607, Le nombre Premier

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Par Sophie Sendra – bscnews.fr/ Comment parler de la rentrée littéraire 2014 ? Il est évident qu’il faudrait parler des auteurs, des ouvrages, résumer ces derniers. Pourquoi y-a-t-il une rentrée littéraire alors que toute l’année scolaire – et non civile – verra des petits bijoux apparaître : des romans, des essais, des polémiques ? Septembre et octobre sont des mois cruciaux pour les auteurs et les maisons d’édition. En cause ? Les prix littéraires. Décrocher le Graal, comme au Moyen-Age, lors de séances autour d’une table ronde, voilà le leitmotiv. Si nous prenons le nombre 607 – qui est celui représentant les publications de cette rentrée – on peut constater qu’il s’agit d’un nombre entier. Certes cela ne change pas la donne. Mais pour faire preuve d’imagination et d’analyse, pour ne pas écrire ce que vous trouverez partout ailleurs, dans tous les autres médias, il est possible de « dire » autre chose, autrement, pour vous aiguiller sur ce qui se trouve au sein de ces 607 ouvrages.

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À la page 607

Un peu de curiosité suffit pour découvrir que 607 fait partie des 1000 premiers nombres premiers. Coincé entre 601 et 613. Ce nombre est également une page, celle du dictionnaire Petit Larousse en couleurs, édition de 1972. Certes il a plus de 40 ans, mais il est invariable, car les mots ne changent pas de définitions, ce qui change c’est le nombre – encore – de mots offerts à notre culture, à notre vocabulaire. À la page 607 de ce dictionnaire, on découvre qu’il s’agit de la lettre N. Incroyable, cette page datant de 1972 parle de cette rentrée littéraire 2014 ! Bien entendu, il faut lire entre les lignes, car le Petit Larousse est un Grand cachottier, il dissimule aux moins avertis d’entre nous les véritables significations des mots qu’il nous propose. Il suffit de voir à quel point les définitions invitent à nous faire découvrir les contenus de cette cuvée foisonnante. La rentrée littéraire fait Naître de nouveaux auteurs, 75, au total 404 auteurs français et 203 auteurs étrangers. Naïvement il était possible de croire qu’il allait y avoir des surprises. Pas du tout : Amélie Nothomb, David Foenkinos, Frédéric Beigbeder, Eric Reinhardt, Thomas Pynchon, Alice Munro. D’autres s’ajoutent à cette liste de noms connus, mais il est possible de parier qu’il n’y en aura que pour eux sur les plateaux de télévision, les radios, les Magazines. Autour des polémiques, des critiques, des donneurs de leçons d’écritures et de styles, il y aura sans doute de quoi alimenter l’audimat. Mais combien y-a-t-il d’auteurs de par le monde qui écrivent, se font publiés dans des maisons d’édition peu connues du grand public, combien de talents qui ne sont pas comptabilisés dans ce nombre premier « 607 » ? Ce nombre dépasse certainement ce que nous pouvons imaginer, donnant au nombre « 607 » le rang qui lui est dû, celui d’une Nano représentation. Il ne resterait pas un « nombre premier », mais serait le résultat d’une division par un milliard de ces auteurs talentueux.

Le Naos, cœur du Temple

Cet événement qu’on appelle Rentrée littéraire est devenu au fil du temps le Naos de tout éditeur, de tout auteur. Si vous n’y êtes pas, vous avez raté votre rentrée, comme un mauvais élève arrivé trop tard le premier jour d’école. Ça fait « mauvais genre » ! Sinon, il y a le reste de l’année, comme si c’était une sorte de « plat du pauvre ». Tout le monde court pour manifester son Narcissisme, cet amour morbide de sa propre personne. Pourquoi « morbide » ? Parce qu’il devient presque suicidaire de vouloir se mirer sur toutes les couvertures de journaux, de se regarder se faire descendre par les critiques dans des shows bien organisés à l’avance. Les auteurs ne veulent pas louper cela, et les petits nouveaux découvrent ce monde en se délectant d’abord, en se désespérant ensuite. Tombés en Narcolepsie, les auteurs en sommeil d’idées donnent dans l’historique, dans les personnages ayant existé : Patrick Deville, Christopher Donner, Frédéric Beigbeder, David Foenkinos. Ou alors ils s’inspirent d’eux-mêmes en parlant de romanciers, d’auteurs qui écrivent, qui racontent leur vie, leurs pensées, un « eux » en miroir, une autobiographie sans en être une : Jean-Marie Rouart, Dany Laferrière, Catherine Cusset, Amélie Nothomb, Bernard-Henri Lévy. Peut-être s’agit-il d’une édition 2014 qui prend un air tout Narquois, ruse et moquerie littéraire au programme peut-être ? Pourtant la littérature c’est bel et bien l’Art de la Narration ?! Si celle-ci commence à ressembler au Narthex, ce portique élevé sous lequel se tenaient les catéchumènes, il faudra attendre longtemps avant que ces non-néophytes reçoivent le baptême au sein de la basilique de l’imagination.

S’il fallait conclure

Les termes employés ici parlent bien de cette rentrée littéraire 2014. Tel un médium, un Nostradamus des temps modernes, Le Petit Larousse en couleurs de 1972 avait vu, perçu, ce que serait la tonalité d’un événement comme celui-ci. Il est des mystères qui restent entiers, car je ne décèle pas le message que véhicule le mot Narval, qui se trouve en bas à droite de cette page 607 du dictionnaire. Savez-vous que le Narval possède une corne dite « corne de licorne » et que cette défense servait, au Moyen-Age, de pierre d’épreuve pour révéler la présence de poison dans les mets ? Et bien, moi non plus… peut-être que cela veut dire qu’il faut se méfier en permanence des plats qu’on nous sert, il peuvent nuire à ce qui devrait normalement être exquis.

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