Luc Leblanc, l’homme aux trois maillots

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Les préfaces ont peu le sens de la mesure. L’admiration d’Erik Orsenna pour « la plus formidable des leçons de vie » évite l’écueil du dithyrambe ou de la mise à mort. L’habit vert s’incline devant une tunique bouton d’or, un maillot bleu-blanc rouge, une armure arc-en-ciel.

C’est d’abord la mort du petit frère Leblanc, tué par un chauffard qui a laissé Luc avec une jambe en miettes. Un drame qui évoque celui vécu par Jérôme Garcin, auquel le lie une même dévastation et une pudeur semblable. Le vélo devient le seul recours, malgré une douleur physique qui le disputera toujours à un moral en acier trempé. Il rencontre Raymond Poulidor. « Tu veux faire de ce sport ton métier ? Alors prépare-toi à bouffer de la vache enragée. Parce que tu vas en bouffer ».

Mais pratiquer le vélo avec une jambe plus courte que l’autre de 8 cm, cela veut dire composer avec une patte folle qui le prendra constamment par traîtrise, lui infligeant à chaque fois un nouveau coup de Jarnac. Qu’à cela ne tienne, Luc va vivre une épopée passionnante et se constituer un palmarès enviable, avec notamment un maillot jaune et deux victoires de prestige à la Grande Boucle, un championnat de France, un championnat du monde. Tout cela ne va pas sans jalousie, rancoeurs et vilenies. Leblanc démasque posément les coupables. Il pardonne mais ne tend jamais l’autre joue. Par bonheur, pour un Fignon, un Guimard, combien de collègues intègres et chaleureux. Plusieurs d’entre eux ont tenu à témoigner : Thévenet, Hinault, Chiapucci, Teirlinck, Escartin entre autres. Aussi Daniel Mangeas et Jean-Paul Ollivier. Toute une époque défile, avec pour figure de proue un champion écorché vif. Avec des épisodes aussi peu glorieux, que l’affaire Festina et l’explosion des performances impossibles. Wout van Aert y pensait-il, lors du récent Tour de France ?

Revenons un moment au championnat du monde 1994, à Agrigente. Evoquant l’exploit de Luc Leblanc, l’Equipe titrera « Un pur chef-d’œuvre ». Le lendemain, 135.000 l’applaudiront à Châteaulin. Un mauvais perdant accusera injustement le vainqueur de trahison. On taira son nom. S’il pouvait simplement ravaler ce mensonge à l’insu de son plein gré…

« Moi, Lucho – l’important, c’est de rester vivant », Luc Leblanc, écrit avec le journaliste Guy Roger ; préface d’Erik Orsenna. En prime, deux cahiers de photos et un petit lexique du jargon cycliste. Solar, 19,90 €

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