L’édition : un petit monde en ébullition

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Par Emmanuelle de Boysson – Les prix littéraires, les essais de la saison : le petit monde de l’édition est en ébullition. Il devra s’adapter au numérique et à l’auto édition, peut-être un jour, se passer des éditeurs.

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Cette année, les jurés ont du mal à accorder leurs violons. Ils étaient quinze dans la première sélection du Goncourt 2015. Ils ne sont plus que huit dans la deuxième. Les jurés n’ont pas retenu Christine Angot (évincée aussi du prix Fémina), Nicolas Fargues, Delphine de Vigan et Jean Hatzfeld. Encore en lice : Mathias Enard, Hédi Kaddour, Simon Liberati, Alain Mabanckou, Nathalie Azoulai, seule femme en compétition et, bien sûr, Boualem Sansal. Sur toutes les listes des grands prix, sauf au Renaudot, c’est l’homme de la rentrée. Gallimard se prépare à la timbale. La maison a d’ailleurs publié son œuvre en Quatro préfacée par Jean-Marie Laclavetine. Début novembre, on peut pourtant s’attendre a des surprises. Christine Angot devrait décrocher le Prix Décembre. Quant au Renaudot, Charles Dantzig, Eric Holder et Simon Liberati disparaissent de la sélection : on mise sur Christophe Boltanski. A moins que le jury choisisse de récompenser un auteur à succès : Delphine de Vigan. Le 26 octobre, le Prix Jean Freustié ouvrira le bal et pourrait couronner Eric Holder. L’Interallié vient d’accueillir deux nouveaux membres : l’académicien, Jean-Christophe Rufin, et le journaliste, Gilles Martin-Chauffier. Les deux ex-lauréats rejoignent le jury du prix aux fauteuils de Claude Imbert et d’Eric Ollivier, ce dernier étant décédé le 30 janvier 2015. Ils siégeront aux côtés de Philippe Tesson, président du jury, Éric Neuhoff, Jacques Duquesne, Stéphane Denis, Serge Lentz, Christophe Ono-dit-Biot, Jean-Marie Rouart, Florian Zeller ainsi que pour cette année, Mathias Menegoz, lauréat 2014, avec « Karpathia » (P.O.L).
Le mois d’octobre est celui des essais. A l’occasion de l’anniversaire des cent ans de Roland Barthes, Philippe Sollers publie au Seuil « L’amitié de Roland Barthes » dont il fut l’ami et l’éditeur dès les « Essais critique »s en 1964 et aussi dans la revue « Tel Quel ». Une trentaine de lettres et de cartes postales de Barthes à Sollers accompagnent ce témoignage. Paraissent aussi au Seuil deux cours de Barthes au Collège de France sur la préparation du roman. On y retrouve ce passeur que parodient Michel-Antoine Burnier et Patrick Rambaud dans « Le Roland-Barthes sans peine » chez Chiflet & Cie.

