Sans oublier : la quête bouleversante d’Ariane Bois

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Par Emmanuelle de Boysson – bscnews.fr/ Lorsque sa mère meurt dans un accident, une jeune femme voit sa vie exploser. Laissant enfants et mari, elle part sur les traces du passé de cette mère qui fut sauvée par des Justes. A travers cette enquête ou plutôt, cette quête bouleversante, Ariane Bois, grand reporter à Avantages, nous invite à réfléchir sur le lien mère-fille et nous transmet sa rage de vivre, de dépasser la peur et le racisme.

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Comment est né ce roman ?
Ariane Bois : J’avais évoqué la jeunesse de ma mère dans mon précédent livre « Le Monde d’ Hannah » et j’avais besoin de revenir à elle, à son mystère, à sa mort. Une façon de boucler un cycle commencé avec mon premier roman « Et le jour pour eux sera comme la nuit » et d’y greffer une intrigue romanesque. Le livre a pris une tournure que je soupçonnais pas : la magie d’un texte qui parfois n’en fait qu’à sa tête !

Quelles sont les conséquences désastreuses de l’accident qui a coûté la vie de sa mère sur la narratrice ?
La narratrice voit sa vie exploser : elle devient étrangère aux autres mais surtout à elle-même. Avec son mari, la situation se tend. Face à ses enfants, elle n’arrive plus à être responsable. Elle fuit le bureau, ses amies, s’enferme dans une spirale dangereuse, régresse, comme dans un baby blues.

Comment a-t-elle dès lors la force de mener son enquête ?
Après une dispute, elle quitte la maison. Dans le village où elle s’est réfugiée, elle reprend son souffle et rencontre un homme avec qui elle aura une relation. Ensuite, elle se lie à Jeanne, une vieille dame qui lui permet de s’ouvrir aux autres et lui révèle un secret. Peu à peu, elle découvre ce qui effrayait tant sa mère dans son enfance.

Pourriez-vous nous parler de ces Justes qui cachèrent des enfants juifs ?
Je me suis concentrée sur le village de Chambon sur Lignon. A majorité protestant, il est le seul au monde à avoir obtenu le titre de « Juste des Nations » décerné par Yad Vashem pour son action de sauvetage des enfants. On a estimé à plus de mille le nombre d’enfants qui ont été cachés dans des fermes, des maisons par une population qui l’a fait par humanité.

Quelle est la part autobiographique de ce roman ?
J’ai perdu ma mère quand mes enfants étaient petits. Il m’a fallu vingt ans pour écrire cette histoire, je voulais évoquer les difficultés liées à la maternité au moment d’une épreuve. Je n’ai pas suivi la voie de ma narratrice mais je crois que chacun d’entre nous peut ressentir ce besoin de couper les amarres, de faire un pas de côté.

Comment devient-on une mère ? L’instinct maternel est-t-il inné, fruit d’une éducation, d’une culture ?
On a souvent culpabilisé les mères qui n’y arrivaient pas au nom d’une pseudo règle de la nature qui nous pousserait à être des mères parfaites. L’amour se cultive. La narratrice aime ses enfants mais s’en éloigne car elle a l’impression d’être toxique. Une preuve d’amour. Les jeunes mères souffrent souvent de solitude : il faut multiplier les endroits où elles peuvent trouver une écoute, des conseils.

Aujourd’hui, comment lutter contre la peur et le racisme ?
Il faut éduquer, faire comprendre que le rejet de l’autre est aussi un rejet de soi. J’en reviens toujours à la bonté des gens du Chambon, à leur sens de l’hospitalité, à leur lecture de la Bible, dans des temps tourmentés.

Quels sont les romans que vous avez aimé ces derniers temps, vous qui êtes grand reporter à Avantages ?
«Tu n’as pas tellement changé », de Marc Lambron un texte bouleversant sur la perte d’un frère, et « Mudwoman », de Joyce Carol Oates, mon auteur américain de prédilection qui m’impressionne par sa maitrise de la psychologie de ses personnages.

Sans oublier
Ariane Bois
Editions Belfond
19,50 €
252 pages
Février 2014

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