La Bretagne, ses pochetrons, ses méfaits divers
Qui aime bien châtie bien. Caryl Féret doit carrément adorer sa terre natale, pour la brocarder pareillement dans ce fiévreux baiser à une lépreuse.
Il brille généralement dans la Série Noire, avec des romans du même tonalité que leur couverture, solidement charpentés et convaincants.
Une incursion en Ille-et-Villaine à de quoi surprendre, venant de celui que nous avions quitté dans une réserve animalière d’Afrique. Mais la faune locale n’a rien à envier à la population namibienne.
Les filles de Montfort-sur-Meu sont-elles plus délurées que celles de Camaret ? Rien que Lèvres Ardentes, « une touche-à-tout, très douée dans le genre coucou me voilà » suffit à s’en persuader. Le jeune Caryl, originaire du coin, était lent à la détente et n’osait pas encore plonger son sachet dans ce qui brûlait de devenir une tisane. On est loin de San-Antonio et sa machine à fantasmes sans capuchon, qui exposait les curieux aux foudres du Béru-Béru. Les garçons ? « Quand on est breton, on est aussi un peu con ». La coiffure à la mode: la couperose. L’entraîneur de foot: un sac à vin. Le Club Med local : la kyrielle de bistrots.
Férey, c’est aussi des textes pour la jeunesse, des chansons, des scénarios pour le cinéma et la BD. Il ne revient pas dans ce pays pour ses bretelles d’autoroute aussi indigestes que les cravates de Pierre Bellemare. On y a découvert le cadavre de Magali, 42 ans, 4 enfants, assassinée. Pas vraiment de quoi émouvoir le pays bigouden. Et ça, Caryl n’aime pas. Il met le cap sur ce territoire contaminé par par la malbouffe industrielle, pour ne rencontrer qu’indifférence, mutisme, inefficacité gendarmesque après quatre dépôts de plainte pour brutalité conjugale, sans compter la traditionnelle battue champêtre. Remonter la piste tient de la gageure. Férey s’obstine. Il aurait pu rencontrer cette femme dont on ne sait à peu près rien. Quels étaient ses rêves, ses désirs ? Que viennent faire d’énigmatiques ressortissants géorgiens ? « Si Magali est anonyme, c’est qu’elle est toutes les femmes ». Au nom de leur dignité, dans l’ intérêt supérieur d’une société jalouse de sa propre médiocrité, ce récit n’aura de cesse d’aller tisonner l’origine du mal et de demander des comptes à toutes ces bonnes gens que rien n’empêche de dormir tranquilles. Un constat accablant, qui apporte de l’eau à tous les moulins, même les pires.
« Magali », Caryl Férey, éditions Robert Laffont « La Bête Noire », 19 €