Dans le Doubs, l’État envoie les forces de l’ordre contre des agriculteurs à bout

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Au petit matin, dans la campagne froide du Doubs, neuf camions de CRS ont déboulé pour encercler une ferme et empêcher plusieurs centaines de citoyens, d’éleveurs et de syndicalistes de la Coordination Rurale et de la Confédération Paysanne de bloquer l’abattage d’un troupeau. Quatre-vingt-trois vaches laitières, vaccinées depuis plus d’un mois contre la dermatose nodulaire contagieuse, ont été euthanasiées sous escorte policière, malgré la mobilisation d’environ trois cents personnes et l’appel à des analyses complémentaires afin de comprendre l’évolution du virus.

Selon les témoignages recueillis sur place et les images diffusées par une auditrice de la Matinale Tocsin, l’opération a pris des allures d’intervention antiterroriste. À Pouilley-Français, un agriculteur a été extrait de son tracteur, plaqué au sol puis placé en garde à vue pour tentative d’homicide. Les gendarmes affirment qu’il aurait reculé dans leur direction au volant de sa machine. Un tir de LBD a aussi été relevé, sans blessure grave selon certaines sources, mais un manifestant a tout de même été touché à l’épaule par un projectile, entraînant l’ouverture d’une enquête du parquet de Besançon sur la proportionnalité de l’usage de la force.

Pour le fils de l’agriculteur interpellé, également arrêté pour refus d’obtempérer, la scène a été traumatisante. Sur place, les éleveurs, venus défendre ce troupeau qu’ils considéraient comme protégé par la vaccination, n’ont cessé de répéter qu’ils demandaient simplement des analyses supplémentaires avant d’en arriver à une destruction massive de bêtes en bonne santé. Plusieurs ont dénoncé une attitude brutale des forces de l’ordre, certains affirmant que les autorités étaient prêtes à « taper » pour faire passer la procédure.

Le communiqué de presse de la Coordination Rurale de Haute-Vienne reprend la colère qui traverse le monde paysan. Selon son président, Thomas Hégarty, ces 83 bovins abattus « froidement » incarnent une nouvelle dérive technocratique, où des décisions sanitaires sont prises dans des bureaux déconnectés du terrain. Le document officiel dénonce un « massacre organisé » et affirme que les animaux étaient vaccinés conformément aux règles, protégés depuis plus de trente jours comme l’exige la réglementation.  Pour la Coordination Rurale, l’État s’enfonce dans une logique de rigidité administrative qui étouffe un monde agricole déjà exsangue, pris en étau entre pressions sanitaires, contrôles PAC intensifiés et sanctions à répétition.

Cette intervention spectaculaire révèle en creux une fracture béante. D’un côté, un appareil d’État capable de mobiliser 173 gendarmes, neuf camions de CRS, des tirs de gaz lacrymogènes et même un LBD pour abattre un troupeau vacciné. De l’autre, des éleveurs qui voient leur métier s’effondrer et leur détresse ignorée. Beaucoup dénoncent une disproportion totale des moyens employés contre des agriculteurs désorientés, quand la lutte contre le narcotrafic ou l’insécurité quotidienne semble, elle, faire l’objet d’une tout autre tolérance administrative.

Sur la ferme des Lhomme, la journée s’est terminée par un champ vide, un troupeau détruit et quatre personnes interpellées. Mais elle marque surtout un tournant. Un climat de défiance inédit s’installe entre un monde paysan à bout de souffle et un État jugé sourd, inflexible et prêt à employer la force pour imposer des décisions sanitaires contestées. Comme le résume Christian Convers, secrétaire général de la Coordination Rurale, invité dans la Matinale Tocsin : les autorités glissent « vers une dérive brutale » face à des éleveurs qui demandent simplement que la science et le bon sens prévalent.

Dans le Doubs, ce mardi 2 décembre, les vaches ont été abattues. Mais c’est peut-être bien autre chose qui est mort ce jour-là : la confiance des paysans envers l’État chargé de les protéger.

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