Christian Perdrier : « Certains clubs sont bien gérés et d’autres moins… »

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Président du Nîmes Olympique depuis fin novembre 2104 suite à l’affaire présumée des matchs arrangés, Christian Perdrier a été intronisé à la direction du club alors que son expérience se situe très loin des arcanes du football professionnel. En seulement quelques mois, Christian Perdrier, ancien dirigeant de Dysneyland pendant 12 ans, a assaini le Nimes Olympique, au bord de la disparition il y a quelques mois suite à cette affaire de corruption, en insufflant une nouvelle dynamique et une politique à contre-courant de ce qui se pratique. De par sa singularité et sa détermination, il a imposé au club gardois une vision pramagtique et novatrice en s’appuyant sur une gestion drastique de l’extrasportif, la formation des jeunes joueurs et un nouveau code éthique. Il est sans nul doute l’un des artisans de l’exploit sportif du Nimes Olympique, quasiment condamné à la relégation en début de saison, avec ses 8 points de pénalité. Aujourd’hui Christian Perdrier a réussi son pari de sauver le club suite à son maintien en ligue 2 il y a quelques jours. Nous l’avons rencontré pour qu’il nous parle du club, de sa vision sportive et économique du football et de l’avenir du club. À l’heure où le foot business connaît son paroxysme, comme le montre le documentaire Hors-jeu, Christian Perdrier s’affirme comme un président à part, loin du sérail du football professionnel.

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Une arrivée mouvementée au Nimes Olympique pour Christian Perdrier

Le Nîmes Olympique a failli disparaitre avec l’affaire présumée des matchs arrangés en novembre 2014. Aujourd’hui, quel regard portez-vous sur le chemin parcouru par le club 20 mois après ?

En effet, cela a été 20 mois de galère après ce coup de massue qui est tombé sur le club. La rétrogradation, qui ensuite s’est transformée en 8 points de pénalité par la fédération, nous a fait commencé cette saison dans une situation inconfortable et compliquée à gérer jusqu’à la trêve. Le changement d’entraineur (N.D.L.R : Bernard Blaquart à remplacé José Pasqualetti) a permis de repartir sur de meilleures bases et de nous maintenir miraculeusement. Il y a eu une prise de conscience forte des joueurs, qui sont très jeunes, et du nouvel entraineur.

Vous êtes un président qui ne vient pas du sérail du football. Comment s’est passé votre immersion dans ce monde si particulier avec ses codes ?

J’ai été jeté au milieu de la piscine lors de ma prise de fonction. Il a fallu s’adapter et comprendre un environnement que je ne connaissais pas, et surtout gérer la société qu’est le Nimes Olympique. Quand vous redressez une société, qu’elle soit un club de football ou une usine de boulons, c’est la même chose. Il y a des recettes et des dépenses et il faut les équilibrer. Cet aspect économique était fondamental. Deuxièmement, il faut être sûr que toutes les personnes soient à la bonne place au niveau de leur travail. J’ai fait du ménage par rapport au personnel du club.

Vous avez déclaré que le club est une société de spectacle. Comment cela s’appréhende dans la gestion d’un club de football professionnel ? Selon vous, sur quoi repose la gestion saine et viable d’un club comme le Nîmes Olympique ?

Le football est un spectacle. Les spectateurs viennent au stade comme ils viendraient à l’Arena par exemple. Les joueurs sont des acteurs, le terrain c’est la scène et le metteur en scène c’est le coach. Partant de ce postulat, ajouté au fait que le public paie pour venir, il faut lui en donner pour son argent. À mon arrivée, l’affluence se situait entre 3500 et 4000 spectateurs pour un stade de 18 000 places. Le spectacle n’était pas bon. Nous avons voulu redresser la barre pour proposer un spectacle digne de ce nom et offrir des tarifs correspondant à ce que les gens peuvent payer. Sinon ils ne viennent pas. Aujourd’hui, nous avons atteint les 15 000 personnes contre Lens et 13 000 personnes contre Laval. Je suis content de cette affluence parce que le spectacle plait.

Un mot sur l’actionnariat au sein du club. On a en tête les batailles d’actionnaires de l’été dernier où Rani Assaf a remporté la mise quite à l’affaire présumée des matchs arrangés. Aujourd’hui, comment se compose la direction du club et comment sont les prises les décisions financières, stratégiques et sportives ?

Aujourd’hui, Rani Assaf est actionnaire à hauteur de 80% et Jean-Louis Gazeau détient le reste. Il y a un conseil d’administration auquel je réponds qui valide les stratégies sportives et financières que je présente régulièrement. J’ai des relations très étroites avec Monsieur Assaf et nous sommes en contact permanent pour valider les options que je lui présente.

