Imitation Game: un superbe éloge à Turing, le premier hacker de l’histoire

par
Partagez l'article !

Par Florence Gopikian Yérémian – bscnews.fr/ Durant la seconde guerre mondiale, la Grande Bretagne a fait appel au scientifique Alan Turing pour percer le code Enigma permettant aux Nazis de communiquer secrètement leurs informations militaires. Petit prodige des mathématiques, Turing s’est entouré d’une bande de cryptographes surdoués avec lesquels il a mis près de deux ans pour concevoir une machine programmable apte à décoder des milliards de combinaisons. Grace à ce cerveau électrique fait d’une foule d’engrenages et de rotors, on estime que cet inventeur a permis d’écourter la guerre de deux ans et sauvé des millions de vies. Combattant de l’ombre, il n’a cependant pas été apprécié à sa juste valeur par la couronne d’Angleterre qui s’est focalisée sur son homosexualité et l’a stupidement condamné à une castration chimique. Par delà le très beau portrait consacré à cet être d’exception, le film de Morten Tyldum dénonce la rigidité d’une société conservatrice qui n’a pas su se défaire de ses préjugés: l’Angleterre a ainsi persécuté et poussé vers la mort un génie dont la machine peut aujourd’hui être considérée comme l’ancêtre de nos ordinateurs!

Partagez l'article !

Le scénario d’Imitation Game se déroule sur trois temps décisifs de la vie de Turing: son enfance précoce et martyrisée vers 1930, ses activités secrètes au sein du village anglais de Bletchley Park, et ses dernières années en tant que professeur à l’Université de Cambridge où il se retrouve condamné pour attentat à la pudeur. En superposant ces époques, le réalisateur norvégien Morten Tyldum nous laisse découvrir le vrai visage d’un homme surdoué mais incompris. Remarquablement interprété par Benedict Cumberbatch, Turing n’est pas sans rappeler la prestation de Russel Crowe dans le film « Un homme d’exception » consacré au mathématicien schizophrène John Nash. Dans Imitation Game, Cumberbatch joue moins sur l’émotion et construit son personnage autour d’une intelligence supérieure doublée d’une arrogance persiflante. La tête penchée à la « rain man », ce misanthrope hyper sensible nous séduit par ses maladresses, ses absences autant que par son humour involontaire. Afin d’agrémenter cette performance toute en nuances, la charmante Keira Knightley joue les mathématiciennes avant-gardistes à ses côtés. Derrière ses dents cristallines et son sourire toujours aussi pétillant, l’actrice confère au rôle de Mlle Joan Clarke une maturité plutôt inédite au sein de son séduisant répertoire cinématographique.
Au delà du scénario principal qui nous montre l’énergie déployée par des savants pour venir à bout d’un code secret nazi, ce film s’élève contre toute une panoplie de codes sociaux ayant mis des années à être cassés. Il dénonce d’une part la misogynie et l’homophobie propre à la société britannique de l’après-guerre mais il souligne aussi l’incompréhension générale – et toujours actuelle – à l’égard des génies. A travers quelques clins d’oeil certainement volontaires à Steve Jobs, le réalisateur gratifie le concept du « Think Different » et s’oppose avec force à toutes les conventions. Par le biais d’un glorieux épisode de la seconde guerre mondiale, il demande ainsi à chacun d’être respectueux envers les surdoués qui, par delà leurs sublimes neurones, sont également des êtres humains.
Parallèlement à cette réflexion sur la normalité, Imitation Games, rend enfin un hommage à l’informatique et à l’intelligence artificielle grace à laquelle l’homme d’aujourd’hui peut si facilement vivre et communiquer. Bien qu’on aimerait en savoir un peu plus sur le fonctionnement concret de la Machine de Turing, on se laisse définitivement séduire par la figure fascinante et tragique de ce premier hacker de l’humanité qui parvint à détrôner Adolf Hitler en personne!
Imitation Game ? Une leçon d’histoire et de normalité superbement interprétée.

Imitation Game
De Morten Tyldum
Avec Benedict Cumberbatch, Keira Knightley, Mark Strong, Matthew Goode, Charles Dance
Sortie nationale : le 28 janvier 2015


Imitation Game
Imitation Game Teaser VOST

A lire aussi:

Retour à Ithaque : un huit clos à ciel ouvert

Mary, Queen of Scots : Portrait ambivalent d’une triple reine

Une nouvelle amie: chronique d’un deuil pas comme les autres

Quand vient la nuit : l’admirable Tom Hardy dans un conte urbain noir dérangeant

Les opportunistes : le portrait d’une Italie vénale et jamais satisfaite

Gone Girl : la dissection post-mortem d’un mariage au goût d’inachevé

La légende de Manolo : un conte folklorique sur les airs de Placido Domingo

Laissez votre commentaire

Il vous reste

0 article à lire

M'abonner à