François Noël : « J’ai un goût particulier pour la danse contemporaine »

par
Partagez l'article !

Par bscnews.fr/ François Noël, directeur du Théâtre de Nîmes, grand amateur de danse contemporaine, et avant tout amoureux des arts vivants, nous dévoile la programmation de la saison à venir de son théâtre. Celui qui depuis 11 ans est à la tête de cette institution nous livre sa vision de l’avenir culturel et nous fait part de ses ambitions personnelles.

Partagez l'article !

En quelques mots, pouvez-vous nous résumer votre parcours et nous expliquer comment vous êtes arrivé à la tête du théâtre de Nîmes?
J’ai fait des études de droit, puis l’école des Beaux-Arts, ensuite j’ai travaillé sur France Culture en tant que programmateur. J’ai travaillé pour le festival de Radio France à Montpellier. J’ai enchainé divers boulots, jusqu’à devenir directeur technique du Théâtre de Sète, à la suite de quoi j’ai été engagé dans les années 90 comme directeur technique au théâtre de Nimes. J’y suis resté 5 ou 6 ans, la directrice de l’époque était d’ailleurs Marie Colin, avec qui j’ai collaboré pendant 6 ans. Peu après à la suite des élections et d’un changement de majorité je suis parti, cela n’avait plus le même intérêt à mes yeux. J’ai baroudé, j’ai fait pas mal de tournées, j’ai travaillé pour Canal +, les Deschiens notamment, j’ai tourné dans le monde, un peu partout… Et puis à la faveur d’un nouveau changement de majorité à la tête de la mairie de Nîmes, j’ai été recontacté, pas pour un poste de directeur technique, mais de directeur du théâtre en 2003 en collaboration avec Jérôme Deschamps et Macha Makaeïeff. À leur départ en 2008, j’ai continué seul.

On vous connait un amour tout particulier pour la danse, vous êtes d’ailleurs expert pour la DRAC. Quel est votre regard sur le fait que Nîmes soit devenu un pôle danse pour la région ?

C’est devenu depuis peu une scène conventionné pour la danse contemporaine. Ce label nous a été accordé par le Ministère de la Culture. Des choix de programmation semblaient assez pertinents au Ministère tout comme à la DRAC. J’ai un goût particulier pour la danse contemporaine. C’est un mode d’expression extrêmement riche et universel. Le moindre geste peut être beaucoup plus expressif qu’un texte de 50 pages. Je suis touché qu’un geste, aussi simple soit-il, puisse raconter autant de choses et m’amener dans des endroits de mon esprit et imaginaire où je n’irai pas seul. Après j’adore le théâtre, c’est une véritable passion, mais c’est autre chose, une autre dimension. Je trouve chez certains chorégraphes, des gens extrêmement audacieux. J’avais une grande passion pour le travail d’Alain Buffard. C’était un artiste audacieux, inventif, courageux, et puis il n’a jamais fait de concessions avec ses propres convictions. Ce qui est tout bonnement merveilleux. Et puis il y a d’autres chorégraphes que j’admire, et il y en aura encore beaucoup d’autres. Ce que j’aime dans cet art c’est son infinité, sa capacité de renouvellement assez fascinante.

Qu’est ce qui, selon vous, fait la force et la singularité du théâtre de Nîmes ?
En quelques mot, j’ai fait le choix d’une programmation résolument contemporaine, à travers la danse, le théâtre, et la musique. Chaque année, on reçoit au moins un projet de musique contemporaine, par exemple l’année prochaine il s’agira d’un opéra. La programmation est davantage dictée par des convictions que par une technique de programmation que j’ai bannie. Je ne me dit pas « il me faut 3 spectacles de danse, ou des spectacles pour un tel ou un tel public ».La ligne, les partis pris sont forts et je les revendique mais ça repose beaucoup sur la qualité artistique de ce que je ressens, la manière dont on les présente. J’ai assez de pratique, pour savoir que oui, en ce moment, on commémore la guerre de 14-18, mais il y a des spectacles auxquels je souscris (ou pas). Parce que je les considère comme opportuniste ou manquant d’authenticité. Par exemple Yves Beaunesne, c’est du registre classique, mais d’une modernité folle, j’aime quand il y a ces contradictions à l’intérieur même d’un spectacle.