À ce propos, y-a-t-il des passerelles dans la gestion globale entre ce que vous avez connu à Disneyland et au Nîmes Olympique? Avez-vous appliqué les mêmes recettes au sein de l’équipe, des salariés, des joueurs, et plus largement dans la gestion au quotidien ?

Oui parce que c’est une société et tous les clubs professionnels devraient être géré comme tel. On arrête pas de me dire que le football est différent mais je ne suis pas de cet avis. Il y a des règles à respecter et chacun à sa place. Après oui, le football est particulier. Toutes les semaines il y a une remise en question à avoir, il suffit d’un mauvais résultat pour chambouler tout l’équilibre. Mais sinon c’est la même chose : il y a des facteurs, des employés, des visiteurs comme à Disney qui achètent des entrées tous les jours pour accéder au parc. Pour le football, ce sont des spectateurs qui viennent deux fois par mois dans le stade. C’est la même dynamique. Il faut gérer tout ça en bon père de famille.

Justement, quelles sont les priorités dans la gestion d’un club comme Nîmes, Christian Perdrier ?

Mon juge de paix, ce sont les spectateurs. Si le stade est plein c’est qu’on fait du bon travail, sinon c’est que quelque chose ne va pas. Au niveau marketing, il faut constamment proposer des produits à la vente pour faire venir les gens : des packs 3 matchs, des concours par exemple. Et ensuite la gestion des sportifs, à savoir leur donner les meilleurs moyens de s’exprimer, tout en restant très prudent par rapport à la marge de l’entreprise. Nous ne pouvons pas dépenser ce que nous n’avons pas. Il faut encaisser avant de dépenser et généralement les clubs de football ne respecte pas cette règle. Cela devient très dangereux.

Dans son documentaire, Patrick Oberli parle de capitalisme mondialisé qui vampirise le football. En tant que président, comment et à quel degré fixe-t-on les ambitions du club, qui est l’un des plus petits budgets de Ligue 2 (N.D.L.R : 18ème budget du championnat avec 7 millions d’euros).

C’est vrai que nous sommes l’un des plus petits budgets mais ce n’est pas parce que vous avez un gros budget que vous êtes bon, cela se saurait… Regardez le PSG sur la scène européenne. L’argent permet d’avoir des joueurs c’est vrai. Mais c’est là toute la beauté du sport. Il faut de l’argent mais pas trop, il faut faire attention. Pour moi le Nîmes Olympique est un club régional et quand on voit des stades de Ligue 2 qui sont à 1000-1500 spectateurs, cela ne marche pas. Le public reviendra dans les stades à partir du moment où il y aura un bon spectacle et quand les gens se reconnaitrons dans leur équipe. Quand dans certaines équipes il y a 90% d’étrangers qui viennent pour un contrat de 2 ans, qu’ils ne sont pas attachés au maillot et à la ville, cela ne peut pas fonctionner! Il faut que les clubs reprennent les affaires en main. À Nîmes, sur les 16 joueurs, j’en ai 8 qui viennent du centre de formation et issus du bassin nîmois. Les gens se retrouvent dans ces jeunes et dans l’équipe.

Rani Assaf, un actionnaire très discret mais omniprésent au Nimes Olympique

Comment décririez vous votre rapport à Rani Assaf ? On le sait très discret mais quelle vision du club-a-t-il dans les mois à venir ?

C’est un passionné de football et du Paris-Saint-Germain. Il va pratiquement à tous les matchs. Avant l’affaire des matchs arrangés, il était minoritaire et s’est retrouvé majoritaire sans l’avoir demandé. Cependant il veut en faire un très bon club français sinon européen, du moins en Ligue 1, mais il ne le fera pas à n’importe quel prix. Il est prudent et fait bien attention à équilibrer les équilibres financiers.

Christian Perdrier, vous avez déclaré chez nos confrères d’Objectif Gard qu’un centre de formation n’était pas une usine à poulet et que les joueurs ne sont pas du bétail. La formation des jeunes est-elle l’antidote le plus efficace contre la venue de joueurs mercenaires au sein d’une équipe ? Vous semblez faire de la formation votre fer de lance pour le Nîmes Olympique. À votre avis quels sont les maitres mots d’une formation réussie pour un jeune joueur ?

