« Tomber 9 fois, se relever 10… », à quoi le titre de votre livre fait-il allusion ?
C’est une référence à mes 9 redoublements : la 5ème, le Bac, trois fois le DEUG de droit, deux fois la licence et deux fois le concours d’avocat. Mais en réalité c’est beaucoup plus parce que j’ai signé à la place de mes parents trois fois (pour le passage en classe supérieure) : en 6ème, en 4ème et en 1ère. Je crois que la seule classe que j’ai passé normalement c’est la 2nde parce que là mes parents payaient un lycée privé. C’était au lycée Saint-Sulpice. Là, on pouvait assister au conseil de classe donc aux critiques des professeurs de visu. Ma professeure de Français, Mme Guillaume, m’a énormément inspiré, elle m’a porté. Au conseil de classe elle a considéré que j’étais un bon élève, que j’avais du potentiel… C’était la première fois quasiment que j’entendais des choses bienveillantes à mon égard. La bienveillance en fait ce n’est pas le monde des Bisounours ou faire des éloges gratuites, c’est élever l’élève pour le faire progresser.
« Si on n’accompagne pas l’enfant vers l’obtention de son rêve, c’est que cette société est malveillante »
Vous dites dans votre livre vouloir « lutter contre cette culture de la honte de l’échec qui empêche tant de personnes de se réaliser » , et que pour vous « l’échec est un processus, un passage, une étape vers l’objectif ». On n’est pas habitué à entendre de tels propos, pourquoi avoir écrit ce livre qui va totalement à contre-courant de ce que prône notre société du rendement et ainsi attribuer ses lettres de noblesse à l’échec ?
La culture de notre éducation française, de l’Éducation Nationale, c’est l’obtention du diplôme. On ne vous projette pas vers un métier ou vers la concrétisation de votre rêve et ça c’est pour moi une erreur fondamentale. Quand vous êtes petit, chaque année, à l’école primaire on vous fait écrire sur un bout de papier ce que vous voulez faire plus tard, mais ce bout de papier, on ne l’a jamais revu en réalité. C’est pour moi une erreur car faire écrire à un enfant ce vers quoi il se projette, c’est déjà énorme, parce qu’un enfant se livre très difficilement quand il n’a pas confiance. Le fait de se projeter pour un enfant, ce n’est pas un objectif, c’est un rêve (le fait de vouloir devenir footballeur, cosmonaute…). Avec le temps, il se laisse griser par la vie et le rêve devient un objectif au final. J’explique que la vie met des bâtons dans les roues, des difficultés, des aléas et que si on n’accompagne pas l’enfant vers l’obtention de son rêve, c’est que cette société est malveillante. Qu’est-ce que la bienveillance ? C’est de dire qu’on n’est pas là pour juger si ce que vous voulez faire est bien ou pas, mais que si vous avez ce rêve, on va vous donner les moyens pour vous accompagner afin que vous l’obteniez. La société française aujourd’hui ne met pas cela en place. Elle place les gens dans des cases, dans des catégories. J’en parle systématiquement dans mon livre à différentes étapes de ma vie : à l’école primaire, à un moment donné, il y a une sélection naturelle pour le collège qui amène vers une autre sélection naturelle pour le lycée et ainsi de suite… On pratique l’écrémage parce qu’il faut combler les cases, il faut x nombre d’élèves en section professionnelle, en BEP, en CAP etc… Je raconte que je voulais devenir avocat et que j’ai tout le temps renoncé aux conseils, malveillants pour le coup, ou à l’obligation de ce que les uns et les autres voulaient pour moi. Il y a notamment cette anecdote en classe de 3ème lorsque mon professeur principal me demande de signer un document pour intégrer la section professionnelle et que j’ai refusé parce que je voulais devenir avocat. Si mon discours va à contre-courant du système et de la culture française, ce n’est pas malveillant. Moi je suis un enfant de la République Française. C’est comme si on faisait une réunion de famille et qu’à un moment donné on se posait autour de la table et qu’on se disait qu’il serait bien de faire les comptes ensemble pour essayer de faire en sorte que les prochaines générations puissent moins souffrir que la nôtre.