Pouvez vous nous présenter Patrice Thibaud ? Et comment est née l’idée de vous associer à lui ?
Avec Patrice on est amis de longue date, on a voyagé ensemble, et on a vécu des choses extrêmement drôles. C’est sûrement un des humoristes actuels qui me fait le plus rire. On s’est toujours dit qu’on allait faire quelque chose ensemble, et là on s’est dit « c’est le moment on le fait ! ». C’est quelqu’un d’extrêmement généreux, de son temps, de son talent, c’est un des rares artistes que je connaisse capable d’une telle générosité. Et pour cette nouvelle saison, il a fait des propositions très intéressantes. Lui,son expression c’est le mime, pas le mime au sens: Mime Marceau mais plutôt Tex Avery ! Et c’est avec un groupe de malentendants qu’il va travailler, tout au long de l’année qui vient. La rencontre aura lieu en début de saison, et peut-être qu’il y aura un rendu, mais on ne peut pas totalement prévoir. On verra selon la suite des événements. Je pense qu’on ne va pas s’embêter.

On parle de la culture comme d’un milieu en crise, est ce que vos choix ont été soumis aux contraintes budgétaires ? Avez-vous fait des sacrifices en termes de programmation, refusé des spectacles ?
Non, pas ici, en tous cas pour l’instant on a été épargnés grâce à la ville, envers et contre-tout. C’est un choix politique, nous ne sommes pas aidés par la région. En effet la subvention versée est dérisoire. Ça repose sur la volonté politique d’un maire et de son adjoint de vouloir donner à sa population une exigence en matière de théâtre. Mais si jamais cela venait à arriver on ferait moins, mais on n’en viendrait pas à brader les spectacles. De plus on est face à une augmentation du public. Là il faudrait que l’on augmente le nombre de spectacles, car certains affichent déjà complets, ça pourrait alors compenser le fait que l’on donne moins de spectacles au théâtre de Nîmes.

Est-ce que la hausse du public est liée au contexte actuel ?
Je pense qu’il y a plusieurs paramètres à prendre en compte, c’est pas le cas de tous. Il y a des lieux, qui,au contraire, accusent une baisse de la fréquentation. Le travail que l’on fait au théâtre de Nîmes, le coût des projecteurs que l’on a mis sur le Festival de Flamenco, ça ça draine le public… Après je pense qu’il y aussi une relation de confiance entre le théâtre et le public. On ne trompe pas le public et le public le sait. À partir de là ils viennent assez volontiers prendre un ticket en plus dans leur abonnement. Il y a des spectacles pour lesquels je ne m’attendais absolument pas à voir naître un tel engouement et qui,en quelques jours seulement, ont affiché complets.

On ne compte pas moins de 7 spectacles dans votre nouvelle programmation dédiés au jeune public, comment vous y prenez-vous pour capter l’attention d’un public de ce type ?
Alors on a deux techniques. Par exemple, on passe commande auprès des metteurs en scène comme la Cie Zampa, Vincent Dupont (l’année dernière)… Ce sont des gens qui a priori n’ont aucune expérience du jeune public et qui du coup s’emparent du challenge sans idées préconçues. Autant être honnête, un bon spectacle jeune public c’est un spectacle qui me plaît aussi. Il ne faut pas infantiliser les enfants parce qu’ils pourraient penser qu’on les insulte.