Si vous n’avez pas des joueurs locaux, vous êtes obligé de faire venir des mercenaires, sinon il faut trouver des joueurs ailleurs qui sont soit des joueurs issus du bassin soit du centre de formation. Il est nécessaire que ces centres de formation développent des joueurs, les meilleurs du coin, pour pouvoir les former en vue de l’équipe première. Une fois qu’ils l’ont intégré, si nous pouvons les vendre dans les 3-4 années pourquoi pas. Mais delà à développer des jeunes et les vendre de suite après, c’est hors de question. Le centre de formation est avant tout là pour former des joueurs pour l’équipe première, point.
Lors des formations, nous faisons très attention aux joueurs qu’on suit. J’ai donné comme consigne qu’il faut savoir quel est son projet en tant que jeune après le sportif. Aujourd’hui, simplement dire «il est bon, on le prend », ce n’est pas possible. Nous ne pouvons jamais promettre un contrat et une fois qu’il aura 35 ans qu’est-ce qu’il va faire ? Si il n’a pas de projet de vie, nous allons l’aider mais je ne peux pas cautionner qu’on signe que des joueurs qui n’en ont pas. Ce n’est pas sérieux.
Ensuite nous regardons l’environnement familial, l’implication, le suivi de la famille et enfin son environnement sportif, l’agent ainsi que toutes les personnes qui gravitent autour des joueurs. La partie technique ne suffit pas, c’est une donnée importante mais je veux des garanties ensuite sur ces environnements. Si nous ne faisons pas cela, nous allons au devant de ce qu’il se fait aujourd’hui, et qui est dramatique, c’est à dire énormément de joueur qui espèrent et qui ne s’en sortent pas. Cela ne donne pas une bonne image du football et cela doit évoluer. Quand on voit le nombre de joueurs promis à une grande carrière qui ont explosé en vol par un entourage défectueux et un manque de structure, cela fait réfléchir.
Dès la démission de José Pasqualetti, j’ai insisté pour que ce soit l’entraineur du centre de formation qui prenne sa place. Un coach de l’équipe première doit être un formateur. Il faut faire de la post-formation pour les jeunes pros.

Comment vit-on la concurrence des grand clubs, notamment en période de transferts ? L’identité singulière du Nîmes Olympique suffit-elle à convaincre les joueurs et leurs agents de rester au club ?

C’est notre problématique actuelle. Je ne voulais pas aborder tout ces sujets tant que la maintien n’était pas acquis. Maintenant que c’est chose faite, nous sommes en pleine discussion. Nous connaissons la valeur des joueurs, moralement et techniquement parlant et avec l’exploit qu’ils ont réalisé, c’est plutôt favorable pour nous. Nous allons chercher à renouveler le maximum de joueurs, parce qu’on ne change pas une équipe qui gagne. Quand nous voyons que nous sommes premier sur la phase retour du championnat, cela veut bien dire que nous avons une très bonne équipe de Ligue 2. Le but est de renflouer et solidifier l’effectif avec 2-3 joueurs en plus sans mettre en péril l’équilibre financier. Après si le but des joueurs est de gagner plus d’argent ailleurs, ils partiront, mais je me refuse de chambouler un équilibre financier pour un joueur qui ne pense qu’à l’argent. Les joueurs connaissent le club, ses valeurs, l’ambiance et nos ambitions, c’est à eux de voir désormais.

Nîmes est une ville de football avec un passé riche. Comment appréhende-t-on cette singularité pour un président qui a oeuvré pendant 12 ans à Disneyland ?

La première priorité était de modifier les structures du club et de les remettre en ordre de marche. Finalement, tout le monde est propriétaire du club, il est au carrefour de plusieurs influences. Quand on est président de club, on ne peut se passer de l’influence du public, des clubs de supporters, des médias, des politiques, du milieu économique… Il faut intégrer ce système en faisant en sorte que les racines du club, comme les racines de l’arbre, rentrent profondément dans le milieu dans lequel il vit pour se développer. Chacun doit faire son boulot dans le but du bien-être du club. La ville est attachée viscéralement à un club qui a bientôt 80 ans, qui a connu beaucoup d’évènements mouvementés. Il faut se servir du passé pour construire l’avenir.

À ce propos, le club s’est considérablement développé sur les réseaux sociaux avec l’arrivée d’un jeune community manager. Quelles sont les grandes lignes du NO 2.0 dans les semaines à venir et dans sa politique globale d’animations ?

Avant que j’arrive nous étions à 4000 spectateurs par match. C’est notre affluence de base, nos supporters les plus fidèles, ce que j’appelle « les amoureux de Jean Bouin ». Mais nous n’avions pas la catégorie des 18-35 ans. La plupart de ces gens-là ne lisent pas le journal, ne regardent pas la télé. Ils ne sont que sur les réseaux sociaux. C’était essentiel de faire vivre ces réseaux pour capter ces gens. La preuve est que cela fonctionne parce que nous tournons entre 2 à 3000 ventes de billets sur internet.

Quel regard portez-vous sur la gestion des clubs de football, Christian Perdrier ?

