Premier Contact : Denis Villeneuve vous met en lévitation

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De Florence Yérémian – Louise Banks est une linguiste émérite vivant dans le Montana. Tandis qu’elle donne un cours de langues romanes, un certain Colonel Weber fait irruption dans sa classe et lui demande de le suivre en urgence: douze vaisseaux spatiaux ont atterri à la surface de la terre et personne ne parvient à communiquer avec leurs habitants. Afin de clarifier les intentions de ces nouveaux venus, Louise accepte d’être envoyée à l’intérieur d’un vaisseau en compagnie de Ian Donnely, un physicien théoricien. Tandis que le monde extérieur craint une attaque extra-terrestre ou une contamination biologique, le Docteur Banks conserve un calme étrange et tente d’engager le dialogue…

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Le nouveau long-métrage de Denis Villeneuve (Prisoners, Sicario) est un concentré de poésie et d’intelligence. A l’inverse des films contemporains de Science-Fiction, il ne tombe pas dans le cliché de la violence gratuite et propose aux spectateurs de très belles réflexions autour de l’univers et du besoin de communication. Grace à une bande-son planante (signée Johan Johansson) et une esthétique parfaite, ce talentueux réalisateur canadien réussit à nous intriguer du début à la fin de son oeuvre en mettant tous nos sens en alerte: les coques géantes de ses vaisseaux sont sublimes, les scènes de rencontre avec les extra-terrestres sont pleines de mystère, quant à la tension du film, elle est menée avec lenteur mais ne faiblit jamais.
Afin de servir son envoutant scénario, Denis Villeneuve a fait appel à l’angélique Amy Adams (Big Eyes) pour lui confier le rôle de Louise Banks. Aussi douce que fragile, l’actrice confère à sa protagoniste une émotion à fleur de peau. Puisant en elle-même avec ferveur, elle parvient à traduire les peurs et les pensées de son personnage avec une magnifique sensibilité. A ses côtés, le comédien Jeremy Renner (Jason Bournes, Avengers) prête ses traits sympathiques au physicien Ian Donnelly : un brin froussard et nonchalant, il apporte la petite touche d’humour qui complète avec justesse sa figure cartésienne de grand scientifique.

Premier contact : une réflexion sur les mystères cosmiques

A travers ce duo confronté à des êtres inconnus doués d’intelligence, le réalisateur tente de sonder quelques mystères cosmiques: d’autres formes de vie sont-elles possibles au sein de notre univers ? A quoi pourraient-elles ressembler ? Quel intérêt auraient-elles à venir sur terre ? Et surtout : quelles seraient nos réactions ?
Afin d’illustrer ces questionnements, Denis Villeneuve a souhaité maintenir « ses pseudo-visiteurs » dans un certain flou. En les représentant sous la forme de poulpes tentaculaires flottant dans l’espace, il a pris le parti de s’intéresser d’avantage à leur volonté de communication qu’à leur aspect physique. C’est précisément autour de ce dialogue hommes / extra-terrestres que tourne le film. A chaque fois que le Docteur Banks fait face à ces heptapodes, elle nous captive en mettant tout en oeuvre pour décoder leur langage. Allant au delà des mots et des sons, elle explore d’autres codes qui remettent en cause notre propre regard sur la communication. Lorsque l’on y réfléchit, la parole n’est, en effet, pas le seul moyen porteur de sens, d’autres variantes existent à l’exemple des logogrammes, des séquences ou des écritures sémasiographiques.
En mettant en exergue l’attrayant personnage du Docteur Banks, Denis Villeneuve sous-entend qu’une polyglotte pourrait posséder une autre perception de la réalité et avoir ainsi un esprit bien plus ouvert au monde. S’attachant indirectement à la thèse de Sapir Whort affirmant que tout langage conditionne la pensée humaine, son scénario insiste surtout sur le manque de discussion entre les hommes de notre planète et déplore cette incompréhension: si les nations ne se décident pas une fois pour toutes à dialoguer entre elles, il y a fort à craindre pour l’évolution de l’humanité !

Premier contact : Denis Villeneuve invite le spectateur à relativiser les notions d’espace-temps

Par delà cette thèse pacifiste un brin idéaliste, Denis Villeneuve invite également ses spectateurs à relativiser les notions d’espace-temps : à travers les flashbacks de sa protagoniste et les images parallèles qui parcourent le film, il bouscule nos perceptions au point que l’on finit par se demander si notre vie a vraiment un début et une fin ! Après tout, pourquoi le temps serait-il linéaire? A l’exemple du Docteur Banks, notre esprit ne pourrait-il pas voyager dans le passé ou se projeter dans l’avenir ? Une telle approche de l’existence a vraiment de quoi nous déstabiliser sans pour autant nous déplaire …

Premier Contact? Un film plein d’espérance qui met tout notre intellect en éveil. Sublime !

Premier Contact (Arrival)
Un film de Denis Villeneuve
D’après une nouvelle de Ted Chiang : Story of your life
Avec Amy Adams, Jeremy Renner, Forest Whitaker, Michael Stuhlbarg, Mark O’Brien
2016 – USA – 2h07
Sortie Nationale : le 7 décembre 2016

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