Madame Diogène : quand la folie et la solitude l’emportent…

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Par Julie Cadilhac/ Illustration d’Arnaud Taeron pour le bscnews.fr/ Madame Diogène vit dans un appartement citadin dont elle ne sort plus. Peu à peu, son repaire – d’où elle observe avec curiosité ses congénères évoluer dans la rue en contrebas – est devenu si insalubre que les blattes et les rats ne font même plus l’effort de se cacher en sa présence. Le sol est jonché d’immondices formant une épaisseur telle que la vieille dame se déplace dans son habitat comme dans un labyrinthe. Madame Diogène n’a plus toute sa raison; ses souvenirs se mélangent et la solitude a aidé sa folie à gagner du terrain. Aujourd’hui encore  » Le Gros », M.Zaraoui, est venu tambouriner à sa porte pour se plaindre de l’odeur qui émane de chez elle. Elle s’est tapie dans l’ombre en attendant qu’il s’en aille… mais elle sait que quelque chose se prépare et qu’on va la contraindre à quitter son cocon protecteur d’ici peu…peut-être même ce soir?

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Le premier roman d’Aurélien Delsaux est à féliciter. On y découvre une plume sensible et fine qui décrit le quotidien de la folie avec autant de pertinence que de poésie. Cette fiction soulève avec délicatesse mais efficacité de nombreuses questions de société. Elle a l’intelligence, par ailleurs, de ne pas montrer un monde manichéen où la vieille dame serait une victime et les autres protagonistes des monstres d’incompréhension car elle évoque aussi la réalité des proches et leurs conflits intérieurs, celle des assistances sociales qui sont en première ligne et auxquelles peu de moyens d’action sont donnés … et celle des voisins qui réalisent que leur appel à l’aide se heurtent face à un mur administratif, législatif qui leur renvoie leur impuissance.
Un livre « sombre » que l’on offrira donc à qui saura faire la part des choses.

« Soudain, elle tremble, elle voudrait se cacher. Elle se tasse, rampe en arrière. (…)
Elle tend ses vieilles jambes molles, tord ses vieux bras maigres. Elle, elle veut garder cette forme d’arbre noueux, de chêne tordu ou d’olivier centenaire que parmi les humains prennent les vieillards.
Autrefois (elle ne sait plus quand), autrefois dans ses journées trop pleines, dans ses jours pénibles qui n’étaient qu’une longue liste de tâches effectuées, mentalement cochées une fois qu’elles étaient accomplies pour la seule satisfaction de supérieurs toujours insatisfaits, gloutons, ogres – elle rêvait, rentrant ici, de dévisser sa tête de son cou, de la prendre sous son bras, de la pouvoir déposer sur la terre, ou de la confier au repos d’une machine, qui laverait, adoucirait, qui réchaufferait . »

Madame Diogène
Aurélien Delsaux
Editions: Albin Michel
Prix: 13,50€
144 pages
Parution: 21 août 2014

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