Friday Night Lights :  Il était une fois l’Amérique moyenne

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Par Romain Rougé – Friday Night Lights est une série américaine qui a vu le jour en octobre 2006. Dans le paysage audiovisuel US, elle reste l’une des meilleures séries diffusées à ce jour. Epique et profonde, elle a su mettre sous les projecteurs cette Amérique dite « moyenne », loin de tout cliché. Dix ans après, suite à la tourmente électorale américaine, les lumières du vendredi soir doivent être rallumées.

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Il n’est point besoin d’être féru de football américain pour regarder Friday Night Lights. Même si la série a pour sujet les pérégrinations de l’équipe de football lycéenne de la petite ville texane (et fictive) de Dillon, elle joue sur un autre terrain : elle dresse d’abord un portrait très réaliste de l’Amérique moyenne et dépeint des personnages complexes dont la profondeur capte immédiatement l’intérêt. Pour ses créateurs, le sport est une métaphore de la vie : on se donne à fond, on gagne, on perd, on doute, on se relève.

C’est d’ailleurs par un accident que débute Friday Night Lights. La vie est imprévisible et n’épargne personne, pas même Jason Street le quarterback des Dillon Panthers, à qui tout réussit. Star du lycée et de la ville, il finit pourtant bien dans un fauteuil roulant après une blessure pendant le match d’ouverture de la saison. Cette storyline sera le fer de lance de la série, remettant en cause le chemin tout tracé du jeune homme mais également l’horizon de ses proches et plus largement, de l’ensemble des habitants de Dillon.

Le coach de l’équipe et parallèlement le personnage principal de la série, c’est Eric Taylor, interprété par l’excellent Kyle Chandler. Après l’accident de son quarterback, il devra relever l’équipe, gravir les difficultés et faire accepter une nouvelle tête d’affiche inexpérimentée, Matt Saracen, autre personnage central de la série. Coach Taylor vient à peine d’arriver en ville qu’il devra jongler avec les codes d’une communauté qui voue un véritable culte au football. Il est épaulé par sa femme Tami (admirable Connie Britton) et de Julie, leur fille adolescente. Les Taylor sont le ciment de la série dans laquelle la famille y tient une place prépondérante. Eric et Tami forment un couple soudé et attachant, des personnages écrits avec finesse et très justement interprétés par les acteurs. Avec eux, on fait l’impasse sur les éternels rebondissements pour maintenir l’intérêt. Les Taylor ont une vie simple, sans fioritures. Ils s’aiment, s’éloignent parfois, se disputent aussi, mais sont toujours d’un naturel déconcertant. Ils resteront une pierre d’achoppement pour le spectateur et les personnages aux liens familiaux compliqués voire ingérables. A commencer par le jeune Saracen, abandonné par ses parents et élevé par sa grand-mère. Une relation qui n’est pas si fréquente entre une mamie et son petit-fils, que la série exploite de façon émouvante, avec un réalisme rarement atteint à la télévision.

En saison 1, Friday Night Lights maintient un rythme qualitatif qui impressionne. Tout au long des 22 épisodes que compte la saison (la plus longue des cinq), on est vite happés par les enjeux du championnat et la pression que subit le coach Taylor pour ne pas décevoir une ville qui n’a que le football pour sortir de son marasme. On s’empare aussi du thème du handicap, rarement mis en avant comme ici, via le personnage de Jason Street. Ce dernier va réapprendre à vivre et trouver sa place après son accident au gré d’espoirs et de désillusions. Les difficultés médicales physiques et matérielles, l’éloignement des proches, le nouveau rôle qu’il va jouer au sein de l’équipe… Rien n’est laissé au hasard et ce fil rouge porte la saison jusqu’à sa fin. Cette dernière se termine avec un triptyque d’épisodes qui boucleront parfaitement la boucle. Et qu’on se le dise, l’épisode 20 intitulé « Mud », est de loin le meilleur d’entre eux, intégrant ce qui fait le sel de la série : des personnages intenses poussés dans leurs retranchements, un match visuellement époustouflant aux enjeux décisifs et des cartes redistribuées.

Plébiscite de la critique, absence du public

A l’issue de sa première saison, Friday Night Lights est un succès critique. Le public, lui, peine à suivre. Et si la série reste de très grande qualité, il faut se rendre à l’évidence : sa deuxième saison est son point faible. Mais personne n’est parfait. Comme pour faire venir de nouveaux supporters, les scénaristes imaginent une histoire qui va en dérouter plus d’un, une storyline un peu inutile et traitée maladroitement. Quand Tyra et Landry, deux des personnages les plus fascinants de la série se retrouvent impliqués dans une affaire de meurtre, on n’adhère pas. Cerise sur le gâteau, la grève des scénaristes de 2008 vient écourter et expédier une saison qui n’aura pas de réelle conclusion. Faute d’audience, la chaîne NBC ne proposera plus la série qu’en seconde diffusion, sans pour autant l’annuler grâce à la mobilisation de ses fans.

