Drew Tobia

Drew Tobia : une comédie noire surprenante

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Par Candice Nicolas – bscnews.fr/ Pour sa troisième édition, le Festival de cinéma Franco-Américain – le Champs-Elysées Film Festival – a ouvert les portes de sept salles des Champs-Elysées : Le Balzac, Gaumont Ambassade, Gaumont Marignan, Le Lincoln, MK2 Grand Palais, Publicis cinéma et UGC George V, du 11 au 17 juin 2014. Un des films indépendants américains qui a retenu toute notre attention est celui du réalisateur Drew Tobia, « See You Next Tuesday », qui sortira en France sous le titre de « Mona, Mona, Mona », le prénom de la protagoniste, en décembre prochain.

propos recueillis par

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Mona (Eleanore Pienta) est une jeune femme enceinte jusqu’aux yeux, et complètement bizarre, mi-drôle, mi-effrayante, qui porte des vêtements plus hideux les uns que les autres et jure comme un charretier. Elle est caissière dans une supérette, vit dans une chambre délabrée avec salle de bains et toilettes sur le palier. Sa mère May (Dana Eskelson) est une ancienne alcoolique qui n’a pas du beaucoup s’occuper de l’éducation de ses deux filles. Jordan (Molly Plunk) est, elle, en couple avec Sylve (Keisha Zollar), sa petite amie qui l’entretient, et n’adresse plus la parole à sa mère depuis des années. En quelques heures la routine de Mona déraille, elle perd son travail, son logement, se dispute avec sa mère et débarque chez sa sœur… Ce film est surprenant de par son énergie et son dynamisme, et malgré tout, sa noirceur. En effet, « See You Next Tuesday » est loin d’être la comédie hilarante à laquelle on s’attend après avoir vu la bande annonce. On rit certes, mais on grince aussi des dents. Les personnages complètement loufoques, décalés, sont aussi très vrais, très durs, très forts. On sombre avec eux, et on voudrait que la spirale s’arrête. Cette comédie noire est un petit bijou qui fait réfléchir !

Interview avec Drew Tobia

Drew, parlez-nous de votre filmographie et de votre parcours.
Je suis allé à Boston College pour mes études de cinématographie, j’ai bien sûr réalisé plusieurs courts-métrages, mais là, c’est mon premier long.

Comment est venue l’idée de ce personnage hallucinant de Mona ?
Eleanore en est à l’origine. Elle est artiste photographe, et elle s’amusait à prendre des photos d’elle grimée en femme enceinte armée d’une tapette à mouches. La série de photos m’a beaucoup inspiré et je lui ai dit, « Attention ! Je vais en faire un film de ta folledingue ! »

De quoi vouliez-vous parler dans ce film ?
De la violence des relations familiales, ou personnelles, du processus cathartique qu’il faut effectuer pour les traverser !

Et cette violence, elle se transmet par le langage ?
Oui, Mona est atroce dans sa façon de parler. Je parle assez bien français et j’ai trouvé que les sous-titres étaient très inférieurs en intensité à ce que mon personnage dit vraiment en anglais quand elle est énervée ou cède à une crise par exemple. Et il y a quelques scènes de dispute qui en vont presque aux mains aussi. La violence est intérieure, mais elle doit sortir d’une manière ou d’une autre !

Une question qui me brûle… Où sont les hommes ?
Pourquoi ? Qui a besoin d’eux ? (rires) Je ne sais pas, ce n’était pas forcement calculé. D’ailleurs le personnage de Jordan a été écrit pour un ami à moi, il aurait été le petit frère gay. Puis il n’était pas disponible et j’ai alors repensé la personnalité de Jordan pour Molly.

Vous ne vouliez pas spécialement faire un film de femmes, pour les femmes, ou sur les femmes ?
Non, pas vraiment, mais je suis content que cela donne ce résultat, il n’y a pas assez de rôles intéressants pour les femmes dans le cinéma indépendant. Les femmes fatales c’est bon pour Hollywood !

Ici, elles ne sont pas forcément mises en valeur, qu’est-ce qui leur est arrivé ?
Ce sont des femmes normales, de vraies femmes, drôles et dramatiques, qui sont abîmées par la vie et qui agissent bizarrement pour les autres parce que la société est critique et inadaptée à l’originalité. May est une ancienne alcoolique, peu importe ce qu’elle a fait subir à ses filles puisque les deux sœurs réagissent de manière diamétralement opposée, l’une ne peut pas se passer de sa mère et l’autre ne lui adresse plus la parole. On peut imaginer qu’elle ne s’est pas occupée d’elles, qu’elle était égoïste, peut-être violente. Qui est le père du bébé de Mona ? Est-ce important ? Où est le père des filles ? Pareil, on se passe de lui.

Que pouvez-vous nous dire de l’écriture puis du tournage ?
J’avais envie d’écrire quelque chose de sale et de drôle. Le script est venu facilement et les acteurs s’y sont plutôt tenus, il n’y a pas trop eu d’improvisation ici. On a tourné à Brooklyn en janvier 2012 pendant trois semaines. L’hiver était plutôt clément, ce qui était bien pour les acteurs, moins intéressants pour l’effet que j’aurais voulu donner. Je voulais qu’ils soient tous complètement gelés, énervés davantage les uns contre les autres. Et on n’a eu l’occasion de faire beaucoup de répétitions, cela coûte cher. À mon avis les répétitions sont importantes, une ou deux semaines, cela aurait été parfait !

Ce film sera en France en décembre, mais il a déjà fait le tour du monde, non ?
Oui, Mona a mis du temps à arriver à Paris ! La Première a eu lieu à Chicago le 1er mars 2013 au Festival Underground. Puis le film est allé de festival en festival à Hambourg, à Londres, et même en Corée, où il a été très bien reçu.

Et votre prochain film, il est en cours ?
Il est déjà en mûre réflexion, oui (rires). J’écris quelque chose qui nécessitera un plus gros budget ! Mais ce qui est primordial pour moi ce sont les personnages, les acteurs, les caractères. Les trucs visuels, les éclairages, sont vraiment secondaires, si on les a c’est la cerise sur le gâteau, mais pourquoi faire un film pour le visuel ? Autant faire des clips !

Votre film est un vrai régal visuel ! Les vêtements, les couleurs, on est avec Mona dans son univers psychédélique. Mais je n’ai pas ri autant que je m’y attendais ! Pourquoi, c’était trop bête ?
Non pas du tout, c’était trop dramatique ! L’affiche et le synopsis font croire à une comédie, mais c’est une comédie assez noire ! Oui, une comédie sur la vie en fait !

See you next tuesday
de Drew Tobia
Avec Eleanore Pienta, Dana Eskelson, Molly Plunk, Keisha Zoller…
82 minutes
Comédie dramatique

En décembre 2014 dans les salles françaises.

Crédit photo : See You Next Tuesday LLC

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