Gilbert Sinoué : la face cachée de Gandhi

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Par Nicolas Vidal – bscnews.fr / Et si Gandhi n’avait pas été celui que vous croyez ? Gilbert Sinoué le piste jusqu’en ses derniers retranchements et découvre son talon d’Achille.

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Lorsqu’il arrive en Afrique du sud à la demande d’une entreprise indienne, Mohandas Karamchand Ghandi est un tout jeune avocat paisible, passablement timide. Une nuit de juin 1893 dans la petite gare de Maritzburg, il découvre l’apartheid, l’humiliation. Un déclic se produit, qui l’entraîne dans un combat acharné contre la discrimination frappant ses compatriotes. C’est le début d’un processus irrésistible qui va le métamorphoser jusqu’à devenir le Mahatma, la Grande Âme. Vingt-trois années en Afrique du Sud feront du modeste avocat si british l’opposant le plus résolu et le plus redoutable à l’occupant anglais. Dans l’intervalle, Gandhi aura fait une rencontre déterminante et peu connue, celle d’Hermann Kallenbach, un architecte juif allemand. Leur relation sera extraordinaire, au sens premier. Une intimité s’instaure, dont l’intensité correspond si peu à notre perception spinalienne de Gandhi.
« D’un coup, Gandhi se leva, marcha vers un petit meuble, en sortit un flacon et revint vers moi. – Savez-vous masser, Hermann ? /…/ Avec un naturel qui me coupa le souffle, il ôta ses vêtements et, entièrement nu, s’allongea sur le sol. – Massez-moi, Hermann. Faites-moi retrouver la sérénité ».
Les exégètes ont avancé à ce propos des théories fragiles, inclinant souvent vers la dimension passionnelle. Le mot amour paraît incongru, mais l’on évolue manifestement sur le fil du rasoir. L’ apôtre de la résistance passive confronté à son défi le plus violent.
« Depuis près de deux heures, dans le clair-obscur de notre chambre, mes mains imprégnées d’huile remontaient lentement, infiniment lentement, le long du corps de Mohan. En partant de la plante des pieds, elles allaient vers les mollets, les cuisses, entre le rectum et les organes génitaux, les fesses. Elles naviguaient ensuite vers les hanches, le long du dos, jusqu’à la nuque, jusqu’au sommet du crâne, dans un va-et-vient régulier/…/ Pendant ces heures où nous ne faisions qu’un, toute la sensualité tenue en laisse trouvait dans ces instants l’occasion de s’épanouir, sans que pour autant se produise une perte de semence. L’énergie sexuelle roulait, remontait en nous par vagues incandescentes, du périnée jusqu’au chakra du cosmos … »
Le magnifique talent de conteur, de styliste de Sinoué trouve, pour se déployer, un horizon à sa mesure : sans limite. La correspondance échangée entre les deux amis est authentique ; les lettres ont été proposées en vente publique. Le roman embrasse davantage que ce pas de deux, mais celui-ci est suffisamment étonnant pour que l’on s’y attarde. Beaucoup oseront une lecture psychanalytique. Tout comme cinquante mille entraîneurs ceinturent le Stade Vélodrome, un roman de Sinoué fait germer des dizaines de milliers de lectures freudiennes. Outre la manière jubilatoire d’intégrer l’Histoire au long cours du récit, on admirera, servi par une écriture ondoyante, ce sens consommé du dialogue, sinécure pour lui, alors que, s’y aventurant, tant de ses pairs croient franchir une montagne et butent sur le premier caillou venu.

La nuit de Maritzburg
de Gilbert Sinoué
L’éternel amour de Gandhi
Editions Flammarion
450 pages – 21,00€

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