Diffusée sur le réseau câblé DirecTV, la troisième saison va bousculer les règles établies en introduisant le personnage de JD McCoy, imposé au coach comme nouveau quarterback. Ce dernier a beau être très jeune, il est aussi un surdoué des « touchdown ». Avec lui est évoquée la pression que subissent les jeunes sportifs rapidement mis sur un piédestal avec le risque de se perdre soi-même. Ce thème sera le cœur de la saison, avec des conséquences futures irréversibles. Tout basculera dans « A Hard Rain’s Gonna Fall », le onzième épisode de la saison, puissant et dévastateur, qui amorcera le virage à 180° de la série.

Des Panthers aux Lions

Ce grand chamboulement c’est la quatrième saison. Cette année-là, de nouveaux lycéens font leur apparition et le coach Taylor, essuie les conséquences de ses actes. Il va désormais entraîner l’équipe du lycée de l’est de la ville, rouvert pour l’occasion. Fini les Dillon Panthers, voici donc les Dillon Lions.

East Dillon est un lycée de banlieue où la misère sociale est aussi visible que les maillots couleur rage de la nouvelle équipe. Sous les traits de Vince Howard, le nouveau quarterback interprété par Michael B. Jordan (vu dans Creed, l’héritage de Rocky Balboa), la série s’empare alors du thème des minorités, de la pauvreté ainsi que des failles de l’éducation. Le contraste avec les premières saisons est si fort que le football est presque en retrait, donnant la part belle à Tami Taylor qui va affronter le conservatisme texan de plein fouet quand elle aidera une de ses étudiantes à se faire avorter. A l’époque où Sarah Palin déverse son venin conservateur, Friday Night Lights intègre dans son univers ces « pro-life » sans tomber dans une structure manichéenne de bien et de mal. La série parle de l’humain avant tout, des réactions extrêmes d’une communauté conservatrice en passant par les hésitations d’une proviseure garante de neutralité, partagée entre l’empathie envers son étudiante et son statut.

L’autre drame de la saison se jouera du côté des quelques anciens restés au générique. L’ancien running back Tim Riggins n’échappera malheureusement pas à son héritage familial alors que Matt Saracen enterrera son père dans ce qui restera pour beaucoup et à raison, le meilleur épisode de toute la série. « The Son » (saison 4, épisode 5), offre à Zach Gilford l’occasion de briller et de livrer une belle performance d’acteur.

Quand les lumières s’éteignent

En février 2011, Friday Night Lights entame sa dernière saison. Les Lions sont désormais au niveau des ex Panthers, et les matchs du vendredi soir dégagent déjà une atmosphère mélancolique quand on sait que la série se dirige vers sa fin annoncée. Friday Night Lights n’oublie pour autant pas de continuer à battre les thématiques fortes. La cinquième saison sera l’occasion d’aborder le couronnement des femmes dans un milieu où la testostérone est reine ; ou d’analyser le fait de faire un métier qui est avant tout une passion.

Les lumières du vendredi soir s’éteindront sur un épisode final maîtrisé qui conclue la série de la plus belles des manières, en ne trahissant pas le message qu’elle a tenté de faire passer cinq années durant : l’important n’est pas de gagner mais de voir le chemin que l’on a parcouru. Rétroactivement, on s’émeut de la façon dont le coach Taylor et sa femme ont changé la ville de Dillon, l’impact qu’ils ont eu sur les personnages, mais aussi sur les spectateurs. « Clear Eyes. Full Heart. Can’t Lose. » Le cri de ralliement des Panthers. Entendez-le.

Friday Night Lights (2006-2011)
DVD Saisons 1 à 5
Universal Pictures France

D’après le roman de H. G. Bissinger
Développée par Peter Berg
Producteurs exécutifs : Peter Berg, Brian Grazer, David Nevins, Sarah Aubrey, Jason Katims, Jeffrey Reiner et David Hudgins
Avec : Kyle Chandler, Connie Britton, Gaius Charles, Zach Gilford, Minka Kelly, Adrianne Palicki, Taylor Kitsch, Jesse Plemons, Scott Porter, Aimee Teegarden, Michael B. Jordan, Jurnee Smollett, Matt Lauria, Madison Burge et Grey Damon

(Crédit photo : ©Universal Studios tous droits réservés)

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