« La bienveillance, c’est dire simplement à l’élève qu’il est dans un processus de progression, dans un cheminement qui l’amène vers une forme d’émancipation intellectuelle et psychologique »
Votre première expérience de l’échec démarre lors de votre entrée au collège. Vous écrivez dans votre livre : « Je dénonce ce système voyeur qui cloue au pilori et marque durablement – parfois de manière indélébile – ceux qui, au contraire, devraient être traités avec bienveillance et valorisés pour les faire progresser. » Comment faudrait-il à votre avis réformer le système scolaire actuel pour que chacun puisse y trouver sa place convenablement ?
La question de l’échec, c’est la façon dont on l’appréhende, c’est un sujet qui est très sacralisé, c’est à dire qu’on considère que celui qui échoue est le mouton noir. Lorsque je suis rentré en 6ème, ce n’était plus la même configuration qu’en école primaire, dans un cocon avec les maîtresses ou les maîtres. Au collège, on est dans un grand tout, et en ce qui me concerne j’étais complètement perdu au milieu de ce nombre incroyable de professeurs qui ne connaissaient parfois même pas le nom des élèves après six mois. Et ça me gênait beaucoup, j’avais besoin d’avoir une relation plus étroite, affectueuse et bienveillante avec mes profs, j’avais aussi besoin de voir dans leurs yeux de l’estime, ce que je n’avais pas parce qu’il y avait trop d’élèves. De plus, quand bien même je pouvais avoir 14 ou 15 sur mon carnet de notes, c’était toujours avec comme observations « peut mieux faire » ou « bavardages », et ça pour moi c’était inconcevable. En fait ça n’encourage pas et ça ne met pas dans un processus de progression. Il faudrait voir le parcours de l’élève sur un processus, c’est à dire que ce qui m’intéresse n’est pas l’élève qui a 15/20 toute l’année, mais plutôt de voir l’élève qui commence à 02/20 et qui termine à 12/20 parce que là il y a une progression. Et au départ la progression ne peut se faire que par le mental. Il faut enseigner au moins dans un cours à temps plein la bienveillance et ensuite le propager dans tous les domaines. Encore une fois, la bienveillance n’est pas le monde des Bisounours, c’est juste dire à l’élève qu’il est dans un processus de progression, dans un cheminement qui l’amène vers une forme d’émancipation intellectuelle et psychologique afin qu’il se dise que lui aussi a les capacités pour y arriver et le mettre en confiance. Car il n’y a rien de pire que de décourager un enfant avec des remarques désobligeantes. C’est ça la bienveillance, et voilà les réformes de fond que je voudrais faire.
« Au lieu d’accompagner l’élève dans son projet, on lui demande de s’adapter au système, mais en fait, c’est le système qui doit être adapté au projet de l’élève »
Votre rêve d’enfant de devenir avocat a été jalonné d’embûches, et beaucoup de vos professeurs ont cherché à vous dissuader et à vous orienter vers des voies incompatibles avec la formation d’avocat plutôt qu’à vous encourager. C’est le lot de nombreux élèves et étudiants, que faire pour éradiquer cette pratique de la négativité ?
C’est la culture de notre pays, comme je le disais au lieu d’accompagner l’élève dans son projet on lui demande de s’adapter au système, mais en fait c’est le système qui doit être adapté au projet de l’élève. Si l’élève a envie de devenir avocat, il faut l’aider, l’accompagner, et s’il a des difficultés il faut mettre les bouchées doubles : des cours particuliers, des séances de débats parce que ça passe aussi par la discussion. Moi, comment j’ai fait concrètement ? A chaque fois qu’il y avait une porte qui se fermait, je rentrais par la fenêtre, chaque fois que la fenêtre était fermée, je rentrais par la cheminée ou par les escaliers de secours. Je m’obligeais à chaque fois à avoir un plan B, je me l’imposais en me disant : « Même si je n’y arrive pas par là, j’y arriverais par l’autre côté ».