Je découvre ce monde-là. Je remarque que des clubs sont très bien gérés et d’autres moins. D’après mes observations, l’équilibre des comptes généralement se fait en vendant des joueurs et en demandant de l’argent aux actionnaires en fin d’année. Les équilibres ne sont pas respectés. Les recettes et les dépenses doivent s’équilibrer. Qu’il y ait des ventes de patrimoines ou de joueurs pour assurer un développement, bien entendu mais qu’il y en ait pour subsister et pour assurer le train de vie du club, ce n’est pas sain. Si les joueurs ne sont pas vendu, qu’est-ce que nous faisons après ? C’est tout là le danger. Les joueurs peuvent se blesser par exemple… il y a trop d’aléas pour fonctionner comme ça. Sachant qu’en Ligue 2 aujourd’hui, les structures financières font qu’aucun club ne va acheter des joueurs. Généralement ils prennent des joueurs en fin de contrat, donc cela ne peut être que des ventes vers la ligue 1 ou l’étranger. Finalement, il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Parier sur ce déséquilibre, c’est prendre le risque de mettre en péril les propriétaires de club et donc les clubs en eux-mêmes. Les clubs sont à vendre. Arrivent sur le marché des personnes plus ou moins bien intentionnées, dont nous ne savons pas d’où ils viennent. Regardez la situation du FC Lens, de l’OGC Nice, de l’Olympique de Marseille. Il n’y a pas beaucoup d’investisseurs comme Rani Assaf…

Quel doit-être selon vous le modèle économique pérenne d’un club de football professionnel ?

Le modèle économique pérenne, c’est de s’assurer que le train de vie du club corresponde à ses revenus réguliers. S’il y a des ventes, des ajouts financiers cela ne peut correspondre qu’à des investissements, pas au train de vie. Il faut assurer que le centre de formation soit bien structuré avec des valeurs communes bien en place, de façon à pouvoir sortir des jeunes qui vont intégrer des clubs de Ligue 1, que nous allons développer en 2-3 ans pour les vendre. Mais la vente est uniquement faite pour développer le club. Si nous ne sommes pas capable d’attirer les gens aux stades, de faire venir des partenaires, d’avoir un beau spectacle, alors l’équilibre du club sera mis en péril.

Que pensez-vous des TPI ? Ce sont des fonds d’investissements comme des agences de crédits qui prêtent des liquidités aux clubs dans le but de faire venir des joueurs notamment. Ce n’est pas une pratique répandue en France mais elle peut être une menace pour la politique économique et sportive d’un club, notamment en terme de gestion de de dépendance…

Bien évidemment ! Quand nous observons la dépendance des clubs par rapport à la télévision, vous avez de 50 à 70% des revenus de clubs qui viennent des droits TV. C’est extrêmement malsain et dangereux. De toute façon, cet argent doit revenir dans les poches de ses propriétaires, donc se faire prêter de l’argent par des fonds d’investissements privés, ce n’est pas sans risque. Si les clubs mettent le doigt dans cet engrenage, cela peut les mettre en péril. Le sport et le football sont une activité aléatoire, le cahier des charges est d’une semaine. S’il y a le moindre problème, tout peut être remis en question. Tout est fragile, il faut être vigilant, il faut intégrer dans chaque modèle économique la fragilité de ce système. Si nous avons un joueur payé 30 ou 40 000€ par mois et qu’il se blesse, c’est tout l’aspect sportif qui peut être remis en cause.

Vous parlez de retrouver de l’éthique dans le football. Comment y remédier en tant que président dans un sport qui souffre de son image aux yeux du grand public et des supporters ?

Il faut ramener des valeurs de bases, d’éducation, de respect. J’ai dit aux joueurs que je ne supporte pas ceux qui se roulent par terre, qui insultent l’arbitre. Il y a un exemple à donner aux milliers d’enfants qui suivent ce sport et notre club. On leur montre qu’il suffit de hurler sur l’autorité, de mentir sur le terrain et ça marche. On ne peut pas éduquer le public comme cela. Il y a une désaffection du public, les familles ne viennent plus, les parents ne veulent pas leur montrer ces agissements. Il faut mettre en avant le respect des autres, de la diversité, de l’arbitre. Remercier le public aussi c’est très important. Au début, tous les joueurs ne le faisait pas, le public a payé et la moindre des chose est de le saluer à la fin des matchs. Dans le théâtre, même les plus grands acteurs viennent saluer le public. Changeons l’image du football, ramenons de l’étique et du respect. C’est la clé.

En quelques mots, si vous deviez définir la patte Perdrier au sein du Nîmes Olympique…

Nous avons établit l’équilibre et nous sommes maintenus. Mission accomplie.

Interview réalisée par Jonathan Rodriguez & Nicolas Vidal

Le site officiel de Nimes Olympique

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