Sebastião Salgado : Focus sur « les véritables héros de la guerre » du Koweït

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Par Clara Mure – Un désert en feu nous replonge vingt-six ans en arrière lors de la seconde guerre du Golfe. Après l’invasion du Koweït par l’Irak et son occupation pendant sept mois, de début août 1990 à fin février 1991, les forces de la Coalition menée par les États-Unis vont libérer le Koweït. L’opération « desert storm » mettra fin aux rêves expansionnistes de Saddam Hussein mais aura pour conséquence un désastre écologique sans précédent. En effet, les forces irakiennes, pour gêner l’activité aérienne et nuire à l’économie mondiale, ont incendié 732 puits de pétrole koweïtien et ont répandu 800 000 tonnes de pétrole brut dans le golfe Persique, suite à l’ouverture volontaire du terminal de Mina al Ahmadi.
En conséquence, vingt millions de tonnes de pétrole furent déversées dans le sol, soit un milliard de barils de pétrole, avec pour répercussion, une déstabilisation du marché.

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Le photographe brésilien Sebastião Salgado a choisi de revenir sur cette catastrophe écologique dans le cadre de son projet intitulé  » La Main de l’homme : une archéologie de l’ère industrielle « . Il souhaitait photographier des activités industrielles ou agricoles qui dépendaient de la main de l’homme et disparaissaient peu à peu face aux nouvelles technologies. Sebastião Salgado est connu pour sa sensibilité écologiste avec notamment le projet  » Genesis « , considéré comme  » une lettre d’amour à notre planète « , selon le photographe. Il entend ici soulever le rôle de ces trois cent experts venus d’Amérique du Nord, d’Europe, d’Afrique de l’Est et du sous-continent indien, pour mettre fin à toutes les sources de contamination de la terre et de l’air. Une douzaine de sociétés, dont l’entreprise canadienne Safety Boss et les sociétés américaines Red Adair Company, Boots & Coots International Well Control et Wild Well Control, ont été appelées pour colmater les puits, en insufflant dans le tuyau de la  » mud « , boue composée d’eau et d’une sorte d’argile.

Les quatre-vingt-trois photographies rendent hommage au courage de ces hommes et témoignent de cette  » catastrophe économique et environnementale provoquée par ce conflit « . Les protagonistes de ce film en noir et blanc sont noircis des pieds à la tête, éreintés par l’effort et les conditions incroyablement difficiles de la tâche. Ils sont semblables à des hommes-statuts, recouverts d’une couches d’huile, immobilisés dans un paysage apocalyptique où la faune et la flore sont dévastées.
Selon Sebastião Salgado, ces hommes sont  » les véritables héros de la guerre « . En effet, les dangers sont multiples : fumées toxiques, bruit accablant, manque de visibilité, mare de pétrole, champs de mines et bombes à fragmentation non explosées mais surtout des têtes de puits endommagées qui menaçaient à tout instant de reprendre feu.

L’épouse du photographe Lélia Wanick Salgado, directrice de l’agence photo Amazonas Images, a réalisé cet ouvrage. Le travail a porté essentiellement sur une présentation épurée, de l’esthétique photographique confrontée à l’effroi que procure le paysage apocalyptique koweïtien. Les Éditions Taschen, en publiant cet ouvrage, ont permis de mettre en lumière ces hommes de l’ombre et leur histoire.

 » Sebastião Salgado. Kuwait. Un désert en feu  » de Sebastião Salgado (photographies et texte) et Lélia Wanick Salgado (conception ouvrage), Éditions Taschen, 208 pages, 49,99€

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