Comment avez-vous vécu en tant que galeriste cette crise sanitaire ? Et plus largement comment le monde des galeries d’art a t-il pu y survivre ?
Cette crise sanitaire a été lors du premier confinement une sidération générale qui a provoqué chez tout un chacun de nombreuses réflexions et parfois des remises en cause. Un temps suspendu étrange mais qui fut très actif car nous avons travaillé comme des fous pour aider nos artistes à se projeter, à ne pas décourager et à trouver des solutions économiques pour passer le cap. L’exposition de ce printemps là s’intitulait Globe-trotteurs, ce qui était paradoxal vu la situation, nous avons donc invité nos photographes à réaliser des images pour Instagram sous l’appellation Globe-trotteurs à résidence …
Une manière de trouver des solutions pour garder le contact avec les artistes et les collectionneurs, faire le dos rond, s’adapter à cette situation hors normes et bien sûr s’appuyer sur les aides de l’état. Beaucoup de galeries ont ainsi présenté des oeuvres à la commission d’acquisition exceptionnelle du CNAP (Centre National des Arts plastiques) pour soutenir les artistes et galeries françaises. Nous avons fait partie des heureux élus avec le photographe François Deladerrière.
Important de souligner aussi l’engagement et la fidélité des collectionneurs les plus investis, ceux pour qui l’art est bien plus que de la « décoration »… un choix de vie.
Vous avez monté un collectif « Osez les galeries ». Quelle est la genèse de celui-ci ?
Osez les galeries est un « cadeau » de la pandémie, une réaction salutaire et solidaire pour penser ensemble l’avenir de notre métier. Tentative réussie dès le 13 décembre 2020 grâce à l’énergie de Céline Melon qui a créé Manifesta en septembre 2019 et de Béatrice Bréchignac qui a ouvert la galerie Tatiss en septembre 2020. A leur demande, je me suis associée avec enthousiasme à ce projet qui a pour but de communiquer sur ce métier mal connu encore et qui, pourtant, offre gratuitement au public un choix incroyable et exigeant de propositions artistiques.
Pour cette deuxième édition, vingt galeries lyonnaises ouvrent de 11h à 19h le week end du 26 et 27 juin 2021, partagent leur fichier, réfléchissent à leur communication en mutualisant les coûts tout en respectant la diversité des lignes éditoriales de chaque galerie. Une tentative d’exister sur le long terme face au poids des institutions culturelles et à la place écrasante de Paris.
Merci au Comité des galeries d’art (CPGA) de nous apporter leur soutien pour affirmer que l’on peut être galeristes hors la capitale.
Vous évoquez la « démystification du rapport à l’art contemporain ». De quoi est-il question ? Est-il question de démocratisation ?
Un des buts principaux de ce collectif lyonnais de galeries est de faire découvrir le rôle primordial de notre métier dans la reconnaissance de l’art contemporain grâce à notre volonté de médiation personnalisée. Nous avons à coeur de trouver la manière pour partager notre passion avec des mots justes, simples, adaptés à chaque interlocuteur.
Donner les clés pour accéder à l’excellence et l’intelligence, pour permettre à tous de se cultiver, à trouver son chemin dans l’art.
Cette rencontre privilégiée avec le galeriste est précieuse car c’est lui qui a pensé, créé le parcours de l’ expo avec l’artiste ; il est là pour transmettre sa pensée et cela sans limite de temps et gratuitement !
Quel rôle jouent les galeries dans la culture ?
Notre rôle est discret car trop peu médiatisé mais fondamental dans la découverte de la diversité de l’art d’aujourd’hui. Les galeries prennent des risques et n’hésitent pas à défendre des artistes émergents ou plus confirmés qui ne sont pas forcément dans le « moule »…
Nous sommes des passeurs. Un métier essentiel et fragile mais offrir de la pensée, du temps et de la beauté mérite les efforts déployés !
Est-ce que la scène de l’art pourrait-elle connaître une nouvelle jeunesse à la sortie de cette crise sanitaire ?
Une nouvelle jeunesse ? Pour nous, il faut avant tout privilégier la culture en partage et non pas la consommation culturelle pour faire évoluer de belle manière cette scène artistique.
Que peut-on trouver dans votre galerie Le Réverbère ?
La galerie Le Réverbère a choisi de transmettre au public son amour de la photographie et non pas des images qui inondent et polluent notre champ visuel. Depuis 40 ans et avec notre équipe de 20 artistes nous concevons des expositions mûrement réfléchies, soigneusement accrochées et accompagnées avec le plus de justesse possible.
Actuellement sur nos murs, une exposition imaginée lors du deuxième confinement Envies(s) d’ailleurs ! où chacun des photographes avait toute liberté pour répondre à ce désir. Dans le dialogue ou la confrontation s’est construite cette exposition riche en pépites, surprises et réflexions. Elle vient d’ouvrir et sera visible jusqu’au 31 juillet.
Et puis à l’automne, nous l’espérons, notre 24ème participation à Paris Photo au Grand palais éphémère, un nouveau pari à tenir car une galerie a pour fonction de promouvoir et diffuser l’œuvre de ses artistes.
De la beauté, de la complicité, du débat et du plaisir partagé… sacré programme que l’on s’engage à respecter !!
Osez, osons pousser la porte des galeries d’ici ou d’ailleurs, une belle manière de se forger un œil et de développer son sens critique.
Catherine Dérioz co-directrice depuis 1981 avec Jacques Damez de la galerie Le Réverbère
Photographes représentés :
Frédéric Bellay, Arièle Bonzon, Pierre Canaguier, Thomas Chable, Serge Clément, Beatrix von Conta, Jacques Damez, François Deladerrière, Pierre de Fenoÿl, André Forestier, Lionel Fourneaux, Rip Hopkins, William Klein, Géraldine Lay, Baudoin Lotin, Julien Magre, Jean-Claude Palisse, Philippe Pétremant, Bernard Plossu, Denis Roche, Yves Rozet
(Photo de Une par Bernard Plossu : Catherine Dérioz et Jacques Damez – Crédit photo)