Marie-Christine Horn : un style brut, dru et vivifiant
Par Laurence Biava – Tout Ce Qui Est Rouge est un roman noir où l’on retrouve l’inspecteur Rouzier du premier livre, La Piqûre. L’inspecteur Rouzier est sur la piste d’un assassinat et de sa sordide mise en scène au cœur d’une unité psychiatrique. Marie-Christine Horn plonge au cœur du sujet en nous livrant brutalement l’origine particulièrement glauque des troubles ayant conduit une des patientes en ces lieux.
Le style est brut et dru, vivifiant, il martèle. Le reste du roman est de même mouture, il va à l’essentiel et capte l’attention du lecteur tout du long, après un bref préambule plein de panache, sur la vie de cette unité psychiatrique où rodent tous ces fous et leur «art»..
L’auteur décrit minutieusement chacun ses personnages, par petites touches. Ils côtoient et entourent Rozier en permanence, qui observe et saisit l’instant de ses vives supputations. Les autres protagonistes inoculent un certain suspense, notamment le fameux Nicolas Belfond, le responsable du service, homme volage s’il en est, qui gère assez mal son équipe, composés notamment de Luc et Matthieu, ses collègues et amis infirmiers et le service de nuit toujours quelque peu difficile à contrôler.
La scène de crime s’avérera finalement être la copie d’une célèbre œuvre d’art brut.
Alors, cet art est partout, il est l’âme et la force de ce puissant récit, son impressionnante raison d’être, et dit bien tout ce dont les hommes sont capables quand ils basculent du côté obscur. Le roman ne ménage pas ses effets pour traiter de l’influence positive de l’expression artistique pour les patients, et du rapport instinctif qui existe entre l’esprit et la création. Les douleurs survivent pourtant partout, et c’est encore un point capital du récit qui ne s’exonère pas d’explications farouches à ce sujet.
Ce polar est écrit dans une belle langue, avec des locutions originales et inventives, il ne lâche pas son intrigue, sait l’exalter, et tenir son lecteur en haleine. Rouzier et Belfond ne vont pas cesser de s’épier, puis de s’affronter, de se méfier l’un de l’autre : le cercle fermé du secteur de psychiatrie carcérale s’agite et en prend pour son grade, il faut bien le dire. Très bon livre, à découvrir sans tarder si ce n’est déjà fait.
Extrait :
«.. Après avoir payé la note et abandonné la lecture du journal, il était sorti du bar, décidé à tromper son énervement dans les boutiques de fringues. La musique qui s’échappait des haut-parleurs des magasins avait contribué à le détendre, à moins que ce ne fût la prévision de son proche rendez-vous. Il avait revêtu plusieurs tenues, indécis, ne sachant s’il devait renouveler ses goûts vestimentaires à la mode du jour ous se limiter aux bons vieux classiques Denim et coton, sweat à capuchon et ceinture en cuir. En définitive, il avait choisi de s’offrir l’ensemble des habits qu’il avait enfilés et s’était dirigé vers la caissière, attrapant au passage une dizaine de caleçons et des paires de chaussettes… »
Tout ce qui est rouge de Marie-Christine Horn
Roman – 383 pages
Editions l’Age d’Homme
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