Poète, un métier de rêve
Cambronne est-il le saint patron des poètes ? On lui prête la paternité du fulgurant « la Garde meurt mais ne se rend pas ».
Ainsi vont les poètes, souvent menacés d’extinction, chevauchant un Pégase qui charge la mêlée des insensibles au Beau.
On en parle sans guère les voir, sauf quand un anthologiste éclairé les rassemble et sépare pour eux les eaux d’une mer rouge de confusion éditoriale.
Les voici qui déferlent. Ils sont cent dix-huit mais pourraient être mille au moindre appel. D’Adonis, régulièrement nobelisé à la légère, à Clara Ysé, née Clara Dufourmantelle, ils incarnent la défunte année poétique et témoignent de l’actuel foisonnement en francophonie.
On doit le déploiement au poète Jean-Yves Reuzeau, sorte de Moïse laïc, dont ceci est le septième miracle, accompli sous la bannière de l’Esprit de résistance, une évidence autant qu’un slogan propitiatoire. Une marche de 328 pages pour 118 élus, cela fait 2,7 pages par plume. C’est peu, certes, et quelques ego en sortiront écorchés vifs. Ces souris accouchent pourtant d’une montagne inouïe qu’il importe d’apprécier à sa juste mesure. Il conviendra de garder l’œil sur le quarteron de chanteurs et chanteuses, tant la corporation dissimule de chevaux de Troie de la chansonnette…
On se réjouira que l’anthologie soit guidée par l’étoile de Pierre Seghers, maison qui propose au même moment les « Œuvres poétiques complètes de Jacques Lacarrière », œuvre phare, revue et augmentée, d’un voyageur immense, pour qui la poésie est « comme les étoiles de mer /qui/ retrouvent peu à peu un bras qu’on a coupé ».
« Esprit de résistance – L’année poétique : 118 poètes d’aujourd’hui », Jean-Yves Reuzeau, éditions Seghers, 20 €