Vous avez sans doute cette force et cette volonté qu’une majorité de personnes ne possède peut-être pas…
Non ce n’est pas vrai, quand quelqu’un lâche, c’est qu’il n’avait pas la volonté d’y arriver. Tout le monde peut le faire. Quand vous arrêtez le processus pour atteindre votre objectif, c’est qu’en fait vous n’aviez pas envie de le faire. Quand vous voulez faire quelque chose, vous y arrivez toujours, c’est quelque chose de tout à fait humain qu’on appelle l’intelligence.
Chaque chapitre de votre livre est ponctué de citations. Si vous deviez n’en choisir qu’une pour coller au message de votre livre, laquelle serait-ce ?
J’aime bien la citation d’Abd Al Malik : « Un arbre qui tombe fait plus de bruit qu’une forêt qui pousse » (proverbe). J’aime bien aussi celle de Sénèque qui est ma citation phare : « Ce n’est pas parce que les choses nous semblent inaccessibles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles nous semblent inaccessibles ». En fait c’est l’audace d’espérer.
« Il n’y a pas de prédestination pour qui que ce soit, chacun a la capacité de devenir meilleur, mais le plus important c’est de ne jamais se comparer aux autres »
Vous citez en exemple un grand nombre de personnages historiques qui ont connu l’échec à maintes reprises avant de prodigieux succès, lequel d’entre eux vous a le plus inspiré le long de votre parcours ?
Je rends hommage à toutes ces personnes. Et ça m’amuse toujours de parler d’Eric Dupond-Moretti qui était avant-dernier de sa promo à l’école d’avocat, mais au final on voit ce que ça a donné, il est devenu le ténor du barreau de Paris. Donc, en fait il n’y a pas de prédestination pour qui que ce soit, chacun a la capacité de devenir meilleur, mais le plus important c’est de ne jamais se comparer aux autres. Il ne faut pas être dans la concurrence, c’est négatif parce que chacun a son parcours personnel, son propre cheminement. Chacun vient avec ses frustrations, ses amertumes, ses joies, donc chacun amène sa pierre à l’édifice de son propre parcours. Dans mon cas, j’ai vécu seul dès l’âge de dix-neuf ans donc je me suis construit avec cette difficulté, mais je n’ai pas lâché et j’ai essayé de combler avec des petits boulots en parallèle, j’avais mes jobs dans différentes maisons d’éditions (Jacques-Marie Laffont, Ramsay puis Cherche Midi), je comblais également ma culture politique avec des investissements et des implications dans des ministères (Ministère de l’Intérieur puis celui des Affaires Étrangères)… Ce sont toutes ces expériences-là qui m’ont façonné, qui m’ont apporté une forme de plus-value sur ma personne et sur mon parcours.
Vous êtes français de parents iraniens et ne manquez jamais de témoigner votre attachement à la France, où vous êtes né et avez grandi, mais quel regard portez-vous sur le pays d’origine de vos parents qui sont d’ailleurs retournés y vivre il y a quelques années ?
L’Iran c’est la Perse, c’est 7000 années d’histoire. Depuis 40 ans, L’Iran est entré dans un système théocratique dont je ne partage pas les valeurs, mais si on parle de l’histoire et de la population, c’est un peuple extraordinaire. Avec la mondialisation, toutes les civilisations méritent pour moi d’être racontées au regard de leur cheminement. L’Iran au cours de son histoire a beaucoup valorisé les poètes, les artistes, les écrivains, les philosophes, les mathématiciens, il y a une architecture exceptionnelle… C’est tout ça que je garde en moi, avec aussi leur forme de courtoisie. Les Iraniens ont un raffinement qui parfois m’inspire beaucoup. J’essaie de prendre le meilleur de cette culture-là pour ma vie ici.
