John Gierach : une inestimable leçon de vie

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Que vous soyez lanceur d’alerte aux keufs dans une sombre cité ou rond de cuir à la Cour des comptes, ceci est pour tous ceux qui se perdent à lâcher la proie pour l’ombre.

Au diable Kipling, Balzac, Rilke et consorts ! Chapeau bas devant John Gierach, grand pêcheur à la mouche devant l’Eternel, dont les récits chatoyants nous halent vers une frayère de philosophie transversale, avec pour bénéfice durable l’exercice maîtrisé du pouvoir de la patience. Gierach a voué six livres à la truite. Elle est certes présente dans ce nouvel opus, mais les récits font aussi la part belle à d’autres types de pêche qui sont autant de métaphores de l’art de vivre en société. On aurait tort de croire le recueil destiné uniquement aux chevaliers de l’épuisette. Gierach est un conteur prodigieux qui hameçonne n’importe quel lecteur. Les appâts portent des noms mystérieux et les prises pourraient provenir autant de l’Assemblée nationale que de la South Platte River. « Les black-bass à grande bouche étaient irrésistibles à cause de leur nature colérique, de leur façon de sauter en secouant la tête une fois ferrés ». A croire qu’ils ont gobé une cuillère modèle 49.3 et oublié ce mantra forgé par Hemingway : à marlin, marlin et demi. L’alibi écologique a bon dos, lorsqu’il s’agit de vanter le catch-and-release, technique popularisée par un fort en gaule nommé Gégé, qui a failli y laisser sa Légion d’honneur.
L’attente de la faiblesse d’un brochet peut être longue. Gierach la met à profit pour jouer les Séguéla de la bourriche : « Passé la cinquantaine, vous comprenez que vous ne gagnerez jamais davantage d’argent et ce que vous ne pouvez pas vous offrir à ce moment-là demeurera à jamais une carotte au bout d’un très long bâton ».

« Le Paradis d’un fou », John Gierach, Gallmeister, 23 €

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