Il nous explique le fil rouge de sa cuisine, de la transmission de son patrimoine et de son exigence quant au travail gastronomique sur le poisson. Appétissant.
Christopher Coutanceau, comment s’est fait votre découverte de la cuisine au sein de votre famille ? Est-ce que votre père vous a initié à cet art?
J’ai grandi dans la gérance de mes parents où la cuisine était mon terrain de jeu ainsi que ma famille. Mon père a gardé toute son équipe pendant tout au long de sa carrière. Et il m’a enseigné cet art.
Vous vous destiniez à une carrière de footballeur. Pourquoi ce changement de cap ? La cuisine en est-elle la raison ?
J’ai vite vu que j’aurais pu être footballeur mais loin du niveau souhaité donc je me suis rabattu sur mon autre passion qui est la cuisine.
Quel est votre rapport à la mer, Christopher Coutanceau ? Dans quelle mesure vous inspire-t-elle votre cuisine ? Et dans quelles proportions elle constitue votre cuisine ?
C’est en réalité une façon de vivre, une passion et mon terrain de jeu depuis mon enfance autour de la pêche, le surf, la chasse sous-marine ou encore le ski nautique…
C’est ma culture. Je connais par exemple tous les poissons, tous les coquillages et les crustacés, aussi bien que leurs saisons et les endroits où ils sont les meilleurs. Et je les respecte. Je ne travaille que les produits de la mer sans aucune viande.
Vous créez vos plats avec ce que vous pêchez vous-même ? Si oui, quelle sensation cela vous procure ?
En France, ce n’est pas autorisé. Mais c’est une source d’inspiration et je vois tous les matins à la Criée, les mareyeurs qui m’ont connu alors que j’avais 3 ans avec mon grand-père.
« Un poisson digne de ce nom, c’est un poisson pêché à la ligne » Pouvez-vous nous dire quelques mots à ce sujet ?
Oui car une pêche écoresponsable et artisanale. Si le poisson est trop petit, on le remet à l’eau. On le saigne pour une meilleure qualité de chair. C’est un poisson pêché quelques heures avant de le cuisiner. C’est cela que j’appelle, le nectar des mers.
Vous avez cette phrase intéressante «Mon devoir de cuisinier, c’est d’être l’ambassadeur d’un patrimoine, d’une culture ». Vous associez donc la cuisine et le Patrimoine. Quel est donc l’idée de ce patrimoine que vous souhaitez faire passer au sein de votre cuisine ?
Je suis très attaché au patrimoine et la culture Rochelaise, celui de l’océan, de ses saisons et de notre savoir-faire. Si vous venez manger à La Rochelle, c’est pour manger Rochelais et fait par un Rochelais.
En quoi votre cuisine est-elle identitaire ?
La cuisine marine est faite dans les règles de l’art avec le respect des saisons pour servir le meilleur produit, pour le sublimer le mieux possible pour le respecter et le travailler sur ses saveurs naturelles.
Quelle est votre histoire avec La Rochelle ? N’y-a-t-il pas ce triptyque chez vous : océan, cuisine et La Rochelle dans votre parcours, Christopher Coutanceau ?
Je suis né à 100 mètres de mon restaurant, j’ai la Rochelle en cathéter. Je ne pourrais exercer ailleurs car j’aime la façon d’y vivre. C’est un de mes amours, mes passions et mes besoins vitaux. Je l’aime.
Qu’est ce qui selon vous fait un Grand Chef ?
A mon sens, c’est son respect envers la planète, les produits, son cœur et bien sûr le terrain.
Si vous deviez définir le fil rouge de votre cuisine , comment la définiriez-vous ?
C’est franchement lié à la saison car pour faire une grande recette il faut un grand produit, je ne suis pas magicien. Car un produit moyen donnera une recette moyenne.
Vous avez également lancé un manifeste auprès des Chefs contre la pêche au chalut. Pouvez-vous nous en dire quelques mots à ce sujet ?
Ce manifeste cherche à lutter contre la pêche électrique, qui est un vrai carnage. J’ai fait signé 300 grands Chefs du monde entier pour l’interdiction de cette pratique en Europe. Car il faut 75 ans avant qu’une algue puisse repousser et les poissons brûlés avec la colonne vertébrale cassée n’est pas sélective.
La Criée est un moment important de votre journée ? Votre cuisine commence-t-elle là-bas ?
Bien sûr, c’est ma source d’inspiration, j’y adore l’ambiance. Ce sont mes amis qui sont à la Criée et de voir tout cet éventail de produits marins, c’est absolument énorme.
Pour finir, comment appréhende-t-on une cuisine à base de poissons ? Est-elle plus soigneuse , plus difficile dans son approche ?
C’est à mon sens la plus compliquée. En effet, c’est une cuisine que l’on doit faire deux fois par jour pour la fraîcheur. On me livre pour cela deux fois par jour. C’est une cuisine extrêmement soigneuse, délicate et d’une sensibilité qui n’accepte pas la médiocrité. La viande, on peut la stocker plusieurs jours mais pas le poisson.
Christopher Coutanceau, cuisinier pêcheur
Philippe Vaures Santamaria Photographe
Patricia Khenouna
240 pages
Editions Glénat
49,00 euros
Le site du Restaurant de Christopher Coutanceau
(@Photos – Patricia Khenouna)