Madre : le deuil ultrasensible et émouvant d’une mère

par
Partagez l'article !

Rodrigo Sorogoyen, réalisateur madrilène, revient avec « Madre », un portrait de femme complexe et puissant. Présenté dans la sélection officielle 2019 du festival Cinémed de Montpellier, le film vient de sortir en salle.

Partagez l'article !

Une mère s’installe dans les Landes, dix ans après la mystérieuse disparition de son fils unique, persuadée que l’enfant est là, quelque part. Une décennie, c’est aussi le temps qui s’est écoulé entre la réalisation du court métrage (repris dans l’introduction du film) et cette histoire. Un court qui avait fait sensation (à raison !), nommé aux Oscars et prix Goya du meilleur court en 2018. L’intensité du début (l’extraordinaire tension quand Elena tente de guider son fils perdu sur une plage) laisse place à un drame à l’atmosphère trouble, parfois rythmée et toujours mélancolique. S’il aborde le sujet du deuil, le film explore surtout la profondeur des relations humaines sans jamais tomber dans le pathos.

« Madre » repose sur deux personnages principaux, Elena (incarnée par l’épatante et lynchéenne Maria Neto) et Jean (Jules Porier, sensible et touchant). Ce dernier fréquente le bar où Elena travaille alors que la jeune femme voit en lui son fils disparu. L’est-il vraiment ? Elena va en tout cas se prendre d’affection pour lui. Leur rapport, à la fois tendre et flottant, débouche sur une histoire d’une rare intensité émotionnelle.

Car la force du film, c’est justement ce jeu trouble que vont entretenir la mère et le fils spirituel. Il s’agit bien là de deux êtres qui vont s’aider mutuellement, bien loin d’une relation toxique que leur prête leur entourage. Loin des clichés aussi. Rodrigo Sorogoyen souhaitait d’ailleurs une suite à l’ardent court métrage, mais uniquement pour « emprunter un chemin plus risqué et ambigu », en laissant la place à la complexité des liens et permettre au spectateur de se faire sa propre opinion. « Pourquoi doit-on savoir précisément leurs sentiments à chacun ? Les conceptions d’aimer sont propres à chacun » commente le réalisateur qui rappelle « cette tendance que nous avons tous à juger négativement ce que nous ne comprenons pas ».

En plus d’être remarquablement écrit, « Madre » est visuellement superbe, proche de la tristesse et de la quiétude d’un tableau d’Edward Hopper, aspect intéressant pour contrebalancer la frénésie des émotions intérieures des personnages. On est happé du début à la fin. Avec toutes ces qualités, « Madre » vaut aussi le détour par le message qu’il assène en filigrane : ne jugeons pas sans essayer de comprendre. Le mystère de la vie se trouve aussi dans le mystère des relations. Un film magnifique.


Madre

Réalisateur : Rodrigo Sorogoyen
Acteurs : Marta Nieto, Jules Porier, Alex Brendemühl
Genre : Drame, Thriller
Pays : Espagne, France
Durée : 2h10
Sortie : 22 juillet 2020
Distributeur : Le Pacte

https://www.youtube.com/watch?v=p3SBeKrBa0M&feature=emb_logo

Laissez votre commentaire

Il vous reste

0 article à lire

M'abonner à