Avocat à la Cour, l’avocat montpelliérain David Guyon revient sur « l’affaire » des panneaux de publicités » où était affichée une campagne de communication sur les effets secondaires du vaccin contre le Covid par l’association Réinfo Liberté. Maitre Guyon explique les raisons de son référé suspension et revient sur la question fondamentale de la liberte d’expression.
Maitre, quel est l’objet de ce référé suspension déposé par vos soins devant le Tribunal de Toulouse?
Le préfet de la Haute Garonne a procédé dès le 26 aout 2022 à l’interdiction pour l’association Réinfo Liberté de continuer sa campagne de communication sur les effets secondaires de la vaccination contre la Covid-19.
Cette campagne devait durer trois mois sur le territoire de la Commune de Toulouse. Plusieurs panneaux publicitaires en 4/3 avaient été loués à cet effet.
Le référé suspension a pour objet de permettre à cette campagne publicitaire de reprendre le plus rapidement possible. L’annulation d’une telle décision peut prendre entre 8 à 16 mois. Un référé peut permettre de suspendre une décision dans un délai de 1 à trois semaines.
« En matière de santé publique, la liberté d’expression est très large, car il s’agit de participer à un débat d’intérêt général. Or, ici, alors que cette campagne est dirigée par des scientifiques, on leur refuse la possibilité d’éclairer le débat. On ne peut donc discuter de rien, y compris des chiffres »
Considérez-vous que l’interdiction de cette campagne d’affichage sur les effets secondaires des vaccins est une entrave à la liberté d’expression?
C’est une entrave à la liberté d’expression. Cette liberté d’expression joue, selon l’expression consacrée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme, non seulement pour les « informations » ou «idées» accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent ; ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de « société démocratique ».
Ainsi, n’en déplaise aux censeurs ou aux gardiens de la morale, la liberté d’expression autorise même à dire des choses fausses, choquantes voire même de véhiculer des idées qui peuvent être minoritaires ou très contestables.
La seule limite repose sur celles posées par la loi du 29 juillet 1881, qui réprime les abus de la liberté d’expression. Il y a notamment l’injure, la diffamation ou encore la diffusion de fausses informations.
Cependant, quelque soit l’infraction commise, les abus de la liberté d’expression sont sanctionnées a posteriori et sous le contrôle d’un juge.
Ici, alors qu’aucune infraction pénale n’a été commise, c’est le pouvoir politique qui vient restreindre une liberté publique. C’est une véritable atteinte à la séparation des pouvoirs.
En matière de santé publique, la liberté d’expression est très large, car il s’agit de participer à un débat d’intérêt général.
Or, ici, alors que cette campagne est dirigée par des scientifiques, on leur refuse la possibilité d’éclairer le débat. On ne peut donc discuter de rien, y compris des chiffres.
« La seule limite à la liberté d’expression repose sur celles posées par la loi du 29 juillet 1881, qui réprime les abus de la liberté d’expression. Il y a notamment l’injure, la diffamation ou encore la diffusion de fausses informations. Cependant, quelque soit l’infraction commise, les abus de la liberté d’expression sont sanctionnées a posteriori et sous le contrôle d’un juge. »
En cette rentrée de septembre, peut-on espérer un retour à la normalité du droit commun, ou doit-on s’inquiéter de ce nouveau conseil de défense et d’un nouveau état d’urgence qui deviendrait permanent?
Toute restriction de liberté doit être systématiquement contestée et sévèrement combattue. Autrement, nous subirons ce que l’on appelle « l’effet cliquet ». Cette théorie juridique désigne le fait qu’un droit, lorsqu’il est restreint, ne revient jamais à sa situation initiale.
La gestion de la crise sanitaire a inversé le principe libéral qui gouvernait la France depuis plus de deux siècles à savoir : la liberté est le principe, la restriction l’exception.
Ainsi, les mesures prises durant cette période ne se verront jamais appliquer le droit commun. Toutes les mesures prises par le gouvernement dans le cadre de la crise sanitaire feront toujours l’objet d’un droit dérogatoire où les libertés seront l’exception et les restrictions le principe.
Pis encore, cette nouvelle manière de gérer les crises va devenir, si ce n’est pas déjà le cas, le droit commun des gestions de toutes les crises à venir.
Ainsi, la crise sanitaire est à peine terminée que voila poindre la crise énergétique sous fond de crise économique. C’est dans ce contexte particulier que le Président de la République a mis en place un conseil de défense énergétique lui permettant sous le secret défense de décider de la vie de plus de 66 millions de français et ce, en dehors du cadre démocratique. Ce conseil de défense s’est tenu le 2 septembre 2022. Il annonce l’ère du pass énergétique. J’espère que vous avez aimé le pass vaccinal, car l’ère des « pass » arrive et elle met fin à l’ère de la liberté.
« Toute restriction de liberté doit être systématiquement contestée et sévèrement combattue. Autrement, nous subirons ce que l’on appelle « l’effet cliquet ». Cette théorie juridique désigne le fait qu’un droit, lorsqu’il est restreint, ne revient jamais à sa situation initiale »
Enfin quelles sont les autres catégories professionnelles encore touchées par l’obligation vaccinale ? Est-il envisageable de retrouver une certaine forme de normalité à ce sujet ? Ou des batailles juridiques devront-elles encore être menées ?
On y retrouve l’ensemble des personnes visées à l’article 12 de la loi du 5 aout 2021, c’est-à-dire essentiellement les soignants. Rappelons que depuis le 2 mars 2022 le Conseil d’Etat a jugé que l’ensemble des personnes, et ce quelque soit la nature de leurs fonctions, sont soumis à l’obligation vaccinale dès que leur employeur est visé à l’article 12.
Ainsi, quand bien même vous seriez cuisinier, assistante administrative ou encore un médecin travaillant exclusivement en télétravail, vous êtes soumis à l’obligation vaccinale.
Il ne semble pas y avoir d’amélioration possible avec l’équipe politique en place. Il n’y a pas de surprise la dessus puisque Emmanuel Macron avait indiqué durant sa campagne qu’il ne reviendrait pas sur l’obligation vaccinale.
Des batailles juridiques restent bien entendu à mener. Rappelons que le Conseil Constitutionnel n’a jamais validé l’obligation vaccinale telle qu’elle a été décidée par le législateur dans sa loi du 5 aout 2021. Surtout, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a fixé les cinq conditions dans lesquelles une obligation vaccinale était considérée comme conforme à la convention européenne des droits de l’homme. Parmi ces cinq conditions il y a celle qui veut qu’une obligation vaccinale, pour ne pas se transformer en injection forcée et être contraire au droit, ne doit pas entrainer de conséquences disproportionnées en cas de refus. Cette seule condition permet de comprendre que nous finirons par l’emporter. Il est donc important de continuer ce combat juridique qui dépasse très largement la question de l’obligation vaccinale des soignants. Cela risque cependant de prendre encore quelques mois mais il ne faut pas lâcher. Le droit et la justice finissent toujours par l’emporter. La question reste à savoir ; quand ?