Love & Friendship : Une comédie mondaine signée Jane Austen

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Par Florence Yérémian – Chacun connait Jane Austen pour ses oeuvres romantiques débordantes de lyrisme et parfois, avouons-le, de mièvrerie. Parmi ses multiples succès, la référence universelle demeure Pride and Préjudice mais le cinéma nous a aussi livré de belles adaptations d’Emma ou de Mansfield Park.

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Pour cette année 2016, le réalisateur Whit Stillman s’est attaqué à l’un des ouvrages de jeunesse de la romancière : Lady Susan. Courte nouvelle épistolaire, cette comédie mondaine se détache étonnement du sentimentalisme propre à Miss Austen. Mêlant amour et critique sociale, elle permet à Stillman de nous livrer un film où l’humour et l’élégance se côtoient savoureusement.

L’histoire met en scène une veuve désargentée répondant au noble nom de Lady Susan Vernon. Opportuniste et sournoise, cette ravissante quadragénaire s’installe dans la demeure de son beau frère afin d’y trouver un riche parti pour sa fille Frederica sans pour autant oublier sa propre personne… Aussi intelligente que manipulatrice, Lady Susan va peu à peu poser ses pions sur l’échiquier du pouvoir et audacieusement parvenir à ses fins…

Le récit prend place dans un cadre aristocratique propre à l’Angleterre de la fin du XVIIIe siècle. Avec ses confidences, ses complots et ses multiples personnages aux profils caricaturés, l’oeuvre de Jane Austen possède une étonnante dimension théâtrale qui apporte un côté décalé et une dynamique de jeu peu commune au cinéma. L’écriture même de l’oeuvre est ponctuée de sarcasmes, de commandements bibliques réinterprétés et de saillies incisives qui confèrent aux dialogues beaucoup de fraicheur. Si vous pouvez voir ce long-métrage en V.O, n’hésitez pas un seul instant : le texte est dense mais « delightfull ! ».

Concernant le casting, c’est à Kate Beckinsale que revient le rôle de l’arrogante Lady Susan Vernon. Délaissant sa tenue de vampire de la saga Underworld, l’actrice conserve ici sa soif d’ascension et sa séduction carnassière. Fine prédatrice en robe de velours, elle fait preuve d’une assurance outrageante et n’autorise à sa protagoniste aucune pitié à l’égard de ses semblables.
Parmi les proies masculines de cette Merteuil britannique, se distingue le jeune Reginald de Courcy. Aussi naïf qu’élégant, ce séduisant baronnet est incarné avec beaucoup (trop ?) de candeur par Xavier Samuel. Remarqué dans Perfect Mothers, ce jeune acteur australien n’est pas sans rappeler Colin Firth en Mister Darcy dans la série de la BBC, Pride and Préjudice : un peu moins guindé mais tout aussi distingué, il se plaît à jouer la carte de l’amour courtois auprès de Lady Susan sans pour autant délaisser sa fille…
Face à ce galant raffiné, apparait enfin le personnage le plus comique du récit : Sir James Martin. Pauvre pigeon de la noblesse anglaise, cet énergumène courtise à tout va, se fait plumer sans s’en rendre compte et nous amuse délicieusement de son ineffable bêtise. Interprété par le succulent Tom Bennett, cet acteur singulier fait passer avec subtilité l’ensemble de l’oeuvre de Jane Austen dans le registre de la comédie.

On peut reprocher à cette satire sociale de manquer de lyrisme, d’être rigide dans ses enchainements et même de nous offrir une conclusion trop hâtive. Le film est cependant fort bien dirigé par Stillman qui s’amuse autant que nous de ses personnages et de leur hypocrisie. Si l’on devait définir Love & Frienship, l’on dirait que l’ironie y est grinçante, l’interprétation brillante et l’esthétique fort plaisante. Si vous aimez Jane Austen, c’est de toute évidence un « must-see ». Si vous préférez les films d’action à l’humour scabreux, allez donc voir Les frères Grimsby.

Love & Friendship
Un film de Whit Stillman
Avec Kate Beckinsale, Chloë Sevigny, Xavier Samuel et Stephen Fry
Durée 1h32

Au cinéma le 22 juin 2016

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