Dis Maîtresse ! : une tendre réflexion sur l’Ecole de la République
Par Florence Yérémian – Géraldine Pochard est institutrice dans la commune de Vénissieux, au sud de Lyon. Responsable des Petites Sections, elle accompagne chaque année des enfants de moins de trois ans dans leur apprentissage scolaire. Cette première classe de maternelle est sans doute l’une des plus difficiles à gérer car les bambins sont fort jeunes et ils n’ont pour la plupart jamais quitté leur cocon familial.
Afin de rendre compte du travail et de la patience requise pour instruire ces tout-petits, le père de Géraldine a placé sa caméra à hauteur d’enfant et les a tout simplement suivi de septembre à juin.
C’est avec beaucoup de pudeur qu’il s’est immiscé dans le quotidien de ces bouts de chou. Filmant discrètement leurs joies, leurs peurs ou leurs hésitations, son reportage dépeint avec une grande bienveillance la progression journalière qu’ils effectuent collectivement à l’écart des bras maternels. Son regard plein d’affection se porte aussi vers Géraldine, sa propre fille, qui fait preuve d’une dévotion infinie envers cette gigantesque couvée: par delà la joie évidente que peut procurer le métier d’enseignante, ce documentaire ne met pas de côté l’impact physique et psychologique que peuvent avoir vingt huit petits vampires sur une maitresse et cela quel que soit le moment de l’année!
Tout parent qui se respecte sait en effet comment se passent les premiers jours d’une rentrée en maternelle : c’est un flot de larmes, de cris, de souffrance mentale et de gros chagrins. Durant le mois de septembre, l’enseignante va passer quasiment l’ensemble de ses journées à consoler et cajoler ses élèves tout en essayant de leur inculquer un moindre savoir. Pas évident lorsqu’il y a autant de petites mains à tenir, de nez à moucher, sans parler des fuites perpétuelles dans les pantalons ! Pas évident non plus de trouver les mots qui rassurent lorsque que la plupart des enfants, issus de quartiers populaires, ne parlent pas du tout le français.
Il faut donc s’armer de patience et tenter toutes sortes d’approches: artistique avec les ateliers peinture, musicale avec des chansonnettes et des comptines, sportive par le biais de parcours équilibriste… Tout est bon pour transmettre les prémices de la langue française à ces exigeantes petites éponges, même une visite à la Caserne des pompiers afin qu’ils puissent poser des questions et toucher concrètement les immenses camions rouges évoqués en classe.
Au fil des mois, les esprits se calment et les comportements changent. Presque tous les gamins gagnent en confiance et ils s’attachent tendrement à la maitresse. Par-delà l’apprentissage des premiers mots et de la motricité, cette dernière se doit également de leur inculquer l’autonomie sans parler de la notion de groupe. En effet, en venant en classe chaque matin, un petit enfant comprend progressivement ce que signifie « vivre ensemble » : ce n’est pas seulement jouer et s’amuser, c’est aussi partager, sociabiliser et tenter d’accepter l’autre avec ses différences.
Le film de Jean-Paul Julliand » Dis maîtresse ! » est émouvant car l’on voit ces petites sections se construire au fil des jour à travers des choses simples et infimes mais indispensables à leur développement : bien tenir un crayon est un noble exploit quand on a à peine deux ans et demi ! Tout comme le fait de reconnaitre les couleurs ou de savoir dire la date en public !
A travers ce documentaire sans prétention, on réalise à quel point le rôle d’une maitresse peut être important car selon son implication cette personne va poser les bases sociales et intellectuelles de nos enfants. A l’exemple de Géraldine Pochard, l’idéal est de mêler le plaisir de jouer à celui d’apprendre afin que l’instruction se fasse sereinement et en douceur. Ce n’est cependant pas toujours le cas des enseignants de maternelle car certains souffrent de la pression quotidienne et finissent par se désintéresser de leur mission éducative.
Dis Maîtresse? Une réflexion tendre qui mériterait d’être d’avantage explorée…
Dis Maîtresse!
Un film de Jean-Paul Julliand
Avec Géraldine Pochard, Aline Vaslet, Sarah Douzou et les enfant de l’école Anatome France de Vénissieux
2014 – 76 minutes
Sortie au cinéma : le 25 novembre 2015
www.dis-maitresse.com
Lire aussi :
Le Prophète : un conte poétique pour enfants philosophes
My skinny sister : un autre regard sur l’anorexie
En mai, fais ce qu’il te plaît : un film tissé d’amertume et d’émotion pastorale
Mon Roi : Autopsie d’une passion dévastatrice, le nouveau film de Maïwenn
Mune le gardien de la lune : une quête initiatique constellée de poésie