Les pontes des soupirs : les éditeurs rapaces et les écrivains mercenaires ?
On dit les éditeurs rapaces et les écrivains mercenaires. Belfond et Albin Michel opposent un double démenti à cette légende urbaine.
Quel que soit le moment où Harlan Coben débarque avenue d’Italie, un Coca Cola l’y attend. Au 22 de la rue Huyghens, un casier de Duvel n’attend plus que le bon plaisir de Pieter Aspe. C’est que l’un et l’autre sont des habitués de la maison. Le 20e roman de Coben et le 19e opus d’Aspe sont emballants, dans la hotte du Père Noël. L’un et l’autre remontent le temps. Pour Nap, tout s’est arrêté au lycée, lorsque son frère jumeau et la petite amie de celui-ci ont été retrouvé morts. Nap n’a jamais adhéré à la thèse du double suicide. Devenu flic, il doit faire face à l’assassinat d’un ami d’enfance. Indice majeur, les empreintes de Laura, amour de jeunesse de Nap, portée disparue depuis 15 ans. Laura en psychopathe et Nap, dernier de la bande, le prochain sur la liste ? Portée par un Coben très en verve, l’enquête, riche en chausse-trapes, rappellera qu’il ne faut jamais réveiller un secret d’Etat qui dort …
La même sagesse populaire prévaut dans « Regrets éternels ». Le commissaire Van In voit rejaillir le spectre des tueurs du Brabant wallon, fait-divers sanglant (28 meurtres) qui avait fait chanceler la Belgique dans les années quatre-vingt. La justice continue d’enquêter depuis lors, sans résultat. Un journaliste d’investigation avançait dangereusement dans ce dossier. Il est assassiné ; ses documents ont disparu. Un procureur est retrouvé pendu et la liste n’est pas close. Le commissaire Van In, personnage breughelien revu par Gérard de Villiers, n’est pas du genre à se laisser intimider. Quelques Duvel dans son estaminet favori affinent sa lucidité et bandent sa détermination. En matière de pressions, il snobe les interventions hiérarchiques et politiques. Seule la juge Hannelore, créature gironde et explosive, parvient à le contrôler, dans leur alcôve de l’impasse du Poisson-Gras. Et quand Van In cherche, il trouve ! Romancier de la Venise du Nord, Aspe maquille sa ville d’élection en Bruges-la-Mort, clin d’œil à Georges Rodenbach, « premier romancier belge à réussir à Paris », inhumé au Père-Lachaise. Rodenbach, comme la grande bière de Flandre Occidentale, parce qu’au Plat Pays, tout finit par des pintes moussues.
« Par accident », Harlan Coben, Belfond, . 21,90 euros
« Regrets éternels », Pieter Aspe, Albin Michel, 19 euros