Ford Mustang : Vivre… vite !
Par Laurence Biava – bscnews.fr/ Ford Mustang est leur premier roman co-signé, et c’est une belle idée. Une idée originale.
Est-ce que la notion d’amitié virile veut dire quelque chose pour vous ?. Je veux dire : ce qui relève du « for privé » que l’on a constaté et retrouvé dans des livres de famille, dans des mémoires, des autobiographies, des journaux personnels, depuis la fin du Moyen Âge ? Quelque chose d’autre de signifiant que l’image de cette amitié particulière habituellement galvaudée. Que l’on aime souvent tourner en ridicule. Ce livre-ci a pour objet le sentiment d’amitié, le sentiment de fraternité – toutes les fraternités – les comportements qui en résultent, les discours, les gestes et tout paradigme qui en rend compte à travers les actes, les contextes, les vécus et les virées des quelques compères qui incarnent l’histoire trépidante de cet opus..
L’histoire en quelques mots : en rejoignant un groupe de motards pour un week-end au coeur du Massif central, Boris et Yann cherchent à se détendre et à rompre avec leur routine familiale. Mais naturellement, c’est sans compter sur l’apparition imprévue d’Igor, frère aîné de Boris et révolté en cavale, qui débarque au volant d’une Mustang rouge sang pour se joindre à la troupe….
« Un jour ou l’autre, nous atteignons tous nos limites. Tous autant que nous sommes, nous disposons d’un plancher et d’un plafond de progression, c’est mathématique. Un plancher sur lequel nous venons nous écraser de temps à autre et un plafond que très peu d’entre nous atteindrons un jour. Moi, par exemple, il m’a fallu une trentaine d’années pour mesurer l’étendue de mon médiocre potentiel. C’est ce que j’appellerais devenir adulte, ou un truc dans le genre, allez savoir »
On l’aura compris : l’amitié virile sert de prétexte à d’autres dévoilements, à d’autres épilogues. Ford Mustang déroule pied au plancher un récit emballé et emballant, noir et lumineux. Et c’est en effet l’occasion pour ces trois hommes qui se « racontent » chapitre par chapitre, à tour de rôle, de noyer doutes, échecs et culpabilité dans le cocon rassurant de cette amitié virile. On lira ce scénario digne d’une tragédie post- modeme comme une façon d’accepter le monde tel qu’il est, opposée à la volonté prométhéenne de maîtriser la vie et la nature. Une tragédie caractéristique de notre époque : à la fascination du futur, on préfère la vie au présent, cette incroyable satisfaction du plaisir simple, qui permet, entre potes, de redécouvrir les petites aventures quotidiennes, tout en pansant les plaies.
On referme ce premier roman rempli de sentiments ambivalents, aussi bien convaincu par sa vigoureuse critique de la modernité qu’emballé par le ton familier pour ne pas dire trivial de ses protagonistes. A cela s’ajoute une pertinente critique des aléas de l’existence, des vécus et lassitudes quotidiens, et une analyse salutaire de l’esprit aventurier, des nouveaux comportements humains, émotionnels et affectifs. Une belle réussite et ma foi, longue vie littéraire à ces deux auteurs.
Ford Mustang
Bastien Bachet et Adrien Cadot
232 pages
Editions In Octavo
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