Célimène et le Cardinal? Attention: « pièce précieuse »!!

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Par Florence G. Yérémian – bscnews.fr/ La pièce, mise en scène par Pascal Faber, prend place dans un somptueux salon. Parmi les roses blanches et les tentures cinabres déambule Célimène, le teint clair et fragile comme une porcelaine. Assortie à son écrin équivoque, elle possède une beauté candide mais un charme véniel apte à convertir même un homme d’église.

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Voici justement Alceste qui fait son entrée. Vingt années ont passé et ce cher misanthrope a troqué sa solitude contre un imposant galero de Cardinal. Paré de pourpre, il déploie prétentieusement son titre et joue les hautes éminences devant le quotidien insipide de son ancienne amante. Dissimulé derrière sa pompeuse robe de prélat, se devine cependant une faille chez cet homme de Dieu: l’amour qu’il portait à Célimène ne s’est jamais tari. Mais que diable est-il donc venu chercher auprès de sa maitresse d’antan? L’inquisiteur souhaite-il se venger ou attiser de nouveau le feu de son unique passion?
Au fil de leurs paroles, la connivence s’installe. Le passé fait surface, les regards se prolongent, et la flamme se rallume. Dans ce jeu amoureux, la tension est palpable car aucun des amants n’est plus libre à présent. Les mains se frôlent, le désir s’accroit mais la frontière est là qu’il ne faut plus franchir…Frustrés dans leur ego, ce couple malheureux apaise sa douleur par de cinglants aveux. Traitant Célimène de catin, Alceste la met à confesse. Taquine et obstinée, elle fustige sa mollesse et s’en prend au clergé. Le dialogue tourne à la confrontation : mélange d’amour et de haine, de vice et de vertu, il est évident que ces êtres se désirent encore mais leur fierté est bien trop grande pour oser se l’avouer, quitte à laisser passer encore bien des années…
C’est avec élégance et subtilité que les deux comédiens mettent en voix le magnifique texte de Jacques Rampal. Tout au long de la pièce, les dialogues fusent, les apartés se croisent et l’humour ponctue délicieusement cet épique duel amoureux. Avec son visage d’ange et ses paroles courtoises, Gaëlle Billaut-Danno compose une Célimène persifleuse et précieuse qui n’hésite pas à se moquer de son cardinal malgré la tendresse qu’elle lui porte. Découvrant sa nuque de pénitente autant que son verbe insolent, ses réparties sont un régal pour tout spectateur avide de belle prose. Face à elle, Pierre Azema nous offre un cardinal misogyne et bouffi d’orgueil qui s’amuse à jouer les bourreaux mais se rend bien vite compte qu’il est lui même martyr.
Derrière son imposante stature et sa riche soutane, cet Alceste vieillissant n’est plus aussi sincère que le vertueux Misanthrope de la pièce de Molière. Au fil des années, l’hypocrisie du grand monde l’a rongé tout autant que le doute. Célimène, de son côté, ne possède plus cette frivolité médisante qui seyait si bien à sa jeunesse. En épouse bourgeoise, elle s’est fort assagie. C’est donc avec justesse que la mise en scène de Pascal Faber confère une amertume et une patine douce aux célèbres personnages de Jean Baptiste Poquelin. En venant voir cette pièce, ne cherchez point à retrouver de fringuants tourtereaux car ils ont pris leur âge. Il n’en reste pas moins une voluptueuse histoire de désir où l’esprit et la grâce comblent notre plaisir

Célimène et le Cardinal
de Jacques Rampal
Mise en scène : Pascal Faber assisté de Bénédicte Bailby
Avec Gaëlle Billaut-Danno et Pierre Azema

Théâtre Michel
38, rue des Mathurins – Paris 8e
Location: 0142653502 – 0892683622

A la Comédie Bastille
5, rue Nicolas Appert – Paris 11e
Métro Richard Lenoir ou Chemin Vert

Jusqu’au 27 juin 2015
Du mardi au samedi à 19h30
Réservation: 0148075207

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