Enfants des nuages : un désert de conscience, un appel à la reconnaissance

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Par Elodie Cabrera – bscnews.fr/ Depuis 2008, l’acteur Javier Bardem et le réalisateur Alvaro Longoria militent pour la reconnaissance du peuple Sahraoui. Récompensé par un Goya, l’équivalent du césar en Espagne, leur documentaire « Enfants des nuages » sort en salle le 30 avril 2014.

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1885, conférence de Berlin, les grandes nations se retrouvent autour de la table pour partager un bon repas : l’Afrique. Chacun prend sa part du gâteau et l’Espagne emporte le Sahara occidental qu’elle délaissera près d’un siècle plus tard au profit du Maroc, en 1975. Depuis, la question sahraouie trône comme un éléphant au milieu du salon. Le Maroc multiplie les entorses aux droits de l’homme tout en faisant du pied à la France, l’Algérie boude son voisin marocain et soutient le Front indépendantiste Polisario, l’ONU dissimule les couteaux et tâche de maintenir le statut quo. Et au milieu, l’acteur Javier Bardem et le réalisateur Alvaro Longoria, tapent du poing sur la table avec un documentaire sans concessions, « Enfants des nuages », présentant le Sahara Occidental comme « la dernière colonie d’Afrique ».

Casse-tête
Repères historiques, manigances politiques, intérêts économiques, ce film parvient à rendre intelligible ce conflit aux apparences de casse-tête. Un tour de force rendu possible grâce aux nombreuses images d’archives, commentées par la voix de Victoria Abril, et aux animations du dessinateur Alex Salo, pédagogiques sans être simplistes.
Ce documentaire intelligemment construit slalome entre les camps de réfugiés et les blancs bureaux des Nations Unies, entre passé et présent : la Marche verte lancée par Hassan II en 1975 pour récupérer les territoires occupés par l’Espagne, la militarisation du Front Polisario, l’édification d’un mur de la défense qui sépare depuis 1980 le Sahara Occidental en deux. Et au milieu, coule l’indifférence, érodant la liberté d’un peuple à s’autodéterminer.
Mais le film ne se contente pas d’un simple récapitulatif. Spécialistes du Moyen Orient, anciens ministres des affaires étrangères d’un bord ou l’autre de la Méditerranée, militants de la cause sahraouie se succèdent face à la caméra, sans langue de bois, pour éclairer le spectateur. D’autres passages témoignent au contraire du tabou. A plusieurs reprises, Javier Bardem tente de joindre les autorités marocaines. Le téléphone sonne, personne au bout du fil.

Visage tuméfié
Déclarés « provinces du Sud » par le gouvernement marocain, ces territoires sont convoités pour leur richesse en phosphate d’où le silence de nombreuses nations. Les intérêts des uns font les inimitiés des autres. La France, « terre des droits de l’homme », préfère fermer les yeux sur la situation au Sahara, au nom de juteuses collaborations avec le Maroc. Dans une interview qui n’a pas été filmée, mais dont Javier Bardem rapporte les propos, l’ambassadeur de la France au Maroc compare cette relation diplomatique à celle de deux amants : on n’aime pas toujours ce que fait l’autre, mais on se soutient en public.
Le documentaire a le mérite de porter à l’écran ces rapports incestueux et confirme l’inefficacité de la MINURSO, la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara Occidental lancée en 1991. La seule mission pour la paix que ne jouit pas d’un droit de regard sur les violations des droits de l’homme. Elles sont pourtant nombreuses.
Persécutions, disparitions, tortures et arrestations arbitraires, les Sahraouis subissent de multiples répressions dans les territoires occupés. Aminatou Haidar, activiste, raconte sa séquestration dans une geôle, quatre années passées les yeux bandés et la peur au ventre. Une photo nous transperce la rétine, celle de son visage tuméfié. D’autres images de cette trempe ponctuent le film, comme autant de preuves pour contrer ceux qui s’en réfèrent à la non-médiatisation du conflit pour minimiser l’urgence du problème.

« Enfants des nuages » est une goutte d’eau dans l’océan des non-dits. Javier Bardem est quant à lui convaincu qu’il faut agir et en finir avec l’omerta. Le documentaire le suit dans ce combat sans l’ériger en super héros, façon BHL. Seules les scènes finales tombent dans ce travers, appuyé par un montage qui tend vers le blockbuster américain. Mais peu importe, pourvu que la question sahraouie se fraye un chemin à travers ce désert médiatique.

ENFANTS DES NUAGES, la dernière colonie
(Espagne – 2012 – 1h21, VO français, anglais, espagnol, arabe, sous-titres français)

Un documentaire de Álvaro Longoria
Avec Javier Bardem, Aminatou Haidar, Roland Dumas, Paul Nahon, Felipe González, Jorge Moragas, Jean-François Poncet…
Produit par Javier Bardem
Avec la voix de Victoria Abril
 pour la narration en français
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Festivals de Berlin, Toronto, San Sebastián…
Prix Goya 2013 du meilleur film documentaire

SORTIE NATIONALE LE 30 AVRIL 2014

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