« J’ai essayé de positiver mon énergie (…), je me suis fait élire et j’ai utilisé cette expérience difficile pour faire une loi contre le gaspillage alimentaire »
Vous parlez avec beaucoup d’émotion de la période de votre vie où vous connaissiez la précarité et même la faim au point de devoir aller vous nourrir aux Restos du Cœur… Comme beaucoup de personnes en difficulté, vous cachiez cette situation à votre famille et à votre entourage, pourquoi et qu’en disent-ils aujourd’hui ?
C’est une situation difficile, pas très digne, de montrer qu’on n’a pas d’argent, mais j’ai essayé de positiver mon énergie, c’est à dire qu’au lieu de me plaindre, d’aller voler ou d’aller braquer une banque, je me suis fait élire (comme conseiller municipal à Courbevoie) et j’ai utilisé cette expérience difficile pour faire une loi contre le gaspillage alimentaire, votée le 3 février 2016, et qui permet la distribution de plus de 10 millions de repas par an. Quand ma famille et mes proches ont appris mes soucis ils n’étaient pas contents, mais je leur ai expliqué que ce n’était pas de leur faute. C’était mon choix, et c’était moi qui avais pris mon indépendance à l’âge de dix-neuf ans, je n’avais voulu recevoir l’aide de personne pour me bâtir et me construire tout seul. C’est important de respecter le parcours de chacun, de ne pas juger. Peu importe si dans ma famille il y en avait qui avaient de l’argent, ce n’est pas ce qui est important, l’essentiel est de savoir ce que j’ai fait de ma propre vie sans l’aide de qui que ce soit, je me suis bâti parce que j’avais envie de réussir sans être aidé matériellement… J’ai reçu de l’amour, j’ai reçu beaucoup d’aide, mais je n’ai pas voulu obtenir d’aide financière, c’était mon choix et c’est ce que j’ai expliqué à mes proches.
« C’est surtout le lobby agro-alimentaire que j’ai eu contre moi. (…) Ils ne pouvaient pas discréditer la loi donc ils ont essayé de discréditer le messager »
Cette expérience de la précarité est l’une des raisons qui vous a donné envie de vous engager en politique et de travailler à faire voter une loi contre le gaspillage alimentaire, finalement adoptée en 2016 en France. Vous dites dans votre livre avoir rencontré divers obstacles et avoir dû faire face à de nombreuses pressions… Pouvez-vous nous en dire plus ?
La grande distribution n’était contente que je fasse cette loi évidemment, elle perdait de l’argent dessus, donc j’ai reçu des pressions de la Fédération du Commerce et de la Distribution (FCD). J’ai reçu également des pressions du côté de Ségolène Royal qui voulait récupérer la loi, elle voulait tout simplement faire de la récupération politique ce qui était lamentable, donc j’ai eu tous ses proches contre moi à un moment donné, après c’est aussi le jeu politique… Mais c’est surtout le lobby agro-alimentaire que j’ai eu contre moi.
« J’ai reçu également des pressions du côté de Ségolène Royal qui voulait récupérer la loi, elle voulait tout simplement faire de la récupération politique ce qui était lamentable, donc j’ai eu tous ses proches contre moi à un moment donné »
Et cela se manifestait comment ?
Ils appelaient mon patron pour essayer de me faire démissionner, ils ont fait relayé des articles négatifs contre moi, et ils se sont notamment beaucoup fait aider par les membres de la ligue du LOL qui sont tombés dernièrement. C’était lamentable mais je suis passé outre. Ils ne pouvaient pas discréditer la loi donc ils ont essayé de discréditer le « messager ». Il leur paraissait plus intelligent de me discréditer pour que la loi ne se fasse pas.
