L’auteur a participé à de nombreux périodiques et est à l’origine de nombreux albums dont notamment « La vie d’Einstein », »La planète des moules », « Sacré Comique », « L’Esprit, le corps et la graine », « L’Encyclopédie des bébés », « Georges et Louis romanciers » ou encore « Passions » qui vient de paraître chez Fluide Glacial en février dernier. Son humour est à la fois absurde et cérébral: il fait appel à des références culturelles importantes et pour l’apprécier une certaine culture générale est nécessaire. Voilà pourquoi nous avons pensé à vous, chers lecteurs!
La Galerie Daniel Maghen propose du 11 au 28 juin 2014 une exposition rétrospective de ses trente dernières années de travail. 80 originaux y sont présentés. L’occasion de (re) découvrir les œuvres d’un scénariste et dessinateur célébré par la critique et ses pairs , dont l’univers terriblement décalé est fort séduisant!
Question idiote sans doute…mais il en faut bien une pour commencer peut-être?Vous êtes chercheur en intelligence artificielle…ça veut dire que vous essayez de rendre les ordinateurs encore plus intelligents, c’est ça?
Les ordinateurs sont déjà redoutables dans des domaines qui requéraient de l’intelligence (jeux, résolution de casse-têtes, démonstration de théorèmes, expertises …) mais ils manquent de compréhension et d’intuition basique. Aucun ordinateur ne comprendrait vos questions (ce n’est pas une insulte, ils ne comprendraient pas non plus mes réponses). Le problème est si difficile qu’on ne peut pour le moment travailler qu’avec des objectifs très limités et très abstraits.
Comment en êtes-vous arrivé à la bande-dessinée? Quelle bd(s) et/ou auteur(s) vous a (ont) donné l’envie de faire des planches?
J’ai commencé à dessiner des BD dans des cahiers d’écolier vers 11 ans. J’ai développé le goût de la BD à travers la lecture des journaux de l’époque : Spirou d’abord, Pilote ensuite, et avec leurs auteurs : Franquin, Giraud, Jijé, Mézières, Gotlib, Brétécher …
L’informatique (très rationnelle et objective) et la création artistique (subjective et fantasque) semblent deux mondes diamétralement opposés : on se trompe? Et sinon, est-ce pour cela que les deux vous attirent? Aimez-vous justement l’idée d’avoir deux activités qui ne se ressemblent pas?
C’est plutôt une question de mode d’expression. En informatique, toutes les idées doivent être formalisées à l’extrême et même mécanisées pour pouvoir être montrées. Dans l’art, les intuitions peuvent être simplement évoquées. Aucun des deux modes ne peut se réduire à l’autre et ils peuvent étudier le même objet, l’âme humaine (à laquelle aucun de nous ne croit).
Votre humour est souvent qualifié de singulier car vous traitez l’absurde sur un ton sérieux… est-ce l’expression également d’une dualité intrinsèque?
Le « ton sérieux », c’est un plaisir de jouer à fond des situations affectives, que je ressens exagérément valorisées dans la culture ambiante. La profondeur apparente des scènes est confrontée à des prétextes dérisoires, absurdes, qui fonctionnent à contre-emploi. C’est pour moi un moyen de mieux comprendre les fonctionnements sociaux, par exemple de séduction, d’intimidation, d’autorité spirituelle, etc. Et c’est un moyen inaccessible à l’approche rationnelle.
Qu’est-ce qui fait rire Daniel Goossens?
De toutes ces questions, c’est peut-être celle qui tiendra les ordinateurs en échec le plus longtemps, en mettant leur nom à la place du mien et quand ils riront. Je peux donner des noms d’humoristes (Gotlib, Desproges, Gary Larson…) ou tenter une hypothèse : ce qui me soulage de pressions sociales invisibles.
Cherchez-vous d’abord à faire rire vos lecteurs ou simplement à les emporter avec vous dans un univers absurde de votre confection et après…. »advienne que pourra, on verra bien s’ils rient! » …?
J’aurais préféré le premier mais je dois me contenter du second.
Dans l’exposition rétrospective de votre travail à la galerie Daniel Maghen sont exposées d’abord des planches de votre série » Georges et Louis »… dans laquelle vous avez disserté en vignettes autour du métier de romancier, c’est ça? Quelle a été la genèse de cette série?
Oui c’est ça. Deux personnages qui discutent d’idées, c’est un artifice courant en littérature et en bandes dessinées. Ca permet d’aborder des sujets très diversifiés, de passer du coq à l’âne, ce qui est une nécessité dans l’humour absurde. Mes cibles de dérision sont souvent des jugements de valeurs, des mises-en-scène, des lyrismes, des comportements sociaux de séduction, d’influence, bref, des sujets plutôt abstraits, qu’on dit « second degré ». Un couple d’écrivains, c’est le tandem idéal pour ça.
On y trouvera également des planches de votre dernier ouvrage , « L’Encyclopédie des Bébés »…un album inénarrable , à ce qu’on peut lire sur votre site, donc impossible de vous demander de nous en dire quelques mots?
Oui, je ne peux pas le narrer. Par contre, ce n’est pas le dernier. Le dernier s’appelle « Passions » et fait partie de la série Georges et Louis. Ceci dit, il contient une histoire avec des bébés, qui aurait très bien pu faire partie de l’encyclopédie.
Quand pouvez-vous dire qu’une vignette vous satisfait? Qu’une planche est efficace? Avez-vous des maniaqueries d’auteur qui vous empêchent de passer à autre chose tant qu’elles ne sont pas satisfaites?
Oui, c’est vrai, j’ai besoin que les personnages jouent bien, qu’ils aient des attitudes et des expressions qui me conviennent. C’est sur ces aspects que je vais dépenser le plus de temps et d’énergie.
Comment imaginez-vous le physique d’un personnage? Le dessinez-vous à partir d’un détail de son anatomie que vous mettrez ensuite toujours en exergue? Diriez-vous que vous avez un trait de caricaturiste en un certain sens?
Mon style est semi-réaliste. Ca veut dire que je caricature beaucoup, je choisis les aspects que je veux mettre en avant, quitte à m’éloigner beaucoup du réalisme, et en même temps, j’ai constamment envie de réintroduire de la complexité du réel dans cet univers simplifié, en utilisant beaucoup de documentation.
Enfin, à part cette exposition, quelles sont vos actualités?
Le dernier album publié, c’est donc « Passions », chez Fluide Glacial en février dernier. Comme d’habitude quand je commence un nouveau bouquin, j’ai plusieurs pistes et je ne sais pas encore laquelle va gagner.
Daniel Goossens
Exposition rétrospective à la Galerie Daniel Maghen du 11 au 28 juin 2014
Galerie Daniel Maghen
47 quai des Grands Augustins
75006 Paris
Tel.: 01 42 84 37 39
Fax.: 01 42 22 77 86
Du Mardi au Samedi
de 10h30 à 19h00
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