Entre eux, « un violent désir de liberté », une vraie complicité, des rires, le goût du gai savoir, du style, de la « Beauté » « qui échappe au Diable », de la « vie de l’esprit », gage d’une jeunesse éternelle et, bien sûr, une admiration mutuelle : « Vous avez une pénétration psychologique considérable », dit Sollers à Josyane Savigneau qu’il appelle son « camarade de combat », une guérilla « contre le mensonge organisé par la société. Mensonge qui culmine dans un déluge de publicités à propos de l’amour ». Une conversation brillante et passionnante dans la grande tradition littéraire où « tout devient, soudain, aisé et facile : l’enfance de l’art ».
Depuis combien de temps vous connaissez vous, Sollers et vous ?
Depuis 1986.
Qu’est-ce qui vous a séduit chez lui, dès le début ? Et aujourd’hui ?
Son génie littéraire.
Que représentait-il pour vous avant de le connaître ?
Un grand écrivain français.
Vos rendez-vous sont des rituels. Quelle est leur fréquence ?
Tous les jours, si nous le pouvons, sauf le dimanche.
Le premier livre que vous avez lu de lui ?
« Lois »
Qui a eu l’idée de ce livre ?
C’est parti d’une plaisanterie sur nos rencontres et d’une provocation.
Comment s’est-il élaboré ? Vous êtes-vous enregistrés ?
Oui j’ai fait des enregistrements.
Pourquoi avoir choisi de parler de l’amour, de Dieu, de la fidélité, du Diable, de la vieillesse, de la gloire et de la Chine ?
Pour certains sujets, on nous les a proposés. Pour d’autres, comme la Chine, je souhaitais que Sollers s’explique.
Comment définiriez-vous l’art de la conversation dans votre amitié avec Sollers ?
On ne s’ennuie jamais, on rit beaucoup. Plus que dans le livre où on a été assez sérieux.
Y-a-t-il un aspect érotique dans votre conversation ?
Parler est pour lui et pour moi un acte érotique.
Ses rapports avec les femmes et avec vous en particulier ?
Les autres femmes, je n’en sais rien et ça ne m’intéresse pas, sauf dans les livres, et sauf son amour avec la magnifique Dominique Rolin dont le rire et la beauté me manquent
Partagez-vous sa conception de l’amour où la fidélité sexuelle compte moins que la fidélité amoureuse ?
Oui et je suis très fidèle mais à plusieurs personnes.
Sollers dit que vous avez des désaccords parfaits, lesquels ?
Le rapport des hommes au fait de vouloir des enfants. Il a tendance à penser que seules les femmes veulent des enfants. Et moi qui n’en ai pas voulu, je ne suis pas d’accord.
Quels sont les points communs entre les deux Philippe que vous aimez : Philippe Roth et Philippe Sollers ?
La littérature et l’absence de préjugés stupides notamment sur les femmes.
Est-ce grâce à Sollers que vous avez rencontré Philippe Roth ? Racontez-nous…
Oui mais je ne vais pas le raconter à nouveau je l’ai fait dans deux livres « Point de côté » (Folio) et « Avec Philip Roth » (Gallimard). En deux mots, en 1992 Philippe Sollers a demandé à Roth de m’accorder un entretien qui ne s’est pas très bien passé mais ça s’est arrangé par la suite.
Vos livres préférés de Sollers ?
Difficile. Je vais dire « La fête à Venise », « Passion fixe », peut être mon préféré de tous et « Une vie divine », « Trésor d’amour », «Beauté » et « Centre », livre très fort.
Vos auteurs préférés, morts et vivants?
Question piège. Vivants, il n’y en plus beaucoup : même Éric Holder vient de mourir. Il était charmant mais ce n’était pas mon préféré. Donc, à part Sollers et Roth, Modiano, Marguerite Duras Marguerite Yourcenar Carson McCullers Jean Genet Simone de Beauvoir et je vais m’arrêter là, sans faire de liste, car je n’aime pas les classements.
« Une conversation infinie » de Philippe Sollers et Josyane Savigneau (Bayard)
( crédits photo : Josyane Savigneau & Philippe Sollers – DR )