L’été de Kikujiro: un Road-movie japonais à la sauce aigre-douce

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De Florence Yeremian – Masao est un adorable petit garçon de neuf ans élevé par sa grand mère. Le jour des vacances scolaires, il se retrouve seul car tous ses camarades ont quitté Tokyo. Découvrant par hasard une photo de sa mère, il se lance à la poursuite de cette femme qu’il n’a jamais connue.

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Épaulé par un drôle d’hurluberlu répondant au nom de Kikujiro, il prend la direction de Toyohashi et se laisse entraîner dans un bien étrange périple…

Le film de Kitano est sorti en 1999 et a été nominé pour la Palme d’Or au Festival de Cannes. Takeshi Kitano est très connu au Japon pour avoir réalisé de nombreux shows télévisés ainsi que toute une série de polars et de films de Yakuza. Avec  » L’été de Kikujiro », le cinéaste change radicalement de registre et se penche sur une histoire familiale qui n’est pas sans rappeler son propre vécu.
Le voyage du petit Masao est en effet une véritable quête d’amour parental tournée dans l’esprit d’un Road-movie. Lorsque ce petit garçon quitte sa grand-mère pour aller affronter le vaste monde, il n’a pas la moindre idée des rencontres qu’il va faire: entre une jolie jongleuse, un pédophile, un poète en roulotte et un duo de motards couverts de tatouages, Masao découvre pas à pas des univers qu’il ne soupçonnait pas. Fort heureusement Kikujiro parvient à le chaperonner pour que toutes ces confrontations se transforment en jeu et ne le fassent pas trop souffrir. Embarquant Masao dans ses loufoqueries, il lui fait faire de l’autostop, vole du maïs dans les champs, envoie des voitures dans des ravins et dilapide stupidement toutes leurs économies aux courses de vélo.

L’été de Kikujiruo, le duo bancal de Takeshi Kitano

Pris au coeur de ces 400 coups, le personnage de Masao demeure plutôt discret voire introverti. Interprété par le jeune Yusuke Sekiguchi, il respire l’innocence et évolue dans un jeu très naturel. À ses côtés Kikujiro (incarné par le réalisateur Kitano) est un véritable « tonton farceur » qui n’a pas la langue dans sa poche. Aussi simplet qu’alcoolique, ce gai luron providentiel ment à tout va, triche à foison et insulte l’ensemble de ses concitoyens sans aucune hésitation. Entraînant son petit protégé dans des bars et des lieux peu fréquentables, il ne se rend pas toujours compte des dangers qu’il lui fait courir mais tente néanmoins de lui faire plaisir. Dissimulé derrière son côté abrupt et taciturne, Kikujiro possède en réalité un grand cœur et un secret qui le rend bien plus proche qu’il n’y parait du petit Masao…
Tout au long du film, il est donc très émouvant de voir ce duo un peu bancal s’attacher l’un à l’autre. Liés dans une quête commune, Masao et Kikujiro vont balayer leurs différences pour laisser s’instaurer une amitié des plus singulières. Afin de mettre en avant cette entente insolite, Kitano a opté pour une grande pureté scénaristique. Imprégné de sa culture japonaise, il a cependant ponctué son long métrage d’une fantaisie typiquement nippone: entre les rêves kitchs de Masao qui se mêlent à la réalité et les photos matons qui marquent chaque étape de son pèlerinage, l’on a parfois l’impression d’être face à un film d’animation. Cette atmosphère ludique est d’ailleurs accentuée par la merveilleuse musique de Joe Hisaishi qui a depuis signé les bandes-son des dessins animés de Hayao Miyazaki.

Bien que le film soit lent et qu’il tire en longueur, il nous accroche par les pitreries de Kikujiro et la candeur de Masao. L’on apprécie aussi le regard ironique porté par Kitano sur ce Pays du soleil levant qui tente maladroitement de s’occidentaliser : même au XXIe siècle, il est assez déroutant pour un public européen de voir des Japonais blonds braver la route en Harley Davidson ou imiter Fred Astaire en claquettes.

L’été de Kikujiro ? Un voyage aussi fou qu’attachant.

L’été de Kikujiro
Un film de Takeshi Kitano
Avec Takeshi Kitano, Yusuke Sekiguchi, Kayoko Kishimoto
2h01 – Japon – Version restaurée
Sortie nationale : le 20 juillet 2016

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