L’Académie des muses : du cinéma inspiré
Par Romain Rougé – José Luis Guerin assiste un jour à un cours d’un professeur de philologie à l’université des Lettres de Barcelone. Sur l’idée d’une des étudiantes, il monte un projet de film : à partir des interactions entre le professeur et ses élèves, le réalisateur va « impulser » des moments de fictions, filmés en dehors de la salle de classe. Vrai professeur, vraie épouse, vrais élèves et fausses histoires d’amour se mêlent alors dans un film centré sur les thèmes du désir, de la séduction, de la parole et de la poésie.
« Je pars d’une communauté préexistante pour créer avec elle une fiction », explique le réalisateur espagnol. Une information importante tant ce paradoxe donne à L’Académie des muses toute son originalité et toute sa force.
En dehors de la classe, les comédiens non professionnels issus de cette communauté littéraire suivent une ligne directrice impulsée par le réalisateur et improvisent des dialogues en lien avec elle. Une atmosphère particulière se dégage alors du film, à la fois effervescente et intimiste. Qui plus est, les comédiennes (et étudiantes) principales s’avèrent être de savoureuses dialoguistes. Les sujets universels que sont le désir et la séduction sont débattus avec, en référence, les mythologiques muses auxquelles les personnages vont s’identifier.
Omniprésente, la littérature étudiée à l’Académie résonne dans chaque mot, dans chaque expérience menée par les personnages : de Dante à Lancelot et Genièvre en passant par Orphée et Eurydice. Sur ce plan-là, il n’est nul besoin d’être un lecteur avéré de ces oeuvres, ces dernières sont analysées en classe et ont un rôle d’effet de miroir dans lequel la fiction se reflète à la réalité.
Autre élément central du film : la parole. L’Académie des muses est un film bavard, mais dans le bon sens du terme : pas moins de quatre langues se mélangent, à savoir l’espagnol, le catalan, l’italien et le sarde. « Une célébration de la parole pour favoriser la diversité » qui tenait à coeur à José Luis Guerin. Ou comment de simples discussions entre différentes personnes et personnalités mènent à une réflexion sur le langage et sur l’effet qu’il a sur tout un chacun.
A cela s’ajoute le tour de force du réalisateur qui réussit à garder une certaine distance tout en impliquant le spectateur : à l’extérieur de la salle de classe, la caméra s’éloigne « pour donner plus d’aisance aux acteurs non professionnels », explique José Luis Guerin. Il en résulte un rapport à l’image inhabituel, un attachement immédiat à des personnages forts imprégnés de poésie.
Avec leurs questionnements ou leurs affirmations, les étudiantes ne sont pas simplement les muses du professeur et vice-versa, mais bien celles du spectateur à qui est laissé la libre interprétation de l’oeuvre.
« Eduquer, c’est séduire », lance le professeur dans le film. Dans L’Académie des muses, on apprend à se laisser charmer par le cinéma.
L’Académie des muses
Un film de José Luis Guerin
Avec : Raffaele Pinto, Emanuela Forgetta, Rosa Delor Muns, Mireia Iniesta, Patricia Gil, Carolina Llacher, Juan Rubino, Giulia Masia, Gavino Fedrigo & les étudiants de la Faculté de philologie de l’Université de Barcelone.
Distribution : Zeugma Films
Production : PC Guerin et Los Films de Orfeo
Ventes internationales : Perspective Films
Sortie le 13 avril 2016
A lire aussi dans Cinéma :
César doit mourir : Shakespeare monté en prison par les frères Taviani
Grimsby : un cocktail outrageusement comique !
Good Luck Algeria : Une comédie familiale sur la double nationalité
Le cœur régulier : un pèlerinage nippon vers la paix intérieure