Vous êtes à la tête du théâtre de Nîmes depuis une dizaine d’années environ, quand vous regardez en arrière observez-vous des changements ? Quel bilan tirez-vous de ces dix ans de direction ?
Niveau programmation, il y a des choses qu’on a tiré vers le haut. Tout d’abord, le festival de flamenco, petite chose balbutiante quand je suis arrivé, est maintenant devenu le premier festival du genre en France. Ensuite, il y a d’autres motifs de satisfactions et de plaisir: l’équipe. Quand je suis arrivé, elle était fatiguée, usée et maintenant on avance, tous ensemble, soudés. Tout le monde tire dans le même sens. Et ça c’est extrêmement agréable. J’ai une équipe fédérée autour du projet et ils le portent avec moi, ce qui me permet d’avoir plus d’ambition, et ça, mine de rien pour un directeur de théâtre, c’est pas si fréquent.

Suite au mouvement de grève qui a annulé la présentation de la saison à venir le 16 juin dernier, quel regard portez-vous sur la grève des intermittents du spectacle ?

Je pense que des choses se sont très mal engagées. Les réactions sont légitimes et intermittent c’est un statut. Contrairement à tout ce que l’on entend ce n’est pas un statut de privilégiés qui s’engagent à ne rien faire. Il y 250 000 intermittents qui cotisent et seulement 93 000 qui en retirent les bénéfices. Des gens qui travaillent ça génère beaucoup de sous. A l’heure actuelle, on fait fausse route et ce sont les patrons qui ont le travail. Nous, au théâtre, quand on reçoit des gens pour un poste, on sent qu’ils veulent bosser, qu’ils sont motivés. Je comprends ce mouvement de colère, j’étais assez ennuyé( adjectif à changer) parce que c’est frustrant de ne pas pouvoir présenter sa saison, mais en même temps je comprends. Il faut être conscient qu’il s’agit d’une situation difficile qui va durer. Le problème ce n’est pas les intermittents du spectacle mais tous les chômeurs. Attendez qu’ils descendent tous dans la rue, et là ça sera pas la même chose.

Quels sont vos souhaits pour le théâtre de Nîmes ?
A moyen terme, on a toujours envie qu’il y ait plus de public. On y arrive, on commence à toucher toutes les couches de la population. J’aimerais que tout le monde se sente concerné par l’oeuvre artistique. On fait beaucoup de choses en dehors du théâtre avec L’Orchestre des siècles: François-Xavier Roth notamment. Chaque année quand il vient, il fait un concert pédagogique pour les enfants, ça rend accessible la musique classique avec une facilité qui en devient déconcertante dans les hôpitaux, prisons ou même maisons de retraite. On va auprès de gens qui reviendront certainement. L’idée est de toucher tout le monde au sein de la population, on avance bien mais il y a toujours une marge de progression. Mon ambition serait de démocratiser la culture du spectacle vivant et de la porter sur la place publique.

Le coup de coeur de cette saison ?

Ce n’est pas facile parce que j’en ai plusieurs, j’aime tout quand je regarde. Il y a une jeune chorégraphe rwandaise qui s’appelle Dorothée Munyaneza, qui va créer un spectacle qui s’appelle « Samedi détente » au mois de novembre. Il s’agit de son 1er spectacle en tant que chorégraphe. Et puis il y a « Tragédies » d’Olivier Dubois, on aura les Tiger Lillies en concert d’ouverture. Après il y a la création de Rossio Molina que l’on a vue en résidence au cours du festival de flamenco. Et puis évidemment nos anciens artistes associés « Les Possédés » avec leur Platonov. Et puis sinon tout est bien !

Propos recueillis par Victor Stefanini / Mise en page et adaptation: Ewa Crétois

Découvrir la saison 2014/2015 du Théâtre de Nîmes ICI

A lire aussi:

Jazz à Sète : une programmation prestigieuse au Théâtre de la Mer

28e édition du festival Chalon dans la rue : Ruée vers l’art

Détours du Monde: au carrefour des cultures au pays du Gévaudan

Suresnes : la saison 2014/15 du Théâtre Jean Vilar

Catherine Marnas et sa première saison optimiste au Théâtre national de Bordeaux Aquitaine

Laissez votre commentaire

Il vous reste

0 article à lire

M'abonner à