La Péniche L’eau et les Rêves : Voyage au centre de la mer

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Par Amélie Coispel – bscnews.fr/ Judith Rosa est libraire sur l’eau. Elle a fait le pari de créer une librairie à bord d’une péniche. Ici, pas de traversées, mais des voyages. Au pays des livres, entre imaginaire et réalité, on se jette volontiers à l’eau pour dévorer quelques livres.

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Le concept d’une péniche libraire est très original. Comment est né le projet ?
Nous sommes deux à l’origine de ce projet de librairie flottante sur le thème de l’eau et du voyage. Didier est marin professionnel, passionné de mer et de bateaux et je viens du monde des livres. Nous avons eu envie de réunir ces univers parce qu’ils vont bien ensemble. Le bateau invite à larguer les amarres, à avoir une perception très différente du temps, à la lenteur. Je pense que ce sont des sensations particulièrement propices à la lecture.

Comment fonctionne la librairie ? Etes vous amarré toute l’année au même endroit ou est-ce itinérant ?

Même si l’idée parait très séduisante, nous avons renoncé à être itinérants car ce serait trop compliqué d’un point de vue administratif. Nous avons un anneau d’amarrage Quai de L’Oise dans le 19ème arrondissement, mais sommes obligés de quitter les canaux 45 jours par an.

Les livres que vous vendez sont exclusivement sur le thème de l’eau, de la mer, du voyage. Si vous deviez citer des oeuvres qui vous ont inspiré dans la création du concept, qui ont marqué votre voyage initiatique maritime, quelles seraient-elles ?

Pour ce qui concerne le marin du projet, les récits d’exploits maritimes comme Fortune de mer de Jean Noli et Olivier de Kersauson, ou Une fois suffit de Miles Smeeton, l’ont toujours accompagné. Et puis évidemment il y a les livres de Conrad, Stevenson, London, Defoe ….
Parmi les œuvres actuelles je dirais Entre Ciel et terre de Jon Kalman Stefansson qui nous transporte en Islande au début du siècle dernier, dans un village de pêcheurs à la morue où l’âpreté du paysage et du climat, le rituel du départ pour la pêche et un marin éperdu de poésie nous laissent le souffle court. C’est un texte aussi puissant que poétique que j’ai lu au moment où se dessinait le projet…Enfin parmi les récits de voyages, de façon plus générale, la beauté et la profondeur qu’on trouve dans L’Usage du monde, de Nicolas Bouvier, laissent forcément une trace.

Si j’entrais dans votre péniche, quels livres me conseilleriez-vous dans les dernières parutions ?

Plusieurs choses, d’abord, si vous vous intéressiez à l’histoire : Un rescapé de La Méduse : Mémoires du capitaine Dupont, 1775-1850 commenté par Philippe Collonge, aux éditions La Découvrance. Philippe Collonge, féru d’histoire, a retrouvé le manuscrit de ces Mémoires auprès des descendants du Capitaine Daniel Dupont, capitaine d’infanterie qui à la fin de sa vie, a relaté 25 années de sa carrière militaire, de la Révolution à la Restauration. Ces Mémoires sont solidement étayées par les commentaires de Philippe Collonge, et la deuxième partie du livre, consacrée à la Méduse offre un témoignage inédit et passionnant sur la tragédie. D’ailleurs, Le 16 avril dernier, Philippe Collonge est venu présenter son livre et lire quelques extraits de l’ouvrage lors d’une soirée dédiée à la Découvrance, éditeur de choix dans le domaine de la mer et du voyage. Et puis un très beau roman : Le Bateau-Usine du japonais Takiji Kobayashi. Ecrit en 1929, Le Bateau Usine a été traduit en français par Evelyne Lesigne-Audoly et publié en 2009 par les éditions Yago. Les éditions Allia viennent de le rééditer. C’est un roman militant : Takiji Kobayashi disparaît à 30 ans, sans doute torturé à mort par la police, à peine quelques années après la parution du livre qui fut censuré puis interdit. Ce roman raconte l’histoire d’un bateau gigantesque affrété dans le Pacifique, sur la mer d’Okhotsk, pour la pêche intensive et la mise en conserve du crabe. Inspiré de faits réels, il décrit l’enfer au quotidien : la violence des rapports entre les hommes, les conditions de vie inhumaines, les maltraitances subies par les marins et les ouvriers à bord du navire … Les descriptions y sont hyperréalistes, d’une crudité sans concession, et d’une impitoyable efficacité. Ce livre nous transporte au cœur d’une masse humaine presque indifférenciée, éreintée et taiseuse. Le roman est l’histoire de la colère qui monte, de la mutinerie. Par la grâce du talent littéraire, c’est aussi un roman sobre et lyrique dont la beauté formelle contribue autant que le sujet à bouleverser le lecteur. Enfin, dans un tout autre domaine Hommes à la mer ( l’interview du BSCNEWS ICI) , de Riff Reb’s, une BD librement adaptée de huit histoires noires de Conrad, Mac Orlan, Edgard Poe, Stevenson, Victor Hugo ……Des dessins au trait aussi noir et fort que les récits qu’ils illustrent.

En parallèle, vous organisez aussi des expositions de photos, des lectures rencontres. Est-ce toujours en rapport avec ces thèmes de l’eau ou ouvrez-vous ces événements à d’autres thèmes ?

En principe, nous essayons de rester fidèles à ces thèmes, mais il nous arrive de faire des exceptions quand un livre ou le travail d’un artiste nous intéressent.

Vous partagez cette péniche avec l’association Péniche L’eau et les rêves, qui a pour vocation de sensibiliser chacun à la préservation de l’eau et des océans. En tant que librairie, comment vous investissez-vous dans votre démarche ?

Le livre est un bon moyen pour sensibiliser, aussi bien directement qu’indirectement. Pour vous donner un exemple, nous recevons dans quelques jours une classe de CE1 qui travaille depuis le début de l’année sur la question de l’eau. Nous avons axé la visite sur le thème de la vie sur l’eau et plus particulièrement à bord d’une péniche. Autour d’un très joli album, La Princesse de neige, de Pascal Nottet et Stéphane Girel, (Pastel/ Ecole des Loisirs), qui raconte une histoire d’amour entre un fils de marinier et une petite terrienne, nous organisons une exposition avec lecture et séquence pédagogique (projection photo de la péniche librairie en navigation et dans les écluses, vocabulaire, repérage des différentes parties du bateau). C’est une petite contribution à travers le livre et qui fait partie d’un tout.

Péniche l’Eau et les Rêves
3 Quai de l’Oise – 19ème arrondissement de Paris
Ouvert du mercredi au dimanche de 13h00 à 19H00

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