Gilles Kepel : l’éclairage sur une société fragmentée
Par Régis Sully – La France a été meurtrie par une série d’attentats tout au long de l’année 2015. La liste, en effet, est longue : de la tuerie à Charlie Hebdo en janvier jusqu’au massacre au Bataclan en novembre en passant par un attentat avorté contre une église en avril, une décapitation en juin et une fusillade dans un Thalys en Août. Le mérite du livre de Gilles Kepel et de Antoine Jardin est d’éclairer le lecteur sur les tenants et les aboutissants de cette vague de violence qui a déferlé sur la France.
Les auteurs qui ont perpétré ces actes abominables sont des individus issus de la troisième génération née de l’immigration après les émeutes de 2005. Cette nouvelle génération de nationalité française, passée par l’école de la République va se retrouver dans un monde où la promesse d’un avenir radieux porté par le parti communiste a disparu, où les islamistes non violents, piétistes du Tabligh, salafistes, frères musulmans s’efforcent de mettent en place « des frontières culturelles infranchissables », c’est à dire des pratiques quotidiennes qui tentent d’enfermer les Français d’ascendance musulmane. Les djihadistes qui prônent la violence ont là un terrain propice à la diffusion de leurs idées d’autant qu’ils développent un sentiment de victimisation parmi leurs coreligionnaires.
A ce contexte intérieur, les auteurs mettent en exergue le changement radical intervenu avec le déclin d’al-Qaida au profit de nouveau type de terrorisme de proximité qui s’appuie sur des jeunes immigrés mal intégrés qui vont servir de fantassins à ce nouveau type de violence dont le but ultime est la guerre civile en Europe prélude à l’effondrement de l’Occident. Un texte mise en ligne en 2005 : « L’appel à la résistance islamique mondiale » d’un certain Suri théorise cette nouvelle stratégie au regard des précédentes qui ont échoué. Cette nouvelle forme de djihad est servie par l’explosion des réseaux sociaux et par la proximité de camps d’entraînement militaire en Irak, Syrie et Libye. Mais les auteurs notent que parallèlement à cette radicalisation une intégration politique de la jeunesse française immigrée et musulmane est perceptible au travers de la participation aux élections soit par le vote soit par les candidatures. Pour assurer un avenir plus paisible à notre pays les auteurs grâce à ce qu’ils ont pu constater, entre autres, à Lunel voient dans l’instruction publique un lieu privilégié par faire éclore une société plus homogène. Ils souhaitent également que toute politique, en la matière, s’appuie sur les travaux universitaires indispensables à comprendre et donc à combattre.
A lire donc, pour nourrir sa réflexion sur un sujet qui préoccupe nombre de nos compatriotes.
Terreur dans l’Hexagone
Gilles Kepel avec Antoine Jardin
Editions Gallimard, 21 euros
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