En 2014, il a choisi de monter Voyage au bout de la nuit ; il y incarne tous les personnages et vient nous raconter la guerre de 14 et les tranchées, l’Afrique et le colonialisme, l’Amérique et son dieu Dollar et puis Molly, seul être que Ferdinand Bardamu a aimé. L’occasion d’entendre ce texte antinationaliste, anticolonialiste, anticapitaliste, anarchiste où l’homme n’est considéré que comme de la « pourriture en suspens » et qui résonne de façon profondément désespérée. Le collectif des Possédés qui manie les émotions avec autant de justesse que de violence ne pouvait pas laisser de côté cette oeuvre majeure.
Auriez-vous une anecdote en lien avec ce monument littéraire que vous vous apprêtez à mettre sur la scène? Vous souvenez-vous, par exemple, de votre rencontre avec Ferdinand Bardamu?
J’avais 20 ans, je crois lorsque j’ai lu pour la première fois Le voyage… Un choc, une révélation esthétique. On avait le droit d’écrire en faisant des fautes d’accord grammaticales et de conjugaison. On renversait une table recouverte de livres poussiéreux. On faisait place nette. On dynamitait l’histoire de la littérature. On inventait un style. Le style de ce terrible début de 20ème siècle.
Si vous deviez dire quelques mots à propos de Voyage au bout de la nuit, lesquels vous viendraient immédiatement à l’esprit?
Guerre. Sensibilité. Solitude. Foule. Amour. Chaleur. Pluie. Bruit. Odeur. Écriture.
Aviez-vous déjà vu des adaptations théâtrales de cette oeuvre? Est-ce une raison qui vous a poussé à monter ce texte qui vous tenait à coeur et dont les mises en scène vous avaient laissé insatisfait?
Je ne me soucie pas de ce qui a été fait de cette œuvre. En bien ou en mal. Mais il y a une nécessité et je réponds à cette nécessité intérieure.
Le collectif Les Possédés propose un théâtre généreux, qui saisit les émotions à bras-le-corps : ce texte de Céline répondait donc exactement à la « ligne » de votre compagnie?
L’oeuvre de Celine répond à ce qu’on recherche. Une histoire, une écriture singulière, une humanité. Du grotesque, du sublime. De la mesure, de la démesure. De la simplicité et de la générosité.
Etait-ce aussi l’occasion de rendre hommage, à votre manière, au centenaire de la guerre de 14? Quel(s) artiste(s), outre Céline, ont parlé de la Grande Guerre d’une façon qui vous a fortement touché?
Les œuvres marquantes : » À l’ouest rien de nouveau » de Remarque. » ceux de 14 » de Genevoix. » La route des flandres » de Simon…
Vous êtes seul sur scène. Seul avec Céline et… un décor épuré? quelques lumières? Parlez-nous de vos choix esthétiques pour cette création.
Sur scène, je suis seul, avec des éléments modulables, que je déplace, soulève… Pour créer des espaces de jeu évoquant un bateau, une tranchée, des buildings… Et un beau travail en lumière pour suggérer une ambiance selon les paysages traversés.
Voyage au bout de la nuit
Collectif Les Possédés – Artistes associés
D’après le roman de Louis-Ferdinand Céline (Éditions Gallimard)
Création dirigée par Katja Hunsinger et Rodolphe Dana
Avec Rodolphe Dana
Adaptation: Rodolphe Dana, Katja Hunsinger
Lumière: Valérie Sigward
Costumes: Sara Bartesaghi Gallo
Régie générale: Wilfried Gourdin
Dates des représentations:
– 13 et 14 mars 2014 à la Scène Nationale d’Aubusson – Théâtre Jean Lurçat
– Du 1er au 4 avril 2014 au Théâtre de Nîmes scène conventionnée pour la danse contemporaine
– Du 9 au 11 avril 2014 à la Ferme du Buisson – Scène Nationale de Marne-la-Vallée
– Du 28 au 30 avril et du 5 au 7 mai 2014 au TNBA – Bordeaux
– 15 et 16 mai 2014 à la Scène Watteau, Nogent sur Marne
Crédit photo ®Jean Louis Fernandez
Pour aller plus loin, l’interview d’un comédien du collectif des Possédés sur une autre de leurs créations : Tout mon amour : « une histoire extraordinaire qui arrive à des gens ordinaires «
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