« Il n’y aura pas de discussion, on reviendra voir les supermarchés avec des huissiers de justice et on continuera à porter plainte »
Il y a quelques semaines, avec votre confrère Me Thierry Vallat, vous avez annoncé porter plainte contre un supermarché Leclerc dans les Landes car il continuait de jeter ses invendus de nourriture en y ajoutant de l’eau de javel, au lieu de les redistribuer à une association comme le prévoit la loi anti-gaspillage. Où en est votre action aujourd’hui et qu’attendez-vous comme issue ?
La loi a été votée il y a trois ans, elle a permis une hausse de plus de 22% du don alimentaire, une distribution de plus de 1O millions de repas. J’avais demandé aux supermarchés de jouer le jeu, en prévenant que sinon on allait passer au stade supérieur. J’ai des lanceurs d’alerte partout en France qui m’informent que dans telle région, tel supermarché ne joue pas le jeu et continue de jeter des invendus consommables à la poubelle et de les javelliser. Donc je me suis dit qu’on allait prendre un supermarché au hasard, et celui de Mimizan (40) était très bien car c’était un E.Leclerc, et son PDG Michel-Edouard Leclerc est toujours donneur de leçon, donc c’est pour montrer que lui-même ne fait pas respecter la loi dans ses propres supermarchés.
Etait-il au courant de ces pratiques ? Est-ce que cela se produit dans tous les E.Leclerc ?
Ces supermarchés sont sous ses ordres. Aujourd’hui j’ai 300 dossiers sur ma table dont encore une trentaine de E.Leclerc qui ne respectent pas la loi partout en France. La plainte va être déposée dans les prochains jours au Tribunal de Grande Instance de Paris suite au constat d’huissier. J’alerte les supermarchés en leur disant que s’ils continuent à jeter, il y aura une rafale de plaintes. Il n’y aura pas de discussion, on reviendra voir les supermarchés avec des huissiers de justice et on continuera à porter plainte.
« L’objectif pour moi est vraiment que cette loi française soit déclinée dans l’Union Européenne »
Aujourd’hui votre combat contre le gaspillage alimentaire continue au niveau européen et mondial, où en êtes-vous et comment vous y prenez-vous ?
Ces trois dernières années, j’ai voyagé dans plus de 40 pays dans le monde dont tous les pays de l’Union Européenne. On a une pétition sur change.org qui est soutenue par La Croix Rouge Française, Action contre la faim, le Programme Alimentaire Mondial (PAM) des Nations Unies, on a atteint quasiment 1,5 million de signatures. L’objectif pour moi est vraiment que cette loi française soit déclinée dans l’Union Européenne, parce que si en France on a 15 millions de Français qui le 10 de chaque mois n’ont plus d’argent sur leur compte en banque, dans l’Union Européenne on parle de chiffres de l’ordre de 100 millions de personnes. Cette loi a donc vocation à être déclinée, c’est déjà le cas en Italie, en Roumanie, c’est en cours dans d’autres pays du monde comme au Pérou, au Mexique, au Congo-Brazzaville, en Afrique du Sud. C’est une lame de fond qui se dessine partout dans le monde, et ça nous dit que lorsque les êtres humains se rassemblent autour d’un projet commun, on crée des passerelles et là tout le monde est présent. Cela parce que le fait de manger et boire est une nécessité fondamentale qui rassemble tous les êtres humains. Si on n’y prend pas garde, la prochaine guerre mondiale pourrait potentiellement concerner l’eau et l’alimentation. Jusqu’ici on a eu deux sortes de guerre, celles des territoires et des religions. Une guerre sur l’alimentation et l’eau serait plus terrible parce que quand on a faim on ne se contrôle plus, on perd son humanité.
