» Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or »

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Par Julie Cadilhac – bscnews.fr/ Ce n’est plus un secret pour personne: Blast est une œuvre magistrale et puissante en premier lieu parce que Manu Larcenet y a réussi le tour de force de provoquer de l’attachement pour un personnage a priori repoussant.

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Manzini Polza est responsable de plusieurs meurtres commis avec une sauvagerie primitive mais sa fascination pour la poésie de l’univers et sa spiritualité singulière en font un être à part que l’on craint tout autant qu’il nous fascine. Et en voilà une idée bien dérangeante en effet! D’ailleurs même les deux flics qui l’interrogent depuis le début subissent cette même attraction, étrange et morbide, pour cet être inexplicable.
Durant 600 pages, Polza a été cuisiné sans cesse mais n’a donné qu’à la becquée des informations pour reconstituer le puzzle des derniers mois qu’il a vécus à l’air libre. Et le lecteur, comme les inspecteurs, a souvent été baladé par ses confidences jamais précises, toujours enveloppées de poésie éthérée. Son intelligence stupéfiante n’égale que son incapacité à s’intégrer dans la société. Il a pu donc, durant les tomes précédents, dominer la partie face aux inspecteurs et se permettre de déplacer la discussion sur les thèmes qu’il chérissait à savoir sa recherche du Blast ou encore son appétence pour le retour à la nature. Seulement maintenant l’enquête a progressé et il n’est plus possible pour Polza de mentir. Mais à quel point Polza ment lorsqu’il ignore ce qu’est devenu Carole? Est-il vraiment conscient lorsqu’il tue ses victimes? Et est-il de mauvaise foi lorsqu’il affirme qu’il aime la jeune femme?
Alors voilà, c’est la fin de la  » grasse carcasse », les zones d’ombre s’éclaircissent une à une et attention, autant vous dire que ça fait mal…Manu Larcenet nous offre une fin aussi brillante que troublante. Le lecteur demeure hébété face aux réalités révoltantes que Manu Larcenet nous délivre ( notamment à propos de Roland) mais qui prouve tout le génie de ce grand artiste du neuvième art. Finies les visions manichéennes! La complexité du monde nous est craché au visage.
Derrière la barbarie des actes, on entend cependant encore la respiration courte et épuisée d’une humanité qui a survécu et qui finira par se relever brisée, usée et désabusée sans doute…mais peut-être plus forte? Merci Manu Larcenet !

 » Cette nuit-là, j’ai imploré le Blast comme on le ferait avec une divinité. J’ai prié pour quelques instants à moi, seul, loin du cauchemar. J’ai prié pour quelques instants de légèreté, d’envol, de plénitude, de repos. En vain. « 

BLAST
Tome 4: Pourvu que les bouddhistes se trompent
Auteur: Manu Larcenet
Editions: Dargaud
Prix: 22,20

«  Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or » ( Baudelaire, Les Fleurs du mal)

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