Eric Fottorino : L’ivraie de famille

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Les fottorinolâtres attendaient ce roman aux sonorités toujours aussi justes, portant plus avant le fer dans une quête intime de Lina, mère évitée/invitée, flamboiement polaire ou étoile du berger.

Chez Fottorino, la geste familiale suit un cours tourmenté, souterrain, opiniâtre, charriant de ces blessures qui ne renoncent jamais à saper les manigances sournoises des secrets de famille. Il a rendu justice à ses pères, en premier à Michel de Tunis qui lui a donné son nom. Ce n’est pas rien un nom, quand vous êtes frappé de bâtardise. C’est même un don inestimable, d’une générosité folle. L’autre homme, Moshé de Fès, lui a légué son cheveu sur la langue. De Lina, il colporte une giboulée d’éphélides. Il revient à eux dans ce récit consacré à la mère. Il rôdait dans ses parages ; il lui tournait autour sans jamais réussir à la happer comme ces goutes de mercure qui échappent à toute prise.

Déjà déjoué à sept reprises dans l’écriture de ce livre, Fottorino – « enfant désiré, pas voulu » -commençait enfin à y croire, lorsque la révélation d’un drame maternel l’a renvoyé dans les cordes. Quatre autres versions plus tard, voici « Dix-sept ans », roman de deux vies en instance d’amour. Maman « Un mot contrarié, rentré à l’intérieur. Un mot avec un nœud au bout qui empêche de respirer ». Portés avec élégance, les regrets sont un bijou noir qui parasite le cœur. « Depuis toutes ces années, ne rien se dire a été notre mode unique de conversation ». Une fuite commode ou le grossissement irrésistible d’une tumeur ? Ce voyage en eaux troubles à la poursuite du serpent de mère a tout de la plongée aléatoire, possiblement rédemptrice. Attention : baignade dangereuse.

 

« Ceci n’est plus un roman mais un silice que la beauté d’écriture secoue de ruades malignes »

 

Ceci n’est plus un roman mais un silice que la beauté d’écriture secoue de ruades malignes. La phrase de Fottorino est douée d’une intensité poétique paradoxale. Ce justaucorps, c’est de la haute couture de cicatrices.
La papesse de Neauphle-le-Château l’aurait-elle trouvé admirable, forcément admirable ?
Qu’importe, puisque le romancier aime Leny Escudero et sursaute invisiblement au rythme du pouls de l’inquiétude.

« Dix-sept ans », Eric Fottorino, Gallimard. 20,50 euros

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