« Macron protège les riches, c’est le président des riches, le président qui a aidé 1% de la population française et c’est un capitaliste, quelqu’un qui est pour le capitalisme sauvage, ce n’est pas quelqu’un qui va aider les plus faibles »
Par le biais de différentes rencontres politiques, en parallèle de vos études de droit, vous intégrez en qualité de vacataire le Ministère des affaires étrangères, sous Dominique de Villepin, puis le Ministère de l’Intérieur sous Nicolas Sarkozy, et enfin vous devenez assistant parlementaire de Michel Hunault (UDF)… Autant d’expériences qui vous ont servi pour comprendre les rouages des institutions et mener votre combat contre le gaspillage alimentaire. Depuis mars 2014 vous êtes élu municipal de votre ville de Courbevoie. Où vous situez-vous aujourd’hui dans le paysage politique ?
Je suis un des premiers soutiens de Xavier Bertrand, je pense qu’on a besoin d’avoir ce genre d’homme politique qui déjà s’occupe très bien de la région des Hauts de France et connaît parfaitement les rouages de la vie politique puisqu’il a été ministre (Travail et Santé). Il s’est beaucoup assagi, il a pris beaucoup de recul, et comme il doit gérer une région où la crise économique est très dure, il saura très certainement étendre à la France ce qu’il est en train de bâtir. Aujourd’hui je suis au parti Les Républicains (LR) mais je suis surtout proche de Xavier Bertrand.
Concernant Emmanuel Macron, pour moi, il ne connaît pas la France, c’est quelqu’un que je respecte humainement, son parcours est admirable mais Emmanuel Macron protège les riches, c’est le président des riches, le président qui a aidé 1% de la population française et c’est un capitaliste, quelqu’un qui est pour le capitalisme sauvage, ce n’est pas quelqu’un qui va aider les plus faibles. Il était contre la loi contre le gaspillage alimentaire, quand il était Ministre de l’Économie. Il s’était opposé à cette loi, ça en dit long… Depuis deux ans, il m’a promis qu’il étendrait la loi sur le gaspillage en Europe et il ne l’a toujours pas fait, à chaque fois qu’on se voit il me dit qu’il va le faire et en fait il ne le fait pas, donc c’est une perte de temps pour moi. Voir quelqu’un qui en cinq minutes peut faire une proposition de directive européenne et qu’il ne le fasse pas, pour moi c’est très grave.
« Emmanuel Macron était contre la loi contre le gaspillage alimentaire, quand il était Ministre de l’Économie. Il s’était opposé à cette loi, ça en dit long… »
Pourquoi ne le fait-il pas, à votre avis ?
Parce qu’il ne veut pas se mettre à dos la grande distribution et les lobbys tout simplement, c’est le président des lobbys, du coup celui de l’agro-alimentaire est protégé par Emmanuel Macron, donc on ne peut pas attendre quoi que ce soit de ce président sur ce point-là.
Que pensez-vous de l’actuelle crise que traverse la France avec le mouvement des gilets jaunes ?
Les revendications des gilets jaunes doivent être soutenues. Je rappelle que sur le pouvoir d’achat ça fait quatre ans que j’en parle, et si j’ai fait passer la loi contre le gaspillage alimentaire c’est parce qu’il y a un problème de pouvoir d’achat. Les revendications sur les autoroutes sont tout à fait normales, c’est un vrai scandale car les sociétés qui gèrent les autoroutes sont pour moi dans une affaire d’escroquerie organisée. Je ne comprends pas comment les taxes, pour les péages notamment, sont aussi élevées, je ne comprends pas comment le prix de l’essence peut être aussi élevé, en France on est entre 1,40 € et 1,50 € le litre, alors qu’en Espagne on est entre 1,10 € et 1,30 € le litre, voilà une aberration. On me dit que c’est pour payer le service public… Alors quel service public ? Les hôpitaux ? C’est en crise. L’école ? Tout le monde veut mettre son enfant dans le privé. La police ? Elle est dépassée. La Justice ? Elle est débordée aussi. L’armée est en déliquescence. Donc on peut énumérer le nombre de services publics qu’on a et les crises qu’il y a, on voit bien que ce qui est censé payer le service public ne l’est plus, ça veut dire que ce système ne marche pas.