Le programme du Seuil est décidemment exigeant. La maison réédite les « Ecrits allemands, sermons, traités et poèmes » traduits en français de maître Eckart, illustre théologien, pasteur et philosophe mort en 1328 et les « Ecrits philosophiques et littéraires » de Freud préfacés par l’excellente Elisabeth Roudinesco. Avec celui d’Eric Roussel (Robert Laffont), deux autres essais paraissent sur Mitterrand : « Les derniers jours de François Mitterrand », de Christophe Barbier et « La promesse », d’Anne Lauvergeon (Grasset). « Le masque et la plume » fête ses soixante ans en novembre. Pour célébrer cet anniversaire, Jérôme Garcin, animateur et producteur de l’émission, raconte cette fabuleuse aventure sous forme d’un abécédaire dans « Nos dimanches soirs », (Grasset). Cet automne, plusieurs acteurs sortent des bios. Dans « Qui je suis », court récit écrit avec Christophe Bataille, Charlotte Rampling se livre, selon la formule, en toute « simplicité » (Grasset). « J’ai vécu dans mes rêves », avoue Michel Piccoli à son ami Gilles Jacob qui cosigne les souvenirs d’enfance de l’acteur inoubliable du « Mépris » et de « Max et les ferrailleurs ». Quant à Guillaume Gallienne, il commente et lit des textes d’Apollinaire, de Baudelaire et d’Aragon réunis dans un recueil au titre alléchant : « Ca peut pas faire de mal » (Gallimard). Eh oui ! Ecrire de la poésie, des thrillers, des romances, des fan fiction, des romans historiques, des essais, raconter des histoires ne peut pas faire de mal. Encore faut-il trouver un éditeur !
Etre publié, un vrai parcours du combattant. Après avoir travaillé pendant des mois, corrigé maintes fois son texte, reste à l’envoyer à des maisons d’édition accompagné d’une belle lettre. Commence alors l’attente, puis vient la déception : les lettres de refus lapidaires font mal – les éditeurs ne publiant qu’un infime pourcentage des manuscrits reçus par la poste. Afin que tous soient édités, des petits malins ont inventé un concept qui cartonne : l’auto-édition. A croire qu’aujourd’hui, on pourrait boycotter les éditeurs. Jetons un œil sur la pub des plus alléchantes du site : « La Rentrée des Indes » : « Grâce au développement des nouveaux outils d’autoédition sur Internet, de plus en plus d’auteurs décident de se passer d’un éditeur et de se prendre en main pour assurer la publication et la promotion de leurs livres. Parmi eux, certains ont déjà été publiés chez des éditeurs traditionnels et désirent expérimenter une nouvelle forme de publication, plus libre, plus rapide, permettant d’être plus proche des lecteurs. Par exemple, Gilles Pétel, qui a déjà publié plusieurs romans, deux aux éditions Fayard et trois autres chez Stock, explique : « Si j’ai choisi l’autoédition pour Exhibitions, c’est aussi en raison de la liberté qu’offre ce support : vous êtes seul maître à bord ». D’autres espèrent se frayer un chemin vers l’édition traditionnelle, comme Laure Lapègue, auteur du polar Mea Culpa. Enfin, il y a ceux qui choisissent de rester indépendants et qui misent sur une communication digitale pour toucher leur public. Jérôme Dumont, auteur de Rossetti & MacLane, une série policière ayant déjà séduit 10.000 lecteurs, en est l’exemple : « J’aime la liberté, la rapidité et le contact direct avec les lecteurs qu’offre l’autoédition ». Nous n’avons pas pu enquêter sur l’auto édition, mais apparemment, il suffit de choisir sa formule et de payer une participation aux frais de publication. Evidemment, ne comptez pas sur un avaloir ni sur les conseils d’un éditeur ou d’un correcteur. Sans garantie d’être en librairie ni d’avoir de la presse, il s’agit de se débrouiller, de miser sur les réseaux sociaux. Pour ceux qui ont peur de la page blanche, je vous conseille de suivre un atelier d’écriture ou de lire « L’atelier d’écriture. Leçons à un futur écrivain » de Bruno Tessarech, chez JC Lattès. Comment choisir entre le je et le il, l’art de l’attaque, le rôle des personnages secondaires, l’usage des carnets… Des rituels de Zola ou de Jules Renard à la trousse de dépannage d’Italo Calvino, en passant par l’espièglerie brillante de Stephen King, Bruno Tessarech puise dans les œuvres les plus magistrales et les réflexions des meilleurs auteurs de quoi guider notre plume et nous donner de l’assurance pour tenter l’expérience à la fois vertigineuse et grisante de l’écriture romanesque. En fin d’ouvrage, un lien permet d’accéder aux vidéos des ateliers d’écriture de cet écrivain qui les a animés dans le cadre de la fondation Bouygues Télecom. A lire aussi « Lettres à un jeune poète » de Rilke. Dominique Guiou, ancien journaliste du Figaro littéraire, a l’originalité d’être un vrai éditeur on line. Dans sa nouvelle maison, « Nouvelles lectures », il a crée une collection, « Duetto », essentiellement consacrée à la rencontre entre deux écrivains. Parmi ses ebooks, il publie, le 1er octobre, un « Duetto » consacré à Houellebecq : le témoignage d’Eve Chambrot, une groupie de l’écrivain maudit. Paraissent aussi un « Boris Cyrulnik » par Catherine Enjolet, texte d’une grande beauté sur un résilient par une enfant de la Dass et un « Nancy Mitford », signé par Stéphanie des Horts, puis une introduction à San-Antonio par Hubert Prolongeau. En novembre, le texte d’une autre fan, Laurence Grenier, cette fois de Proust. A propos du petit Marcel, un coffret « des manuscrits de la Madeleine », paraîtra aux éditions des Saints Pères, trois joyaux dans lesquels apparaissent les différentes étapes d’écriture de ce qui deviendra le passage le plus célèbre de la littérature du XXe siècle : l’épisode de la Madeleine. Le moteur secret de « La recherche du temps perdu ». Ces trois Cahiers inédits permettent de retracer la généalogie littéraire du moment le plus emblématique de l’univers proustien et de découvrir que la célèbre madeleine a d’abord été du pain grillé, puis une biscotte. Jean-Paul Enthoven, éditeur et écrivain, coauteur du « Dictionnaire amoureux de Proust » avec Raphaël Enthoven (Plon et Grasset, 2013), propose dans la préface de cette édition une plongée dans les coulisses de l’écriture de Marcel Proust. (Edition limitée 1000 exemplaires numérotés, Les Saints Pères).
Après le succès de « Charlotte », prix Goncourt des lycéens et prix Renaudot 2014, consacré à l’artiste juive Charlotte Salomon, David Foenkinos publiera son nouveau roman en avril prochain chez Gallimard. Entre comédie et polar, il y sera question d’un mystérieux manuscrit retrouvé. Le titre serait « La bibliothèque des livres refusés ». Une bibliothèque forcément gigantesque. On imagine la vengeance d’un auteur dont le texte a été rejeté par vingt maisons d’édition. Irait-il jusqu’à kidnapper un éditeur, mettre le feu à la maison ? Le manuscrit retrouvé dévoile-t-il un secret de famille ? Est-il empoisonné ? Toujours est-il que le vrai luxe est de posséder une bibliothèque.

Avant d’écrire, lire reste un des plus beaux plaisirs solitaires !

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