Cinémed : Razzia de Nabil Ayouch, une photographie sublime du Maroc

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Par Romain Rougé – Le réalisateur franco-marocain Nabil Ayouch a fait sensation lors de la présentation de Razzia, en ouverture du 39ème Cinémed de Montpellier. Le film a d’ores et déjà été choisi pour représenter le Maroc aux oscars 2018.

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L’édition 2017 du festival de cinéma méditerranéen de Montpellier ne pouvait pas mieux s’ouvrir. Le dernier long métrage de Nabil Ayouch y était présenté en avant-première européenne et le réalisateur de Much Loved et des Chevaux de Dieu a proposé un film saisissant sur le Maroc d’hier et d’aujourd’hui, plein de sensibilité et d’humilité. A travers des portraits croisés, Nabil Ayouch pose un regard engagé sur la société marocaine. « Une incarnation d’une majorité silencieuse », selon les mots du cinéaste présent pour l’occasion, afin de « partager leur résistance et leur lutte ».

L’histoire débute dans les montagnes de l’Atlas avec un professeur s’exprimant en langue Berbère dans sa salle de classe. Nous sommes au début des années 80, et l’arabisation de l’enseignement public a été mise en place par le gouvernement du parti conservateur de l’Istiqlal, sous l’égide du roi Hassan II (1961-1999). Selon le cinéaste, cette arabisation n’a pas pris en compte la diversité culturelle sur laquelle se sont fondées les civilisations maghrébines, diversité qui a aussi fait leurs forces. Une uniformisation qui, 35 ans plus tard, aura des répercussions sur les vies et les droits civiques fondamentaux. A commencer par une soif et un désir de liberté de beaucoup de marocains, tiraillés entre traditions et modernité.
Et Razzia nous plonge dans cette société à travers des personnages forts, émouvants, pluriels. Les femmes sont mises en avant à travers des situations aux problématiques contemporaines et universelles (droits des femmes, prostitution, mariage forcé, avortement). Nous suivons alors Salima qui s’émancipe du patriarcat, notamment dans des scènes de regroupements de femmes prêtes à défendre leurs droits. « De véritables espaces de liberté » admettra l’actrice et co-scénariste Maryam Touzani, dont on soulignera la prestation émouvante et hypnotique.
La communauté juive, l’homosexualité, sont aussi présents dans le film pour montrer ces multiples visages de la société marocaine ou plus globalement, de l’humanité. Des personnages qui s’affranchissent, chacun à leur manière et dans leurs milieux respectifs, des carcans qui les emprisonnent dans le Maroc d’aujourd’hui.
Nabil Ayouch photographie un pays avec un œil réaliste sans pour autant brouiller l’image d’un avenir meilleur : « Je veux croire que les différences peuvent nous rassembler », s’enthousiasmera le réalisateur. Lors de la cérémonie d’ouverture, le film a été longuement applaudi, une preuve que ce n’est pas un vœu pieu dans une salle qui réunissait un public très éclectique mais unanimement conquis. Pour reprendre la phrase d’introduction du film tirée d’un proverbe Berbère : « Heureux celui qui peut agir selon ses désirs. » Et Razzia a permis de partager ces espoirs, ensemble.

Razzia
Réalisation : Nabil Ayouch
Scénario : Nabil Ayouch et Maryam Touzani
Interprétation : Maryam Touzani, Amine Ennaji, Arieh Worthalter, Abdelilah Rachid
Production : Bruno Nahon, Patrick Quinet, Nabil Ayouch
Durée : 1h49
Sortie en France : 28 février 2018
Film d’ouverture du 39ème Cinémed de Montpellier : www.cinemed.tm.fr

( Crédit photo : DR )

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