Révolte agricole : « Ça va monter crescendo ! La mèche est allumée ! Maintenant c’est parti »
La colère agricole a franchi un nouveau seuil ce vendredi 12 décembre. En soirée, plusieurs centaines d’agriculteurs ont bloqué l’autoroute A75 à hauteur de Sévérac-le-Château, en Aveyron, à l’appel de la Coordination rurale. En cause : l’abattage forcé d’un troupeau de 200 blondes d’Aquitaine en Ariège, décidé dans le cadre du protocole sanitaire lié à la dermatose nodulaire contagieuse. Une décision que les syndicats agricoles jugent disproportionnée, brutale et politiquement assumée contre le monde paysan.
Sur place, deux voix ont cristallisé la colère. Théo Alary, porte-parole de la Coordination rurale de l’Aveyron, et Éloi Nespoulous, président de la Coordination rurale Occitanie, ont pris la parole devant les manifestants et les caméras. Leurs déclarations dessinent une ligne claire : le conflit est désormais national et la prochaine étape est Paris.
Une intervention policière jugée démesurée
Pour Théo Alary, le point de rupture est clair. À Mariège, près de mille personnes s’étaient mobilisées pour tenter d’empêcher l’abattage du troupeau. Selon lui, l’État a répondu par un déploiement de force inédit : plusieurs centaines de CRS, des tirs de grenades lacrymogènes, y compris depuis un hélicoptère, et une stratégie de maintien de l’ordre vécue comme une humiliation.
Le porte-parole parle d’un sentiment de guerre asymétrique : des éleveurs mobilisés pour défendre leur outil de travail face à une machine administrative et sécuritaire jugée sourde et violente. L’image d’animaux abattus alors qu’ils étaient, selon les éleveurs, en parfaite santé, reste au cœur de la mobilisation.
Un protocole sanitaire contesté
Au-delà de la colère, la Coordination rurale remet frontalement en cause la doctrine sanitaire appliquée par le ministère de l’Agriculture. Théo Alary insiste sur les chiffres avancés par certains scientifiques : la dermatose nodulaire contagieuse entraîne une mortalité estimée entre 1 et 5 % des bovins infectés. Pour les éleveurs, le choix d’abattre la totalité d’un troupeau relève d’une logique absurde.
Le raisonnement est assumé : perdre quelques bêtes serait toujours préférable à l’anéantissement complet d’un élevage, souvent construit sur plusieurs générations. La Coordination rurale affirme s’appuyer sur d’autres avis scientifiques, minoritaires mais existants, qui défendent des alternatives à l’abattage systématique. Elle dénonce une sélection des expertises par le pouvoir politique.
Une rupture politique assumée
Les critiques visent directement la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard. Selon les responsables syndicaux, son absence à Mariège et son silence face à la mobilisation intersyndicale ont achevé de rompre le dialogue. Tous les syndicats agricoles étaient représentés sur place, affirment-ils, sans qu’aucune réponse politique ne soit apportée.
Pour Éloi Nespoulous, cette séquence marque un basculement. La mobilisation ne se limite plus à une contestation locale. Le blocage de l’A75, axe stratégique vers la capitale, est présenté comme un signal clair : la colère va monter en puissance. Le mot d’ordre est simple : élargir la mobilisation au-delà des étiquettes syndicales, rassembler agriculteurs syndiqués, non-syndiqués, et tous ceux qui se sentent méprisés par les décisions prises à Paris.
Cap sur Paris
Dans les rangs des manifestants, l’idée d’un mouvement national fait désormais consensus. La Coordination rurale assume une stratégie de montée en tension. Après l’A75, la prochaine étape est explicitement annoncée : Paris. L’objectif est de forcer le pouvoir politique à regarder en face ce que les agriculteurs décrivent comme une politique de destruction silencieuse de l’élevage français.
Ce vendredi soir, environ 200 à 250 personnes étaient présentes sur l’autoroute. Les organisateurs promettent davantage dès le lendemain. Pour eux, l’étincelle est allumée. Reste à savoir si l’exécutif choisira l’apaisement et le dialogue, ou s’il laissera ce conflit agricole se transformer en crise politique majeure.