupiscentes.
Un bouillon de culture dont la romancière se régale, les babines retroussées. On découvre que tremper dans son café une biscotte beurrée est un marqueur inflexible de l’espérance de vie conjugale. On savoure ce goût du paradoxe qui pousse à commettre l’adultère avec l’aide d’une chaîne … haute fidélité, diffusant « Vive les opérettes ». Nathalie Côte manie le sarcasme, la causticité avec une légèreté primesautière et d’autant plus heureuse. Chez elle, l’anodin n’est que trompe-l’œil; son art de pilonner le consumérisme et de dénoncer les Séguéla de l’achat à tempérament révèle une détermination bien ancrée.
Nathalie Côte essaime, puisqu’on lui doit aussi des œuvres musicales électroacoustiques, dont une choisie comme musique d’attente téléphonique par l’Ecole Nationale Supérieure d’Art de Paris Cergy, alors qu’une autre va superbement l’amble avec un poème d’André du Bouchet. Des débuts qui créent déjà une attente.
« Le renversement des pôles », Nathalie Côte, Flammarion
16 euros
Le site officiel de Nathalie Côte : www.nathaliecote.com
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