52nd Street : rêveries et adolescence en Cinémascope

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Par Felicia Sideris – bscnews.fr / Mat, adolescent de 15 ans, vit dans le Queens des années 50 et s’ennuie de sa vie morose, de son quotidien sans saveur ni rebond. Attaché autant à son père, conducteur de taxi, qu’à sa grand-mère Anita, il n’a malgré tout qu’une envie : partir. 52nd Street est l’histoire de ce garçon, ou plutôt de la seule journée, extraordinaire et invraisemblable, qui changera à tout jamais sa vie.

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Tout commence avec un rêve : celui dont se rappelle le jeune homme lorsqu’il est réveillé par les cris de douleurs de son père qui s’est brûlé avec du café. Il s’imaginait à Rio, entre odeurs de café et couleurs flamboyantes, mais le voilà revenu dans la grisaille de Queens. Pourtant, une bonne surprise l’attend lorsqu’il descend dans le salon. Une fois installé à table, son père lui offre un caméra super 8 pour son anniversaire. Grand pensif et jeune cinéphile, il choisit avec prudence le décor pour ses premiers clichés. C’est évidemment à Manhattan, le quartier où il est possible de croire en ses rêves les plus fous, lieu de rencontres des stars de cinéma, et univers aux allures paradisiaques sous un manteau de neige, qu’il se rend. S’ensuit donc une série de descriptions, du voyage en train jusqu’au pavé de Broadway, que l’auteur dépeint avec simplicité. Son écriture permet de créer des représentations visuelles très précises dans l’esprit du lecteur tout en lui laissant une grande liberté d’imagination. Ce dernier se trouve alors plongé dans un New York tout droit sorti d’un film avec Audrey Hepburn.
La caméra devient le nouvel oeil de Mat, elle lui procure un regard inédit sur les petites choses du quotidien. Emmanuel Solotareff, l’auteur, vient d’une famille d’artistes et il s’est énormément intéressé au cinéma. Il place dans cette oeuvre ses petites pensées sur le 7° art à travers celles de son protagoniste. « Personne n’est plus proche de l’image qu’on se fait de Dieu que l’homme à la caméra ». Il décrit Mat comme un « homme à la caméra », référence au fameux film de Dziga Vertov, inventeur du concept de « ciné-oeil », c’est-à-dire du cinéma comme révélateur de réalités invisibles dans un quotidien qui ne laisse aucune place à la contemplation. C’est ainsi que Mat se décrit, il s’imagine comme un « dieu cyclope » qui voit enfin les détails de la vie que tout le monde oublie. Il voit les poubelles remplies et les fissures des trottoirs comme des éclats de couleurs. Cette caméra devant son oeil lui permet de se perdre dans des rêveries éveillées et il fera alors une rencontre invraisemblable. Au détour d’une rue, il va croiser June Landi, l’actrice qu’il adore et idole et qu’il va tenter de filmer. L’auteur fait croire à une histoire d’amour impossible entre cette star d’Hollywood et le jeune adolescent timide et introverti. Il s’en sert pour dévoiler avec générosité les réflexions les plus intimes de son personnage. Cette journée est le passage, en accéléré, du début à la fin de l’adolescence.
En une journée, et en un roman, l’écrivain fait un panoramique des thématiques qui hantent les esprits des adolescents : la sexualité, l’amour, la recherche de sa propre personnalité, les idées qui émergent sur l’art et le monde, les songes incessantes et l’envie de partir. A seulement 32 ans, l’auteur a encore en tête toutes ces réflexions et il restitue ainsi avec justesse les tourments du passage de l’enfance à l’âge adulte. Il illustre sans faute la vitalité et la fantaisie de cette jeunesse et parvient à ne pas sombrer dans une littérature adolescente trop sentimentale aux banalités dépourvues d’intérêt et aux clichés insupportables. A la fin de la lecture, on se sent bouleversé d’avoir fait un saut en arrière, d’avoir ressenti les tourments du jeune Mat.
Le cinéma, le viseur de la caméra, Broadway et l’adolescence, quatre thématiques du livre qui ont toutes un point commun : leur capacité à inciter le rêve. Du début du roman jusqu’aux dernières lignes, l’histoire n’est en fait qu’une grande rêverie dans laquelle se plonge le lecteur. Après s’être imaginé à Rio, Mat passe une journée idéale et à la fin, il attend à la gare de Grand Central que June le rejoigne, en rêvant des mille lieux qu’ils découvriront ensemble. C’est donc avec un style et un rythme d’écriture cinématographique et avec des phrases courtes, qui tendent plus à des descriptions esthétiques qu’indicatives, qu’Emmanuel Solotareff arrive, dans cette première oeuvre, à faire rêver le lecteur autant que son personnage.

Un roman adolescent à conseiller à tout ceux qui ont la tête dans les nuages !

52nd Street de Emmanuel Solotareff
Date de parution : Avril 2014
Editeur : Éditions de La Martinière
Prix : 14,90 €
A partir de 16 ans

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