« Emmanuel Macron ne veut pas se mettre à dos la grande distribution et les lobbys tout simplement, c’est le président des lobbys, du coup celui de l’agro-alimentaire (…) donc on ne peut pas attendre quoi que ce soit de ce président sur ce point-là. »
Que préconiseriez-vous ?
Pour moi il faudrait deux choses, la première serait de faire comme dans les pays scandinaves et établir des sujets sur lesquels telle ou telle majorité ne reviendrait pas pendant 10 ans, comme on l’a vu par exemple sur les lois bioéthiques. On devrait se focaliser sur une dizaine de thèmes et se dire qu’il faut 10 ans pour pérenniser une loi et voir les fruits et les conséquences de cette loi. Ce qui me sidère systématiquement c’est que chaque fois qu’il y a une nouvelle majorité qui vient, elle défait ce que la majorité précédente a fait… La deuxième chose serait d’avoir une conception assez importante du fait qu’on ne peut pas monter dans une société si on laisse les plus faibles de côté. On dit toujours que dans les villages les plus faibles sont entourés et encadrés, une société qui ne protège pas ses faibles est une société qui commence déjà à décliner.
« Quand je me suis battu pour que la loi contre le gaspillage alimentaire se fasse, c’est parce que dans ce système économique on avait perdu la raison »
Vous menez beaucoup d’actions sociales et dites être de droite, qu’est-ce qui vous définit en tant que tel ?
Le social n’est pas antinomique avec la droite, Charles de Gaulle était social. Moi je suis de droite parce que je crois en l’économie, je crois qu’il ne faut pas encadrer et mettre des lois partout comme les Communistes, le politique n’a pas à s’ingérer et à s’immiscer partout. Je crois au cercle vertueux, c’est à dire qu’on crée des cercles où chacun fait son business à l’intérieur mais il faut d’abord que ce soit dans un cadre moral et éthique. Quand je me suis battu pour que la loi contre le gaspillage alimentaire se fasse c’est parce que dans ce système économique on avait perdu la raison. On jette de la nourriture consommable dans une poubelle et on la javellise et comble de l’absurde, on poursuit au tribunal des gens qui ont fouillé dans des poubelles pour vol ! Je crois vraiment au fait d’encadrer de façon vertueuse les bonnes pratiques, et ensuite chacun fait ce qu’il veut dans ces cercles-là.
Un message à faire passer ?
Ne jamais lâcher, quand on a un objectif il ne faut jamais écouter qui que ce soit, c’est très important. Une anecdote concernant la couverture de mon livre sur laquelle je pleure… En fait j’avais tendance à ne jamais pleurer ou à montrer mes émotions devant les gens parce que par amour propre et à cause de mon ego, je considérais que ceux qui pleuraient étaient les faibles. Le 21 février 2018 lorsque je suis convoqué pour ma prestation de serment au Palais de Justice de Paris, parmi les gens qui étaient venus, je vois un de mes anciens directeurs d’école qui me prend par l’épaule – c’est ce qu’on voit sur la couverture du livre – et qui me dit : « Je suis vraiment heureux d’être venu, l’Éducation Nationale s’est trompée sur toi et elle s’excuse ». Cette phrase m’a vraiment touché, je me suis dit qu’on avait bouclé la boucle, j’avais besoin d’entendre ces mots-là pour avancer dans ma nouvelle vie.
« Tomber 9 fois, se relever 10. Echec scolaire : ne jamais lâcher »
d’Arash Derambarsh – Éditions Le Cherche Midi – 2019
176 pages – 17 Euros
(crédit photo à la une : Arash Derambarsh – ©Arash Derambarsh)